Tout pour l’or noir, y compris la planète

Tout pour l’or noir, y compris la planète



La prodigieuse quantité de
pétrole qui se déverse aujourd’hui dans le Golf du
Mexique est l’un des désastres écologiques les plus
importants de l’histoire de l’humanité. Il ne
s’agit pourtant, selon Michael T. Klare, professeur à
Hampshire College, que d’un prélude  à ce qui
nous attend dans la phase de pénurie de pétrole qui
s’annonce. Nous proposons ici quelques extraits d’un
article de cet auteur.

Quelles que soient les causes directes de l’explosion qui a
détruit la plateforme pétrolière Deepwater Horizon
le 20 avril, les raisons sous-jacentes ne font aucun doute : un
gouvernement influencé par les entreprises dans le but
d’exploiter les réserves de pétrole et de gaz
naturel dans des environnements extrêmes et dans des conditions
d’exploitation toujours plus risquées.

    Les Etats-Unis sont entrés dans
l’ère de l’hydrocarbure en possédant
l’un des plus grands bassins de pétrole et de gaz naturel.
L’exploitation de ses ressources, riches et variées, a
longtemps contribué à la prospérité et
à la puissance de la nation, mais aussi aux profits des plus
grandes entreprises pétrolières, tel que BP et Exxon.
Aujourd’hui, la plupart des réserves de pétrole et
de gaz aisément accessibles se sont épuisées et il
faut donc allé les chercher dans les régions difficiles
d’accès que sont l’Alaska et l’Arctique. Afin
d’assurer la fourniture d’hydrocarbure – et donc la
prospérité de ces entreprises – les administrations
successives ont encouragé l’exploitation de ces sources
d’énergies avec un mépris stupéfiant pour
les dangers qui en résultent. […].

Il y aura du sang

L’extraction du pétrole et du gaz a toujours
comporté des risques ; la plupart des réserves
énergétiques étant enfouies très
profondément sous la surface terrestre. Le forage peut provoquer
une explosion par la libération des hydrocarbures […]
Dans les premières années d’activité de
l’industrie pétrolière, ce phénomène
– popularisé par le film There Will Be Blood –
provoquait fréquemment des dommages humains et environnementaux
[…]. Aujourd’hui, la ruée vers les réserves
difficilement accessibles d’Alaska, d’Antarctique et des
eaux profondes marque le retour à une version
particulièrement dangereuse de ces premiers essais. Les
entreprises pétrolières sont confrontées à
des risques aussi nouveaux qu’inattendus et leurs technologies
– développées dans des contextes plutôt
bénins – sont incapables de répondre de
façon adéquate à ces nouveaux enjeux. Les
dégâts environnementaux s’avèrent être
bien plus dévastateurs que tout ce qui existe dans les annales
industrielles du 19e  siècle et du début du 20e
siècle.

    Malgré les risques évidents et les
systèmes de sécurités inadéquats, les
administrations états-uniennes successives, celle de Barak Obama
comprise, ont soutenu les stratégies d’entreprises
favorisant l’exploitation de réserves de pétrole et
de gaz dans les zones environnementales sensibles. […]. Ce
soutien s’est d’abord manifesté pleinement au
travers de la Politique d’Energie Nationale (PEN) adoptée
par le Président George W. Bush en  mai 2001 et
dirigée par l’ex-vice président du Conseil
d’administration de Haliburton, Dick Cheney. L’idée
défendue alors était de protéger les Etats-Unis
contre la menace que faisait peser sur elle l’importation
d’énergie […]. La solution ? Augmenter
l’exploitation de réserves énergétiques non
conventionnelles – pétrole et gaz se trouvant dans les
zones d’eaux profondes au large du Golf du Mexique, de la plaque
continentale extrême de l’Alaska, de l’Arctique
américain, tout comme dans l’exploitation des schistes
bitumeux. […]

Recherche compulsive à haut risque du profit

La plupart des entreprises pétrolières développent
des arguments implacables afin de justifier un engagement croissant
dans l’exploitation des sources d’énergies
situées dans des régions extrêmes. Chaque
année, afin d’éviter une chute de leurs actions,
ces firmes doivent remplacer le pétrole extrait des puits
qu’elles possèdent par d’autres réserves. Or,
si la plupart des puits de pétrole et de gaz, provenant des
zones traditionnelles d’extraction, se sont
épuisés, de nombreux terrains prometteurs au
Moyen-Orient, en Amérique latine et en Ex-Union
soviétique sont aujourd’hui sous le contrôle
exclusif d’entreprises nationales tels que Saudi Aramco,
Mexico’s Pemex, et Venezuela PdVSA. Ainsi, les firmes
privées, largement connues sous le nom d’entreprises
internationales du pétrole (EIP), se voient limitées dans
la reconstitution de leurs réserves. La ruée vers le
pétrole se poursuit dans l’Afrique sub-saharienne,
où la majorité des gouvernements autorisent encore une
participation des EIP. Elles se heurtent ici cependant à une
rude concurrence des entreprises chinoises et des autres entreprises
d’Etat. Les seules régions où elles ont
virtuellement les mains libres sont donc l’Arctique, le Golfe du
Mexique, l’Atlantique nord et la mer du Nord. Il n’est donc
pas surprenant qu’elles y concentrent leurs efforts, et cela,
quelque soient les dangers pour les êtres humains ou pour la
planète. […].

    Alors qu’une surveillance insuffisante et un
équipement défectueux ont pu jouer un rôle critique
dans la catastrophe de BP dans le Golfe, la première raison du
désastre réside dans la course compulsive des grandes
firmes pétrolières pour compenser le déclin de
leurs réserves traditionnelles en cherchant à se fournir
dans des zones intrinsèquement dangereuses – les risques
étant ignorés.  Tant que de tels comportements
compulsifs prévalent, il est à parier que de nombreux
désastres du même type suivront.

Michael T. Klare
« The Relentless Pusuit of Extreme Energy :
A New Oil Rush Endangers the Gulf of Mexico and the
Planet »; TomDispatch.com ; Traduction et coupures
Isabelle Lucas ; Titre et intertitres de notre rédaction.