Chili: 34 prisonniers politiques Mapuches en grève de la faim

Chili: 34 prisonniers politiques Mapuches en grève de la faim

Alors que les médias ont fait
connaître au monde entier la situation dramatique de 33 mineurs
chiliens prisonniers au fond de leur mine, ils se montrent beaucoup
plus discrets sur la grève de la faim menée depuis
plusieurs mois par 34 détenus mapuches, détenus dans six
prisons au sud du Chili.

Depuis le 12 juillet 2010, ceux-ci sont en grève de la faim pour
faire aboutir leurs revendications, dont notamment :

  • Arrêt de l’utilisation de la loi 18.134, dite
    « loi anti-terroriste », promulguée
    par la dictature militaire du général Pinochet, maintenue
    par les gouvernements de la « Concertation »
    et appliquée aux actions du peuple Mapuche pour
    récupérer les terres qui leur ont été
    confisquées depuis des décennies ;
  • Révision de tous les jugements antérieurs
    concernant les membres de communautés Mapuches condamnés
    en vertu de la loi anti-terroriste ;
  • Reconnaissance des droits environnementaux, sociaux, culturels et
    politiques, conformément à la convention 169 de
    l’OIT approuvée par le Congrès chilien.

    La loi 18134 est utilisée pour stigmatiser et
écraser les mouvements sociaux et plus particulièrement
les Mapuches. Les 96 détenus politiques indigènes sont
dépourvus de tous les moyen de défense, ce qui se traduit
par une série d’irrégularités :
présomption de culpabilité, détentions
arbitraires, tortures et châtiments psychologiques,
détentions provisoires prolongées, accusations
basées sur des déclarations de
« témoins sans visage » auxquels les
accusés ne sont pas confrontés, déplacements
arbitraires et harcèlement incessant de la police chilienne

Une célébration immorale

Les Mapuches sont victimes d’un racisme
caractérisé : « Ils sont
accusés de terrorisme, pourtant les seuls morts de ce conflit
sont des jeunes Mapuches criblés de balles dans le dos. Pourquoi
n’applique-t-on pas la loi anti-terroriste aux carabiniers qui
ont semé la mort et la terreur dans les
communautés ? […] Comment est-il possible que la
vie d’un indigène n’ait aucune valeur? Elle vaut si
peu qu’ils ont dû faire 50 jours de grève de la
faim, avant que les médias et le gouvernement leur prêtent
attention, car il est plus important de parler du bicentenaire de
l’indépendance » (Tito Tricot, directeur du
Centre d’études d’Amérique latine et de la
Caraïbe).

Une cause qui sort de l’ombre

Ces derniers jours, les revendications du peuple Mapuche sont apparues
au grand jour dans les médias et dans la société
chilienne. Ainsi, 4 parlementaires se sont joints aux grévistes
de la faim, lors d’une visite à la prison de Temuco, ce
qui leur valut d’être expulsés manu militari.

    Maria Emilia Tijoux, spécialiste des
questions indigènes à l’Université
catholique du Chili, estime que « l’esprit du
bicentenaire » a débouché sur une prise de
conscience de nombreux Chiliens pour la situation de ce peuple
indigène. De leur côté, les Eglises catholique et
protestante ont demandé au gouvernement d’entrer en
matière sur les revendications des grévistes de la
faim 

    Certes,  les autorités et les
parlementaires reconnaissent qu’il est nécessaire
d’abolir la loi anti-terroriste. Mais, cyniquement, certains
politiciens proposent d’amnistier en même temps les
Mapuches et les tortionnaires de la dictature Pinochet !

    Des manifestations de soutien aux Mapuches ont eu
lieu à Bruxelles et à Paris ces derniers jours. Un groupe
de député·e·s du Parlement européen
ont adressé une lettre ouverte au président chilien,
plaidant pour une solution du conflit et rappelant que la grève
de la faim des Mapuches « est un cri
désespéré pour attirer l’attention sur une
situation intolérable et contraire aux conventions
internationales sur les droits humains ». 

Hans-Peter Renk


Qui sont les Mapuches ?

Les Mapuches sont les communautés aborigènes de la zone
centre-sud du Chili et de l’Argentine. Selon le recensement
officiel de 2002, les Mapuches représentent 4 % de la
population chilienne, soit un peu plus de 600 000 personnes. Les
Mapuches ont un passé de résistance au colonialisme
espagnol. A la fin du XIXe siècle, ils furent victimes de
guerres de conquête menées par les gouvernements chiliens
et argentins et dépossédés d’une bonne
partie de leurs terres (comme les indigènes
d’Amérique du Nord à la même époque).

JB