Merz et Leuenberger un même bilan néolibéral

Merz et Leuenberger un même bilan néolibéral

Hans-Rudolf Merz, au moins, aura été fidèle au
programme de son parti, avec un mandat placé sous le signe de la
défiscalisation du capital et de l’austérité
budgétaire : qu’on songe, pour ne prendre que des exemples
récents, aux réformes de la fiscalité des
entreprises de 2007 et 2008, au plan d’économie de 4,5
milliards sur trois ans annoncé l’année
passée ou encore à la réforme en cours de la TVA
qui alourdira un impôt sur la consommation pénalisant
prioritairement les plus modestes. Et s’il a pu décevoir
les milieux patronaux qui réclamaient à mots couverts sa
démission depuis plusieurs mois, ce n’est pas tant en
raison de divergences politiques que de son indécrottable
maladresse. En pleines attaques étasunienne et européenne
contre le secret bancaire, n’a-t-il pas
lâch頖 véritable blasphème
aux yeux du patronat bancaire – que l’échange
automatique d’information en cas de soupçon de fraude
pourrait être envisagé à l’avenir ? Quant au
mélange de servilité et d’inefficacité dont
il a fait preuve lors de la crise des otages en Libye, culminant avec
un voyage raté chez Khadafi, cela n’était pas fait
non plus pour satisfaire les milieux économiques, avant tout
soucieux de rétablir au plus vite les relations
économiques avec la dictature du colonel. Pourtant, en
matière de relations commerciales avec des régimes peu
reluisants, Merz bénéficiait d’une
expérience certaine, puisqu’il a été un
promoteur zélé du commerce d’entreprises suisses
avec le régime sud-africain d’apartheid
jusqu’à la fin des années 80, comme l’a
révélé une étude de l’historien
bernois Peter Hug.

 Cette fidélité à la ligne politique du parti
dont il est issu, Moritz Leuenberger, contrairement à Merz, ne
peut guère s’en prévaloir. Il y a même
quelque chose de surréaliste dans le décalage entre les
débats menés par les socialistes en vue de leur prochain
congrès, destinés à déterminer si le
« dépassement du capitalisme » doit encore figurer
au programme, et la réalité de la politique menée
par leurs deux élu·e·s au Conseil
fédéral. Tandis que Micheline Calmy-Rey se fait un peu
partout sur la planète l’ambassadrice du secret bancaire
– une cause qui n’a à l’évidence pas
grand-chose à voir avec la justice sociale, pilier du programme
socialiste – Leuenberger a privatisé, au moins
partiellement, les services publics postal et ferroviaire, ouvert le
marché de l’électricité à la
concurrence et rechigné à mettre en œuvre les
clauses des pourtant timides accords de Kyoto.

 Le 1er juillet 2009, le monopole de la Poste a été
supprimé pour les lettres de plus de 50 grammes avant une
ouverture complète à la concurrence prévue pour
2012 sous la houlette de l’ancien dirigeant patronal Peter
Hasler, dont Moritz Leuenberger louait au moment de son engagement et
avec le plus grand sérieux les « compétences
sociales indispensables pour une entreprise publique » (Le Temps,
21.01.10) ; par ailleurs, 80 offices postaux ont été
supprimés rien qu’en 2009 et 2900 emplois sont
passés à la trappe depuis deux ans.

 Quant aux CFF dont le prix des billets va d’augmenter de 6
% en moyenne, la « Réforme des chemins de fer 2 »
mise en consultation en juin 2009 prévoit de nouveaux pas en
direction de la libéralisation : d’une part une
séparation plus prononcée entre l’infrastructure
ferroviaire et les entreprises de chemins de fer visant à
faciliter leur ouverture respective à des capitaux privés
; d’autre part, l’organisation obligatoire d’un appel
d’offres public lors de toute attribution d’une concession
dans le domaine des bus régionaux et du trafic ferroviaire
régional. Le but officiel est de généraliser dans
ces secteurs d’activités la mise en concurrence des
entreprises. Rappelons d’ailleurs que seule la lutte des
travailleurs et travailleuses de CFF Cargo avait permis
d’éviter la mise en coupes réglées de cette
entreprise publique au profit de capitaux privés, que le «
socialiste » Leuenberger continuait à présenter
comme une « réforme nécessaire », même
après quatre semaines de grève ouvrière ! Un
mépris pour les salarié·e·s qui avait aussi
transparu en 2006 lorsque Leuenberger avait qualifié
d’« égoïste et irresponsable » une
grève des anciens pilotes de Crossair réclamant des
conditions de travail égales aux autres pilotes de Swiss.

 Quant à l’écologie, les opérations de
com’ destinées à verdir l’action du
ministre – se rendre en train au sommet de Copenhague,
par exemple – ne suffisent pas à cacher un
triste bilan environnemental : si Leuenberger se targue
d’avoir atteint les objectifs du protocole de
Kyoto – très insuffisants d’ailleurs pour
enrayer le réchauffement
climatique – c’est par le biais d’une
esbroufe néolibérale qui consiste à acheter des
droits de polluer sur le marché des droits
d’émission de l’Union européenne, ce qui
permet de ne pas réduire les émissions de CO2 en Suisse
même. Résultat, les émissions de CO2 en Suisse
étaient de 40,2 millions de tonnes en 2008, contre 40,9 en 1990
!

 La favorite à la succession du ministre « socialiste
», sa camarade de parti Simonetta Sommaruga, incarne quant
à elle une orientation social-libérale des plus
décomplexées. En 2009, lorsque le Conseil
Fédéral a été amené à
renoncer à la distinction entre fraude et évasion
fiscales, elle a ainsi réclamé en contrepartie une
amnistie fiscale générale pour faire « passer la
pilule » auprès des riches fraudeurs (Bilan, 25.09.09) !

 Une telle participation des socialistes au Conseil
Fédéral sur des bases purement
néolibérales, excluant toute rupture réelle de la
sacro-sainte collégialité, favorise une
intégration générale des forces de la gauche
politique et syndicale du pays, entrainant chez les
salarié·e·s désillusions et
passivité,  gauche et  droite devenant comme bonnet
blanc et blanc bonnet. Réalité dont, ces dernières
années, seules les forces de la droite populiste, UDC en
tête, semblent avoir tiré profit.

Hadrien Buclin