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N° 176 (21/10/2010). A la une: France: le bras de fer
p. 11
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National
Christoph B., Dominique B., Oskar F., racistes et identitaires
Avec la révision de la loi sur le chômage, l’UDC a gagné une bataille. Elle s’est unie à toute la droite qui a avalisé sa campagne raciste. Et la gauche parlementaire ne l’a pas dénoncée. Illustrant l’étranger comme « l’homme de couleur » malhonnête, l’UDC a défini le Suisse comme blanc, travailleur et honnête.L’UDC veut gagner la guerre. Elle veut imposer la discrimination dans tous les rouages. Au contrat social que fondent des valeurs universelles, elle veut substituer un nouvel ordre « identitaire », racial. Son alliée ? Le Zeitgeist, l’esprit de l’époque. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme restaurait l’Etat-nation qui devait être démocratique et social. Lorsque les néolibéraux pulvérisent les acquis sociaux, il ne reste que la nation. Mais que reste-t-il de la nation lorsqu’ils la soumettent aux règles internationales du libre marché pour enrichir le capital en toute liberté ? Dans la crainte d’être dépouillés, les peuples deviennent des proies faciles pour le nationalisme identitaire qui leur fait miroiter un futur où ils croient reconnaître quelque chose de leur passé, de leur culture.
Gagner la guerre ? Imposer des droits inégaux.
La Suisse ne peut pas prendre l’engagement de ne pas commettre de discrimination raciale, car son droit des étrangers repose sur elle. Avec la loi sur les étrangers de 2006, la discrimination s’est étendue au droit de la famille. Ses « dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers » autorisent l’officier d’état civil à refuser de marier (Code civil, art 97) et les autorités compétentes à dissoudre un mariage (Art 105) ou annuler la paternité (Art 109). L’initiative sur le renvoi étend la discrimination au droit pénal. Les étrangers seraient si « autres » qu’un droit pénal spécial devrait leur être appliqué. Et leur différence serait si irréductible que le droit de la nationalité devrait être modifié. La campagne actuelle de l’UDC annonce déjà ses prochains objectifs. Par exemple, un naturalisé devrait pouvoir être déchu de sa nationalité… et expulsé, s’il a commis un délit puni d’expulsion pour un étranger.Un racisme d’Etat
Dès sa genèse en 1917, le « droit des étrangers » donnait à l’administration le pouvoir de discriminer. Le droit au séjour existait jusqu’alors. Il a été remplacé par le régime de l’arbitraire, de l’autorisation de séjour. La loi de 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers couvrira la politique antisémite suisse de l’époque du nazisme. Prorogée en 1948, cette législation permettra la traite des saisonniers. Sur cette base, le Conseil fédéral ordonnera en 1964 que les « ressortissants des pays lointains » – euphémisme désignant les anciennes colonies – ne puissent pas bénéficier de l’autorisation de séjour. La loi sur l’asile de 1980 donnera pourtant à certain·e·s d’entre eux le droit de résider en Suisse. Depuis 1985, elle est donc sujette à d’incessantes révisions qui stigmatisent ces personnes comme des profiteurs, afin d’établir un ordre public fermé « aux ressortissants des pays qui n’ont pas les idées européennes (au sens large) ». L’UDC considère qu’à partir de cette date, les étrangers naturalisés restent des étrangers.Un racisme de gouvernement
Comme les autres partis de droite, mieux que les autres, l’UDC manipule la mythologie (Guillaume Tell, etc.), pour bricoler un homme nouveau. Responsable, celui-ci se dirige lui-même, se libère de la tutelle des juges étrangers et des aides sociales. Il demande un gouvernement à son image pour aggraver la punition des délits, réduire l’avortement à un soin de confort et légitimer la discrimination. En 2003, avec l’élection de Blocher au conseil fédéral, et malgré son éviction en 2007, l’UDC a engrangé de gros succès. Les Chambres ont jugé constitutionnelle son initiative islamophobe et les partis de gouvernement ne l’ont pas combattue. Pas plus que le Conseil fédéral. Côté pile, celui-ci adhère aujourd’hui au principe d’une justice spéciale contre les étrangers et propose, côté face, des mesures particulières pour leur « intégration ».Un racisme de masse
La pub de l’UDC distribuée en juillet 2010 était limpide. On ne peut pas devenir suisse : « Halte aux combines et aux manipulations. Voilà comment on compte correctement le nombre d’étrangers vivant réellement en Suisse : 34,3 % sans tenir compte des naturalisations ».Les Suissesses et les Suisses respectent leurs institutions et l’UDC le sait. Elle recourt à la loi pour imposer ce qu’elle souhaite. Plus consciente de l’ampleur de la crise sociétale que ses partenaires au gouvernement, elle n’hésite pas à heurter les traditions cantonales et communales. Elle bâtit un parti national centralisé doté d’un fort ancrage populaire. Elle exprime son nationalisme racial dans le langage de la rue contre l’ennemi étranger dont les enfants menaceraient les nôtres, dont les mœurs menaceraient nos femmes.
Elle attise le ressentiment contre l’étranger et fait rêver à son expulsion pour reprendre les logements qu’il occuperait à notre détriment, les emplois dont il nous priverait, les prestations sociales qu’il nous volerait. Et jusqu’à notre identité dont nous spolierait cet infiltré qui se prétend Suisse. J’exagère ? « Quand un Suisse commet un délit, le peuple se demande tout de suite : ‹ Mais depuis combien d’années il est Suisse ? › On constate alors souvent que l’auteur du délit est issu de l’immigration. » (Chr. Blocher, Le Matin, 25.8. 2007).
Karl Grünberg
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