L’ALCIP, quand la population parle en son nom

L’ALCIP, quand la population parle en son nom

L’ALCIP (Association de Lutte
Contre les Injustices sociales et la Précarité) a pour
but de lutter contre toutes formes d’injustices sociales et de
décisions politiques qui précarisent
financièrement et moralement les individus. L’association
a vu le jour officiellement à Genève au printemps, mais
l’idée du projet a pris naissance l’an passé
déjà. Entretien avec Anne-Marie Peysson,
présidente de l’association.

Quelle est la particularité de cette association ?

L’ALCIP devait être créée car, plus
qu’une association d’aide et de soutien, elle est surtout,
et c’est là son originalité, une association de
défense et de revendications pour toutes les personnes victimes
d’injustices sociales. Il faut savoir que parmi les
bénéficiaires de l’Hospice Général,
on compte des personnes travaillant en emploi de solidarité et
en contre-prestations largement sous-payées ; il est donc
nécessaire que l’ALCIP joue également un rôle
syndical pour ces personnes.

    Etant moi-même au RMCAS, je sais plus que
quiconque ce que c’est que des fins de mois difficiles. Ainsi,
pendant mon parcours, j’ai côtoyé de nombreuses
personnes dans la précarité et je peux témoigner
que le plus dur dans cette situation, c’est l’abus de
pouvoir que l’on exerce sur nous et surtout la quasi
impossibilité de revendiquer le droit à la
dignité, à une vie décente et ce, quelle que soit
sa situation sociale.

Y-a-t’il d’autres revendications ?

Le droit également d’avoir son mot à dire sur des
décisions politiques de plus en plus injustes et qui nous
précarisent davantage, tant sur le plan national (on le voit
avec la révision de la loi sur le chômage) que sur le plan
cantonal avec le projet de Monsieur Longchamp de supprimer le RMCAS (1)
parce que, dit-il, «les personnes ont tendance à s’y
installer». Il y a, dans ces propos, une volonté politique
évidente de faire passer, mais ce n’est hélas pas
nouveau, les sans-travail pour des profiteurs installés
confortablement à l’aide sociale ou au chômage.

    Ainsi, l’ALCIP est d’autant plus
importante, qu’actuellement nous vivons une période de
crise, pas seulement financière, mais surtout sociale. Cette
configuration politique tend de plus en plus à stigmatiser les
plus pauvres comme étant responsables de tous les maux,
dissimulant bon nombre de magouilles politico-financières qui
appauvrissent la population.

Vous êtes, dit-on, très présente contre le projet de suppression du RMCAS ?

Le premier combat de l’ALCIP est actuellement l’opposition
au projet de suppression du RMCAS. Nous avons dernièrement
été auditionnés par la Commission des affaires
sociales du Grand Conseil afin de leur faire part de notre position et
de nos propositions. Nous avons attiré l’attention des
député.e.s sur un aspect primordial : la
réinsertion professionnelle doit aller de pair avec des
prestations financières dignes afin qu’elles puissent,
autant que faire ce peut, dégager les
« sans-travail » de tous autres soucis, afin
de mieux se consacrer à leur projet professionnel.

    Nous leur avons fait part de notre opposition
à toutes idées de privatisation des moyens de
réinsertion et pensons que toutes les nouveautés en la
matière peuvent très bien être
insérées dans le cade du RMCAS et que les mesures
professionnelles doivent être conduites par l’Etat,
l’OCE, les communes, etc. Parallèlement, les assistant.e.s
sociaux.ales devraient pouvoir garder leurs fonctions essentielles que
sont l’aide sociale, financière et morale.

    Nous avons d’ailleurs la chance d’avoir
au sein de l’association des travailleurs.euses sociaux.ales et
des juristes, qui bénévolement mettent leurs
connaissances et leurs expériences de terrain au profil de
l’association et nous leur en sommes extrêmement
reconnaissants.

Quelles seront les futurs combats de cette association ?

L’association a de nombreux projets. Elle devra, entre autres
choses, se battre contre les expulsions de logement. En effet, je suis
choquée de voir qu’à Genève on pouvait
encore mettre à la rue des femmes et des enfants sans se
préoccuper de savoir où ils logeraient, et cela pour
parfois un mois de loyer en retard. Mais je déplore
également une fiscalité absurde qui plonge des familles
entières dans le gouffre. Et bien évidement, les
différents barèmes « sociaux »
qui donnent d’un côté et reprennent de l’autre.

    L’ALCIP a – malheureusement – de
beaux jours devant elle mais ses buts ne pourront être atteints
que par la détermination et la conviction de ses membres de se
battre pour une cause juste. Cela passe par une meilleure
répartition des richesses et par le respect pour les plus
démuni.e.s d’entre-nous.

Interview par Thibaut Lorin

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1    RMCAS : Revenu minimum cantonal d’aide sociale.

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De Délémont aux Bains des Pâquis

L’ALCIP est invitée à présenter
l’association à Delémont le 21 septembre dans le
cadre de l’année européenne de lutte contre la
pauvreté et l’exclusion.

    Dans le même sens, un collectif composé
de différentes associations, telles que l’Alcip, Atd
¼ monde, Amnesty Uni-Genève, Codap, Fian et Mesemrom,
souhaite marquer la Journée mondiale du refus de la
misère par un week-end, du samedi 16 au lundi 18 octobre 2010
aux Bains des Pâquis, offrant un espace de parole aux personnes
concernées par la précarité à
Genève. Les objectifs de ce week-end sont de sensibiliser la
population genevoise aux droits fondamentaux et aux discriminations
dont souffre une partie de la population ainsi que de donner la parole
aux personnes en situation de précarité et aux divers
acteurs/actrices qui luttent pour la dignité humaine.