Les milieux bancaires à l’assaut de l’Université de Lausanne

Les milieux bancaires à l’assaut de l’Université de Lausanne

Le 31 août coïncidait avec
la journée d’inauguration du tout nouveau Centre
universitaire lausannois en finance.

La création de ce centre est l’occasion de réunir
en un même lieu des étudiant.e.s en économie, en
mathématiques, en ingénierie, avec l’idée de
l’étendre par la suite aux étudiant.e.s en sciences
politiques et en droit, et cela dans l’optique de
« créer dans le respect mutuel une osmose unique en
Europe entre l’industrie et
l’académie » (journal en ligne de l’Uni
de Lausanne, 2.9.10). Un tel projet n’a pu que susciter
l’intérêt des hauts responsables des principaux
instituts financiers, tels que Marc Bürki, directeur de
Swissquote, Olivier Steimer, président du conseil de la Banque
cantonale vaudoise (BCV) et du conseil de fondation du Swiss Finance
Institute ou encore Jean-Pierre Danthine, professeur honoraire à
l’Unil, mais surtout membre de la Direction
générale de la Banque nationale suisse (BNS).

    Cette forte présence des milieux bancaires ne
devrait pas nous surprendre : en 2005 déjà, lors
d’une conférence de presse donnée par
l’Association suisse des banquiers intitulée
« Concentrer les forces en banking et en
finance », l’une des stratégies
annoncées pour optimiser le rayonnement international de la
place financière suisse concernait le soutien aux
universités par « la mise en place de structures
à long terme. En cofinançant des chaires dans les
matières précitées, l’objectif est
d’inciter les universités à confier ces chaires
à des enseignants de premier ordre et d’envergure
internationale. » (Swiss Finance Institute,
Conférence de presse de l’ASB du 30.8.2005)

Aucune leçon à tirer de la crise financière

M. Danthine s’est proposé, lors de cette journée
d’inauguration, de dire quelques mots sur les
« leçons de la crise »,
suggérant qu’à l’avenir, « la
finance ne doit pas tourner le dos au quantitatif  qui n’est
pas le seul coupable dans cette chaîne de responsabilités
[qui a occasionné la crise] mais plutôt permettre aux
décideurs des institutions financières de mieux
comprendre le langage quantitatif » (Journal en ligne de
l’Uni de Lausanne, 2.9.10). Cette subtile distinction se garde
bien de mettre en cause le comportement des milieux bancaires.

Les meilleurs en compétition internationale

L’un des buts non dissimulé par les instigateurs
d’un tel projet est bien sûr la renommée
internationale dont pourra jouir un tel centre. M. Morellec, professeur
de finance à l’Epfl, ne cache pas son
enthousiasme : « Pour être plus visibles et
compétitifs au niveau international, notamment vis-à-vis
des centres de recherche américains, il fallait créer un
niveau de compétence unique, qui regroupe tous les chercheurs et
permettre les contacts, ainsi que les synergies entre eux. Nous voulons
aussi attirer les meilleurs étudiants, d’excellents
professeurs et pouvoir les garder en leur offrant des conditions de
recherche attractives. » (Le Temps, 27.3.09). Avec pour
mots d’ordre l’attractivité, l’excellence et
la compétition internationale, les recherches effectuées
au sein de ce centre promettent de n’apporter de l’eau
qu’au moulin des multinationales et des milieux
bancaires : mais est-ce vraiment le sens de la recherche
académique ?

Maïla Kocher