Il y a 50 ans: du Congo belge au néocolonialisme

Il y a 50 ans: du Congo belge au néocolonialisme

Des images récentes :
celle de la célébration de l’indépendance du
Congo en présence du roi Albert II de Belgique et un reportage
d’Arte sur la réindustrialisation de l’exploitation
minière au Katanga, avec le retour d’anciens patrons
belges dans les malles des multinationales. Comme si la boucle
était bouclée. En réalité, elle ne fut
jamais vraiment dénouée.

[…] En janvier-février 1960, le gouvernement belge
organisa une conférence, dite de « la Table
Ronde », à laquelle il invita les grands partis
belges (sauf le Parti Communiste) et les partis congolais qui venaient
de se former. Quelques mois auparavant, le gouvernement belge
envisageait encore de garder pendant des dizaines d’années
un contrôle belge au Congo sur les affaires
étrangères, la défense, l’économie,
les transports et communications, la monnaie. Mais face à
l’opposition des Congolais indépendantistes et la peur
d’une révolte générale, il fut convenu de
donner l’indépendance au Congo pour juin 1960 ! Les
grands partis belges (chrétiens, libéraux et socialistes)
prétendirent ainsi « remettre toutes les
clefs » du Congo aux Congolais.

Rien n’était plus faux. Le gouvernement
belge, la Société Générale et les autres
capitalistes belges ayant des intérêts au Congo
continuèrent d’intervenir pour garder le contrôle
des richesses minières congolaises. […]

Après la conférence, dite de
« la Table Ronde », le gouvernement belge
continua de contrôler l’appareil d’Etat colonial,
certains partis congolais et la formation des cadres de
l’armée, notamment du premier futur chef d’Etat
major, un jeune sergent du nom de Mobutu. Malgré cela, les
premières élections virent le succès de Patrice
Lumumba, un ancien commis postier et petit employé d’une
brasserie qui était devenu militant anticolonialiste. Lumumba
voulait bâtir un Congo indépendant, moderne, capable de
dépasser les clivages ethniques. Il devint alors le premier
ministre du Congo indépendant au grand dam de la bourgeoisie
belge qui ne le trouvait pas assez docile. La bourgeoisie belge le
présenta comme communiste pro soviétique (ce qu’il
n’était pas). […]

Pour casser Lumumba, le gouvernement belge et la
Société Générale organisèrent la
guerre de sécession de la province du Katanga, la plus riche en
ressources minières, dix jours seulement après la
proclamation de l’indépendance. Le Congo fut alors
plongé dans une sanglante guerre civile. Mais le gouvernement
américain s’opposa à l’intervention directe
belge, car il craignait qu’une démarche aussi
grossièrement colonialiste ne renforce le camp
anti-impérialiste à travers toute l’Afrique.

Les USA et la Belgique mettent en selle Mobutu

Le choix des services secrets américains et belges se porta
alors sur le servile Mobutu et ils décidèrent
d’assassiner Lumumba. Sous le couvert d’une intervention de
l’ONU, les gouvernements des Etats-Unis et la Belgique
aidèrent Mobutu à prendre le pouvoir organisant un coup
d’Etat militaire.

Mobutu devint le dictateur à vie qui allait
laisser les multinationales belges, américaines et
françaises piller son pays tout en s’enrichissant de
manière scandaleuse. Pendant des décennies, Mobutu prit
15 à 18 % du budget de l’Etat pour sa
présidence, soit environ 100 millions de dollars par an !
Les bourreaux de Mobutu n’hésitaient pas à
torturer, à violer et assassiner par milliers les opposants qui
osaient le contester. Cela n’empêcha pas la Belgique de
continuer à former des officiers de l’armée du
dictateur, pendant que le roi Baudouin et la reine Fabiola devenaient
les parrains des enfants de Mobutu !

La corruption, la répression et le pillage
systématique du pays par Mobutu et sa clique ainsi que par les
grandes entreprises étrangères finirent par provoquer
l’effondrement progressif de l’Etat au cours des
années 1980-1990. En 1997, le gouvernement de Mobutu fut
chassé par les armées voisines du Rwanda et de
l’Ouganda et son régime s’effondra. Le pays se
retrouva alors plongé dans une guerre sanglante pendant plus de
dix ans dans laquelle se sont affrontées des bandes
armées des seigneurs de guerre congolais ou étrangers,
soutenues par les grandes puissances occidentales comme la France, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Pendant la guerre, les affaires continuent

[…] En 2007, les Nations Unies estimaient que, depuis 1997,
entre 5 et 10 milliards de dollars de matières premières
avaient été pillées pour être revendues sur
les marchés internationaux par les divers seigneurs de guerre
opérant au Congo. La guerre au Congo a déjà
tué plus de trois millions de personnes. Des centaines de
milliers de femmes ont été violées et
mutilées par des soldats. Ces massacres en ont fait le conflit
le plus sanglant dans le monde depuis la Deuxième Guerre
mondiale et le gouvernement actuel n’a aucune marge de
manœuvre face aux grandes puissances occidentales et aux
entreprises étrangères qui continuent de piller le pays.

Il y a 50 ans se terminait officiellement la
colonisation belge au Congo. Mais aussitôt, les puissances
impérialistes occidentales, en premier lieu la Belgique, les
Etats-Unis et la France, mirent en place un système de
contrôle indirect qui devait assurer la poursuite du pillage des
ressources du nouvel Etat pseudo-indépendant. La dictature
brutale de Mobutu allait dégénérer au point de
mener à une des plus sanglantes guerres de l’histoire de
l’humanité. Voilà le triste bilan de la
colonisation capitaliste belge au Congo et du système
néocolonial mis en place dans les années 1960.

Jan Willems
L’article complet a été publié sur le
site de la LCR belge — La Gauche : www.lcr-lagauche.be/