Éoliennes: le débat s’élargit

Éoliennes: le débat s’élargit

Les énergies renouvelables deviennent un marché
très prisé, où les occasions de faire des profits
pour les sociétés sont sérieuses.
L’éolien est une de ces sources énergétiques
alternatives. Des projets considérables sont en construction
dans le monde entier. Les mesures d’incitation gouvernementale,
en Suisse comme ailleurs, garantissent désormais un tarif de
rachat de l’électricité à prix coûtant
(prix de production) pour l’énergie renouvelable
(rendement financier garanti aux investisseurs qui se pressent
dès lors au portillon). Les crêtes du Jura sont le site
prioritaire retenu en Suisse. Le canton de Neuchâtel a
défini un concept éolien, voté par le Grand
Conseil, qui retient une cinquantaine d’éoliennes
réparties sur 6 sites, censées couvrir 18 % de la
consommation du canton selon le Conseil d’Etat. Cela
n’empêche pas des grands groupes électriques
d’être très actifs auprès des communes et des
propriétaires de terrain pour passer outre ce concept, le moment
venu.

Une initiative cantonale tardive

En principe, les portes sont ouvertes pour la construction des
éoliennes retenues par le concept éolien
neuchâtelois, mais un comité, formé de
défenseurs de la nature, tente aujourd’hui de contrer ces
constructions ; il a lancé une initiative législative
cantonale « Avenir des crêtes : au peuple de
décider ! » (site internet :
www.noscretes.ch).

    Il demande que dans la zone de crêtes le plan
d’installation d’éoliennes (ou d’antennes)
soit soumis au vote du peuple (référendum cantonal
obligatoire). Il s’appuie sur un décret de 1966 qui
protège les crêtes et les sites naturels contre les
constructions de résidences. Les initiants ont jusqu’au 18
octobre pour récolter 4500 signatures. Vu la manière dont
le Conseil d’Etat Neuchâtelois se moque des initiatives
déposées, à coup sûr des éoliennes
seront construites ou en construction d’ici les années qui
s’écouleront avant un vote du peuple. Mais la
dégradation du paysage ne s’arrêtera pas de
sitôt, donc l’initiative conserve toute sa validité.

Les arguments du comité d’initiative sont de deux ordres :

• la Suisse n’est pas adaptée à
l’énergie éolienne. Même sur les crêtes
du Jura, le vent est très irrégulier de nul à
très fort

• les quelques % de notre consommation d’énergie que
peut au mieux fournir l’énergie éolienne en Suisse
ne justifient pas la destruction du paysage ; il serait beaucoup plus
facile d’économiser la même quantité
d’énergie

Concernant le premier point, technique, nous n’avons pas
trouvé dans les publications de Suisse Eole, association de
promotion de l’énergie éolienne, une réponse
documentée au sujet de cette controverse.

    Nous avons besoin d’études
scientifiques qui clarifient le bilan énergétique global
sur la base des éoliennes existantes dans le Jura, et non pas
des études existantes sur l’éolien en mer du Nord
comme semble s’en contenter le Conseil d’Etat. Le
deuxième argument est plus spécieux, car il peut
être opposé à toute production
d’énergie renouvelable. Un point est
évident : nous devrons remplacer le pétrole et le
charbon par de multiples sources d’énergies renouvelables
qui, chacune prise séparément, ne couvrira qu’une
part limitée de notre consommation, l’utilisation
économe d’énergie étant peut-être la
principale source.

    Une chose est sûre :
l’implantation d’éoliennes va encore occuper le
terrain du débat public durant de nombreuses années.

L’énergie doit rester dans les mains de la collectivité

L’avenir énergétique est essentiel. Pour nous,
l’Etat doit maîtriser l’accès à
l’énergie, donc à sa production.
L’énergie ne doit pas être source de profit pour des
investisseurs privés, mais un bien équitablement
partagé entre toute la population. Les Verts neuchâtelois
avaient déposé un projet de loi demandant que le vent,
comme l’eau, soit propriété de l’Etat qui
seul pourrait l’exploiter ou accorder des concessions. Cette
proposition avait été violemment combattue par les Verts
libéraux et toute la droite pour qui la liberté du
commerce et de l’enrichissement  est une priorité.
Finalement le Grand Conseil a balayé le projet des Verts dans sa
session du 26 janvier sur la base d’arguments juridiques.
C’est un problème national qui reviendra sur la table.

L’énergie nucléaire n’est pas une alternative

L’initiative sur la protection des crêtes n’a
recueilli à peu près aucun soutien officiel, ni des
Verts, ni des associations de protection de l’environnement. Un
des arguments avancés est qu’il est
préférable d’avoir une éolienne qui occupe
le paysage plutôt qu’une centrale nucléaire dont les
conséquences à long terme peuvent être
catastrophiques. Argument sérieux qui nous fait défendre
les choix d’investissements dans les énergies
renouvelables, dont l’éolien, ce qui
n’élimine pas la nécessité d’un bilan
énergétique sérieux (énergie
dépensée pour la construction et
l’installation-désinstallation vis-à-vis du
potentiel estimé). Les grands groupes de
l’électricité veulent construire des centrales
nucléaires, source de profits considérables, mais ils
savent qu’elles sont fortement combattues. Ils occupent le
terrain des énergies renouvelables en partie pour montrer, dans
le débat public, leur bonne volonté et s’octroyer,
à moindre frais, un certificat de société
préoccupée par le bien de la société. Cela
leur sera bien utile au moment des décisions sur le
nucléaire.

    Le paysage est quelque chose de relatif. Celui
d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui, ni celui
de demain. Ce qu’on en fait doit être décidé
collectivement. Dès lors, il est légitime que le peuple
puisse se prononcer sur l’implantation d’éoliennes
dans le canton de Neuchâtel. Mais pour que cela ait un sens,
toutes les données du problème doivent être
clairement présentées, ce qui est loin d’être
le cas, et l’initiative doit aboutir, ce que nous souhaitons.

Henri Vuilliomenet