Femmes de Hassi Messaoud: Halte à la fatalité !

Femmes de Hassi Messaoud: Halte à la fatalité !



Hassi Messaoud, dans le grand sud
algérien. Une fournaise pétrolière
d’où provient le 95 % des exportations du pays et
où les multinationales ont pignon sur rue. Le chômage y
amène un grand nombre de femmes seules, souvent employées
de service des firmes étrangères. Début avril, le
quotidien francophone « El Watan » rapporte
des scènes de violences inouïes contre ces femmes. Sinistre
rappel d’un épisode similaire de juillet 2001.

Un livre, « Laissées pour mortes. Le lynchage des
femmes de Hassi Messaoud » était à peine
sorti de librairie que des faits semblables se déroulaient de
nouveau dans cette région ultraconservatrice. Neuf ans plus
tard, cependant, des organisations féministes et de
défense des droits humains ont lancé un appel,
cosigné par deux des survivantes du massacre de 2001, Fatiha
Mamora et Salah Rahmouna, qui, avec l’aide de l’actrice
Kaci Nadia, ont rédigé « Laissées
pour mortes ». Voici de larges extraits de ce texte,
intitulé « Halte à la
fatalité ! » :

« Juillet 2001…Mars 2010 : Même lieu, Mêmes agressions.

Même type d’agresseurs lâches et
cyniques provoquant des actes méticuleusement organisés,
donc mûrement prémédités sinon
commandités.
Même type de scénario d’horreur
où les criminels regroupés et encagoulés
terrorisent chacune des victimes parce qu’isolées et sans
défense.
Même type de violences extrêmes
où la rapine, les injures et la torture visent à humilier
et à réduire à néant les femmes en tant que
telles.
Même volonté par la valeur exemplaire
de tels actes de terreur de dissuader toutes les femmes d’exercer
librement leur droit au travail où que ce soit sur le territoire
national et de les punir parce qu’elles vivent seules.
Au-delà du constat horrifié, de la
condamnation des criminels et de la compassion pour les victimes, nous
tenons aussi à souligner le caractère particulier de ces
expéditions punitives qui rappellent étrangement non
seulement les évènements de 2001, mais aussi toutes les
autres agressions depuis vingt ans dans différentes
régions d’Algérie (Ouargla, Remchi, Bordj,
Tebessa…). Elles rappellent étrangement, hélas,
les viols collectifs des femmes par les terroristes, ce crime contre
l’humanité, tache noire qui a mis en péril notre
avenir et celui de toute la société. Il s’agit donc
d’une violence systématisée, construite,
structurelle, orchestrée, autant d’éléments
de gravité supplémentaire.

En effet, cette répétition et
continuité d’actes odieux à l’encontre des
femmes qui semblent se perpétuer comme une
« fatalité » n’est possible que
parce qu’en 2001, le traitement de l’affaire de Hassi
Messaoud s’est réduit à une parodie de justice
reléguant cette tragédie au rang de vulgaire fait divers.

Cette répétition et continuité
d’actes intolérables n’est possible que par la
complicité et le silence non seulement des institutions et des
autorités locales, mais aussi le laxisme de la
société. D’ailleurs, l’absence de
réaction citoyenne et de médiatisation de cet
évènement est frappante et inquiétante.

Cette répétition et continuité
de crimes contre l’humanité n’est possible que par
l’impunité dont bénéficient les agresseurs
contre les femmes.

Cette répétition et continuité
de violation des droits de la personne humaine n’est rendue
possible que par l’absence de l’Etat et des institutions
censés protéger les citoyennes et les citoyens.

Est-ce que cela signifie qu’aucune femme ne
peut se sentir en sécurité dans son propre pays et
qu’aucun citoyen n’est protégé par la
loi ?

C’est pourquoi, encore une fois, nous
dénonçons avec force ces crimes et interpellons les
pouvoirs publics pour qu’ils réagissent en urgence en
assurant la protection de ces femmes victimes encore sous le coup de la
menace quotidienne, et leur prise en charge globale (médicale,
psychologique, sociale et juridique). Nous sommes
déterminés à soutenir toutes ces femmes victimes
d’agressions inacceptables. »

Lettre ouverte au président Bouteflika

Une autre démarche, initiée par un collectif comprenant
une partie des organisations ci-dessus, a adressé une lettre
ouverte au président Bouteflika, lui demandant de
« Mettre fin aux violences à l’encontre des
femmes isolées ». Rappelant le décalage
entre les dispositions constitutionnelles et la réalité
vécue par ces femmes, la lettre ouverte demande au
président de « diligenter une enquête
indépendante et impartiale pour faire la lumière sur
toute cette violence chronique et organisée à
l’encontre de femmes isolées, occupant des emplois
précaires, en situation de grande vulnérabilité.
Notre collectif espère que vous veillerez personnellement
à ce que justice soit faite, en sanctionnant les agresseurs et
en protégeant des femmes qui ne réclament rien
d’autre que de vivre et travailler en paix dans le lieu de leur
choix, sur tout le territoire national. »

Nul doute que les femmes algériennes en lutte
pour avoir le droit de ne pas être agressées (!)
auront besoin de la solidarité internationale la plus large et
la plus active.

D. Süri

Signataires de l’appel
Réseau Wassila, ADPDF (Association pour la défense
et protection des droits des femmes), AEF (Association pour
l’émancipation des femmes),
APF (Association du planning familial), ANADDE, ATUSTEP, Amusnaw,
AVIFE (Association d’Aide aux Victimes de Violence Femmes et Enfants),
CIDDEF (Centre d’Information et de Documentation /Droits des
Femmes et des Enfants), Collectif des Femmes du Printemps Noir,
Djazairouna, FEC (Femmes en Communication), Femmes PLD, LADDH Ligue
Algérienne de Défense des Droits des Hommes), LADH (Ligue
Algérienne des Droits des Hommes),RACHDA, SOS Femmes en
Détresse, Tharwa Fatma N’Sumer, Fatiha Mamora et Salah
Rahmouna.