Venezuela: élections à l’Assemblée Nationale : un reflet de la lutte de classes

Venezuela: élections à l’Assemblée Nationale : un reflet de la lutte de classes

La campagne électorale pour
conquérir les 165 sièges de l’Assemblée
Nationale s’est bien déroulée, sans incidents ni
heurts, et avec une participation record de 66 %,
dépassant largement la barre des 50 % très
rarement franchie habituellement. L’opposition, escomptant
capitaliser le mécontentement de secteurs capitalistes
gênés dans leur course aux profits et de certaines couches
de la population déçues dans leurs attentes ou leur
impatience, s’est mise dans la course, après le boycott
des mêmes élections en 2005.



Plus de 50 formations politiques se sont présentées dans
le bloc de droite, dont plus de la moitié auront disparu
dès le 27 septembre 2010. Le bloc chaviste, emmené par un
Parti Socialiste Unifié du Venezuela, très accrocheur sur
le terrain et bien implanté, s’était fixé
comme objectif de l’emporter pour ⅔ des députés
(110 sur 165), ce qui lui permettait de légiférer par
décrets et d’avancer de façon institutionnelle vers
la « révolution socialiste ».

Des résultats qui satisfont les deux camps

Le PSUV reste le grand parti majoritaire, avec 98 sièges environ
(des décomptes fins sont encore en cours). L’opposition
est satisfaite de son retour à l’Assemblée, avec 65
députés. Elle ne peut espérer faire passer aucune
loi de retour en arrière, mais peut bloquer, du fait
qu’elle dépasse le tiers des élus,
d’importantes réformes favorisant les couches populaires
ou accroissant la puissance des pouvoirs publics.

Le PSUV sera obligé, et ce n’est peut-être pas un
mal, d’organiser et d’appuyer les luttes émanant de
la base, en appliquant les articles les plus audacieux de la
Constitution Bolivarienne de 1999. Plutôt que de gouverner un
Conseil des ministres sans aucune opposition, comme aujourd’hui.

Un contexte très politisé, polarisé en fonction des intérêts de classe

La droite a beaucoup joué, lors de la campagne, sur
l’argument : « Voulez-vous le communisme au
Venezuela ? », «Acceptez-vous le
modèle cubain ? », alors que le 65 %
des entreprises appartiennent au secteur privé. Et si l’on
décante les effets de manche de mauvaise foi en faveur des
opprimés, le seul droit qui intéresse l’opposition
c’est le respect du droit de propriété…

La  gauche bolivarienne a clairement annoncé la couleur
(moins peut-être le calendrier et les objectifs) : quitter
avec fermeté les rivages de la société
capitaliste, favoriser l’apparition des classes sociales
prolétaires ou prolétarisées comme sujet
historique de la révolution socialiste, à travers
notamment les Conseils communaux. Ces derniers peuvent, par
l’élaboration de projets collectifs issus des choix
communautaires, lober les mairies et les pouvoirs institutionnels
locaux, traiter directement avec le gouvernement et gérer
eux-mêmes les ressources allouées par l’État
central.

En vivant au Venezuela, on découvre que les militants les plus
conscients du PSUV perçoivent clairement deux ennemis dans leur
lutte pour la construction du socialisme :

1) La droite réactionnaire, cherchant à gommer toutes les
décisions des programmes sociaux du gouvernement et à
revenir à la 4e République, sans Chavez ni la
Constitution Bolivarienne. Que ce soit dans le domaine de
l’éducation, de la santé, de la loi des terres
urbaines, des domaines latifundistes, des logements.

2) La droite « endogène »,
formée de cadres traditionnels des pouvoirs publics incapables
de céder la moindre parcelle de leur pouvoir aux couches
populaires, fréquemment accusés de bureaucratie
stérile, voire de corruption éhontée. Les
militants les plus actifs n’hésitent pas à parler
d’État bourgeois, qui est loin d’avoir
opéré ses mutations les plus attendues.

Les luttes mouvementées dans la sidérurgie nationale

Peu après la nationalisation de l’industrie
sidérurgique SIDOR en 2006, rachetée sur pression des
ouvriers à un trust argentin, les travailleurs ont eu toutes les
peines du monde à faire admettre la nécessaire
unité entre les 3 000 travailleurs fixes et les
9 000 travailleurs
« tertiarisés » ou temporaires. Il a
fallu plusieurs grèves, mal vues par l’État
central, Chavez y compris, au début et la répression de
leaders syndicaux, pour aboutir à des statuts convergents pour
tous les travailleurs.

Il y a eu finalement une loi interdisant le travail temporaire sur tout
le territoire national, étendant donc les revendications des
métallurgistes à tout le pays, élément
fréquent et bienvenu de va-et-vient entre luttes sectorielles et
législation générale.

Les enjeux, d’ici aux élections présidentielles de
2012, tournent autour de la participation directe des couches
populaires à l’avance d’un projet socialiste. Pour
faire apparaître de façon concrète les
intérêts historiques et quotidiens de la majorité
de la population, opposée à tout retour en
arrière, signifiant la fin de ses projets
d’émancipation politique et idéologique.


Jacques Depallens,

État du Guárico, Venezuela


Bref rappel historique

1989 : Insurrection
populaire contre les mesures d’ajustements du FMI,
réprimée dans le sang et marquant l’éveil
d’une conscience anti-libérale et anti-impérialiste.

1992 : Rébellion
d’importants secteurs de l’armée, sous
l’impulsion du Mouvement Bolivarien des 200. Coup
d’État militaire manqué. Chavez emprisonné
pour deux ans.

1998 : Hugo Chavez, élu Président.

1999 : La Constitution Bolivarienne (Cinquième république) est acceptée à 72 %.

2000 : Nouvelle élection de Chavez à la présidence de la 5e République.

2002 : Coup d’État
de la droite et d’importants secteurs de l’armée.
Échec et retour au pouvoir de Chavez.

2002-2003 : 4 grandes
grèves organisées par le patronat pour résister
à la nationalisation des concessions pétrolifères.

2004 : Referendum
révocatoire pour exiger la démission de Chavez.
Échec : 60 % des votants demandent le maintien du
Président élu.

2005 : Élections à l’Assemblée Nationale boycottée par la droite.

2006 : Nouvelle élection présidentielle : Chavez vainqueur à 63 %.

2007 : Réforme constitutionnelle, allongeant le mandat du Président. Refusée à 50,7 %. 7