Anticapitalistes européens: une unité d’action difficile

Anticapitalistes européens: une unité d’action difficile



Les 16 et 17 octobre derniers, sur
fond de mobilisation impressionnante dans les rues de Paris, le Nouveau
Parti Anticapitaliste (NPA) conviait les forces d’extrême
gauche européennes à une conférence
anticapitaliste. C’est la troisième réunion de cet
ordre animée par ce parti et la deuxième à
laquelle notre organisation assistait.

L’occasion nous était donc donnée à tous de
renouer des contacts, de réaffirmer la nécessité
d’une unité d’action plus systématique
à l’échelle européenne, ainsi que de
débattre sur les diverses façons de mener à bien
cette coordination et sur la mise en forme d’une base
programmatique commune, à même de traduire sur le plan
politique nos luttes et nos combats.

    Du Parti du travail de Pologne à
l’Izquierda Anticapitalista d’Espagne, en passant par le
Socialist Workers Party d’Angleterre et le Parti socialiste
ouvrier de Grèce, des organisations révolutionnaires des
quatre coins de l’Europe se sont donc réunies à
Paris.

    Cette réunion a permis à chacune de
nos organisations d’obtenir un état des lieux – sans
qu’il soit déformé par les médias
dominants – des  forces révolutionnaires dans
les pays représentés et des luttes en cours dans certains
d’entre eux, comme la France, l’Etat espagnol ou la
Grèce.

Crise et volonté de résistance

Partant, les camarades présents ont établi le double
constat que, d’une part, la période de crise globale dans
laquelle nous entrions s’accompagne d’une contre-offensive
néolibérale digne de Reagan et de Thatcher et que,
d’autre part, les diverses forces anticapitalistes peinent
énormément à représenter une opposition
solide à la politique bourgeoise et une alternative
sérieuse à la social-démocratie.

    Cependant, c’est dans ce même contexte
que s’ouvre un nouveau champ de possibles, une
redéfinition des rapports de force politiques, et que croissent
l’insatisfaction générale et le refus de payer la
crise de la part des classes populaires. Globalement, cette situation
ne fait qu’accentuer notre volonté commune de nous
réunir plus fréquemment et plus systématiquement,
l’absence de ce type de réunion ayant trop souvent
atténué la portée internationaliste de nos
idées.

    Dès lors, un grand nombre de propositions ont
été mises sur la table de manière assez disparate.
Comme des projets de campagnes pour un salaire minimum européen,
contre les mesures prises par la Banque Centrale, pour une
réponse européenne à la crise sanctionnant ses
responsables réels ou encore pour des mesures coordonnées
à l’échelle européenne visant à
réduire les émissions de CO₂. L’idée de
soutenir et de relayer plus sérieusement les luttes nationales
dans les autres pays a aussi été formulée ; il
s’agirait d’organiser plus systématiquement des
piquets de soutiens devant les ambassades de pays où de fortes
mobilisations se déroulent. On a encore exprimé la
volonté d’utiliser nos réseaux pour mettre en
relation des travailleurs d’une même entreprise
évoluant dans des pays différents. Puis, dans le but de
coordonner au mieux nos actions, un certain nombre de rendez-vous ont
été rappelés, comme le G20 de 2011 ou le
contre-sommet le Lisbonne de novembre 2010.

    Cela dit, les limites d’une telle rencontre sont apparues clairement.

Des limites manifestes

En amont, le problème est organisationnel. En effet, la
conférence n’a été préparée
qu’autour de deux textes, l’ordre du jour et le
communiqué de presse. Il n’y avait en somme aucune base
commune sur laquelle structurer cette réunion, aucun moyen
d’orienter le débat sur des points précis, se
référant à des problématiques
particulières autres que « la crise »
ou « les plans
d’austérité », sujets trop
généraux pour être fructueux. C’est donc sans
surprise que la discussion a commencé par de longues
présentations des diverses analyses avancées pour
expliquer le contexte économique, politique et social et y
répondre.

    En aval, au terme de ces deux jours de
conférence, il est difficile de ne pas rendre feuille blanche
lorsqu’il s’agit de faire la liste des résolutions
prises par l’assemblée. En effet, mis à part les
idées ci-dessus, aucun véritable projet n’a
été amorcé, aucun désaccord de fond
n’a été débattu. Et — c’est
l’aspect un peu caricatural de la situation — quand
l’idée de créer une coordination européenne
a été mise sur la table, elle a été
évacuée, certaines organisations, membres du Parti de la
gauche européenne (comme le Bloc de Gauche portugais ou
l’Alternative rouge-verte danoise) trouvant ce point
problématique.

    Evidemment, les causes de ces faiblesses ne sont que
le reflet de nos propres déficiences. Il ne tient
qu’à nous d’apporter nos critiques et nos
propositions.

    Mais ne tirons pas un bilan trop
sévère de la rencontre. Ces conférences sont en
elles-mêmes extrêmement positives, ne serait-ce que pour
continuer de tisser des contacts et maintenir des rapports fraternels
avec ces organisations en Europe.

    Alors, souhaitons que la prochaine conférence
anticapitaliste européenne soit basée sur des textes
provenant de plusieurs pays, qu’ils soient discutés et
amendés et que les débats traitent des questions
décisives. Ce serait un progrès souhaitable et
nécessaire.

Pierre Conscience