« Toute personne doit être sollicitée lorsqu’on imagine la société de demain »

« Toute personne doit être sollicitée
lorsqu’on imagine la société de
demain »

« Agir en Toute
Dignité Quart Monde » est un mouvement qui lutte
pour les droits humains, avec l’objectif de garantir aux plus
pauvres l’accès à l’exercice de leurs droits
et d’avancer vers l’éradication de
l’extrême pauvreté.



Il développe des projets sur le terrain avec des personnes qui
vivent en situation de pauvreté ; il travaille pour sensibiliser
l’opinion des citoyens et obtenir des changements politiques ; il
promeut le dialogue et la coopération entre les
différents acteurs sociaux. Dans toutes ces actions, deux
principes majeurs sont mis en œuvre : Penser et agir avec
les personnes en situation de grande pauvreté et ne laisser
personne de côté. Nous nous sommes entretenus avec Damien
Burguet, responsable du groupe des jeunes et Alban Bordeaux,
responsable du groupe des adultes à ATD-Quart Monde.

Quel est votre travail au sein du mouvement ?

Notre engagement se situe auprès des personnes en situation de
précarité. Nous leur apportons un soutien dans plusieurs
domaines, par exemple, les accompagner dans diverses démarches
administratives.

    Nous proposons chaque semaine des rencontres
où nous discutons sur des thèmes que les personnes
choisissent elles-mêmes, tels que : la difficulté
de trouver un apprentissage pour les jeunes, l’exclusion, le
racisme, etc… Parfois ces moments deviennent des ateliers
créatifs ou des sorties.

    D’autres rencontres sont organisées en
Suisse et en Europe. Elles permettent à ces personnes de changer
d’environnement et de faire de nouvelles rencontres. Certains
disent que « ce sont les seules fois où ils peuvent
sortir de leur quartier ». Un des but de ces rencontres
est d’élaborer des propositions
d’amélioration de leur quotidien afin de sensibiliser le
monde politique et la population (exemple : Stratégie
nationale de lutte contre la pauvreté du 9 novembre).

    2010 est l’année européenne de
lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Grâce à tous les témoignages
récoltés, des membres du mouvement, de tous milieux
sociaux, ont écrit deux textes que nous rendons publiques lors
de la Journée mondiale du refus de la misère.

De quelles situations pouvez-vous témoigner en lien avec
votre travail auprès des personnes
précarisées ?

Nous rencontrons autant des jeunes en galère de formation,
soutenus par un réseau familial, que des jeunes livrés
à eux-mêmes sans habitat fixe. En ce qui concerne les
adultes, les situations varient. En ce moment, j’accompagne un
couple qui ne comprend pas la raison du placement de leur enfant ou
encore une femme qui risque de se faire expulser de son appartement en
plein hiver.

    Souvent, ces personnes sont baladées de
service en service et un regard négatif est automatiquement
jeté sur elles. Une personne qui est à l’AI, on va
lui dire qu’elle profite de la société, alors que
quand on l’écoute, c’est une personne qui veut
justement sortir de l’AI mais qui ne sait pas comment faire.

Quelles revendications trouvez-vous importantes de relever ?

Premièrement, considérer les personnes qui vivent la
précarité comme des experts de celle-ci, comme une source
de connaissances. C’est-à-dire qu’au lieu de
demander la parole et une contribution à une partie de la
société bien-pensante, ils sont à notre avis les
mieux placés pour orienter les politiques de lutte contre la
pauvreté, et évaluer les mises en œuvre des lois
proposées.

    Leur donner un statut consultatif leur permettrait
d’évaluer la pertinence d’une loi ou d’une
mesure. Rappelons-le, à chaque fois que quelque chose est
proposé, c’est d’abord eux qui payent les pots
cassés du manque de consultation.

    Deuxièmement, il est important de proposer
une politique globale qui ne traite pas séparément
différents domaines (travail, logement,…). Une loi par
trop dirigée dans un domaine ne permet pas aux plus exclus de
s’en sortir. La grande pauvreté ne s’explique jamais
exclusivement par un seul facteur.

    Troisièmement, faire des campagnes de
sensibilisation afin de changer le regard qui est porté sur ces
personnes. La plupart veulent s’intégrer, travailler, et
sortir de la dépendance des services sociaux, mais on leur
refuse cette intégration étant donné qu’ils
ont parfois des difficultés à s’exprimer comme les
autres, certains sont gênés et ont peur de parler.

ATD Quart Monde organise chaque année le 17 octobre 
(Journée mondiale de la misère), expliquez-nous quelle
est la démarche pour 2010 ?

Cette journée a été crée en 1987 par ATD
Quart Monde et a été reconnue par l’ONU en 1992.
Cette année, nous voulons faire un gros événement
sur Genève en collaboration avec d’autres associations.
Nous organisons 3 jours de manifestations aux Bains des Pâquis et
aux Nations Unies. (Voir affiche et programme détaillé).

    Les objectifs de ce week-end sont de donner la
parole aux plus pauvres, c’est une journée pour les
personnes à qui on ne donne jamais la parole. De plus, nous
aimerions créer un réseau d’associations
partenaires avec qui nous pourrions ensemble porter la voix des plus
démunis, et faire entrer cette journée dans le calendrier
de l’Etat de Genève.

    Cette année nous proposons quelque chose de
différent par rapport aux autres années où nous
touchions peu de citoyens car ce n’est pas toujours motivant de
se déplacer pour une rencontre trop politisée. Nous
aimerions attirer le plus de personnes possible car nous sommes
convaincus que ce n’est qu’avec une forte mobilisation de
toute la population que nous arriverons à combattre la
misère. 

Interview réalisée par Sofie Lauer et Thibaut Lorin.