Cadeaux fiscaux aux entreprises une « realpolitik» à courte vue

Cadeaux fiscaux aux entreprises une « realpolitik» à courte vue

Après le vote par une
majorité du Grand Conseil (Parti Socialiste,
Libéraux-Radicaux, UDC, une partie des Verts et du POP)
d’une nouvelle loi sur l’imposition des entreprises –
contre laquelle un référendum vient d’être
lancé –, « Le Point » (bulletin
du Parti Socialiste Neuchâtelois, septembre 2010) publie un
commentaire de Baptiste Hurni (député et président
du PSN).

Celui-ci écrit notamment : « Il
est vrai que, de prime abord, cette réforme attaque certains
principes socialistes que nous défendons. Comment croire que le
seul Grand Conseil de Suisse qui est à gauche soit celui qui
diminue par deux, c’est-à-dire de 20 à 10 %
(5 % canton, 5 % communes) l’imposition des
entreprises ? 
»

On peut le croire… Car le Parlement neuchâtelois a les
mains liées depuis juin 2005 par le « frein
à l’endettement et aux dépenses »
(majorité qualifiée des 3/5 des élu.e.s pour une
réforme fiscale ou une dépense supérieure à
5 millions de francs). Voté par la droite unie et par le PSN
(session de février 2005), ce mécanisme fut soutenu tout
aussi peu intelligemment par le PSN lors de la votation populaire (juin
2005).

    Résultat des courses : une
législature 2005-2009 marquée par
l’austérité (impulsée par Jean Studer,
premier ministre des finances) et un programme de législature
pour 2010-2016 (fruit du consensus gouvernemental PLR-PSN), vrai
concentré de contre-réformes néo-libérales.

Mais pour Baptiste Hurni, qui défend la nouvelle loi fiscale, il
n’y aurait pas d’autre politique possible
« tant que les grandes organisations mondiales
n’imposent pas des règles strictes pour éviter que
le bénéfice produit dans un centre ne soit
déclaré dans un autre » et
« tant que le Parlement fédéral
n’imposera pas un cadre à la concurrence fiscale aberrante
à laquelle se livrent les cantons ». En attendant
qu’un tel encadrement tombe du ciel, la social-démocratie
britchonne défend à Neuchâtel, une politique
fiscale qui situe le canton parmi les plus bas niveaux européens
et suisses en matière d’imposition des entreprises.

Or, les « règles strictes » que
devraient imposer  « les grandes organisations
mondiales » relèvent du vœu pieux. Le Fonds
Monétaire International et l’Organisation Mondiale du
Commerce, dirigés respectivement par les sociaux-libéraux
Dominique Strauss-Kahn (FMI) – que les medias dominants
présentent comme « le meilleur candidat de
gauche » (!) aux élections présidentielles
françaises de 2012 – et Pascal Lamy (OMC) forgent
« la réalité du monde libéral dans
lequel nous vivons ». Il suffit d’analyser les
politiques d’austérité appliquées ces
derniers mois en Grèce, en Espagne ou en France.

    Et comme « le Parlement
fédéral n’imposera pas un cadre à la
concurrence fiscale aberrante à laquelle se livrent les
cantons », Neuchâtel n’aurait plus
d’autre choix que d’entrer dans le jeu de ladite
concurrence. Que les député.e.s du PSN l’acceptent
avec résignation ou non, ils.elles ont été
roulé.e.s dans la farine par le Conseil d’Etat in corpore
et la droite PLR/UDC.

Boa constrictor

    Pour mieux faire avaler ce boa constrictor aux
lecteur.trice.s du « Point », Baptiste Hurni
les gratifie en prime d’un prêche dominical édifiant
sur le monde socialiste à venir – un monde auquel la politique
du PSN ne fraie pourtant pas particulièrement le chemin…

    Baisser l’imposition des entreprises,
c’est faire des cadeaux à des personnes physiques bien
réelles, actionnaires ou propriétaires, qui accumuleront
toujours plus de richesses, alimentant ainsi la spéculation
destructrice d’emplois et de société. Certes,
Baptiste Hurni n’est pas avare de grandes
envolées : « Ce monde parfait, ce monde
socialiste, nous devons le créer petit à petit,
pièce par pièce, réforme après
réforme », mais il approuve dans le même
temps de vraies contre-réformes qui alimentent la concurrence
fiscale et la délocalisation des entreprises, contribuant ainsi
à l’invraisemblable augmentation des
inégalités dans le monde, que paie le monde du travail,
en chômage et en pauvreté.

    En résumé (c’est là son
seul intérêt), le laborieux pensum publié par
« Le Point » illustre la contradiction
fondamentale entre une « gauche » de
gouvernement, considérant le capitalisme – « le
monde libéral dans lequel nous vivons » – comme un
horizon indépassable et une gauche de transformation sociale
(dont SolidaritéS est partie prenante), estimant que le
capitalisme mène le monde (dont le canton de Neuchâtel
fait indéniablement partie…) humainement, socialement et
écologiquement dans le mur. 

Hans-Peter Renk


Le référendum « pour une justice fiscale » est lancé !

Déposé par un comité citoyen, nous avons deux mois pour récolter les signatures.

    Vous pouvez télécharger les feuilles sur www.solidarites.ch/ne

ou

 en obtenir à solidaritéS, av. gare 3, 2000 Neuchâtel


Trois raisons de manifester votre opposition en faisant signer le référendum

  • le taux d’imposition du bénéfice des
    entreprises baissera de moitié passant de 10 % à
    5 %
  • le taux d’imposition des holdings sera divisé par 100, passant de 0.5 0/00 à 0.005 0/00
  • l’imposition des dividendes pour les actionnaires
    détenant 10 % au moins d’une société
    sera réduite

 
   L’article qui permet les exonérations de
l’impôt des personnes morales est maintenu. Que
restera-t-il dans les caisses de l’Etat pour la réforme
fiscale des personnes physiques, pour la santé, la formation et
les transports publics ? Nous avons besoin de votre soutien.