Ecole: augmenter les moyens, pas l’horaire

Ecole: augmenter les moyens, pas l’horaire



La prétendue
nécessité d’augmenter le temps d’enseignement
à l’école primaire à Genève est
fortement remise en question par les professionnel-le-s. Chiffres
à l’appui, il est clair que les priorités
politiques en matière d’éducation devraient se
situer ailleurs.



Malgré le matraquage médiatique orchestré par le
département de l’instruction publique (DIP) du canton de
Genève, le corps enseignant primaire s’oppose à une
augmentation de l’horaire de l’écolier. Par deux
fois (avril 2009 et avril 2010), le DIP a distribué à
toute la population (250 000 ex.) son tous-ménages, Les
Clefs de l’Ecole, vantant le soi-disant besoin de rallonger le
temps d’enseignement. Cette propagande, largement relayée
par les cadres dans les établissements scolaires, n’a pas
eu l’effet escompté auprès des
enseignant·e·s.

Désinformation

La large consultation sur l’horaire qui s’est
achevée mi-mai 2010 confirme les résultats d’une
enquête menée par la Société
pédagogique genevoise (SPG) en septembre 2009. Le rejet du
scénario démesuré (+1133 périodes de
45’ réparties uniquement sur les degrés primaires!)
concocté par le DIP est massif : plus de 80 % des
profs n’en veulent pas. L’horaire actuel, en vigueur depuis
1997, est le fruit d’un long travail entre parents et
enseignants. Il a permis d’obtenir une solution contraire aux
vœux de la conseillère d’Etat de
l’époque, la libérale Martine Brunschwig Graf.
Aucune heure d’enseignement n’a été perdue
dans le changement et cet horaire réparti sur quatre jours,
identique dans tout le canton, donne entière satisfaction. En
2009, pour se justifier, le département a invoqué la
corrélation entre les résultats à PISA – un
programme international de suivi des acquis des élèves
concocté par l’OCDE, qui teste les élèves de
15 ans – et le temps passé à l’école.
Ce propos est inexact et paradoxal. En effet, le DIP s’est
ingénié à démontrer que le classement dont
bénéficie Genève n’est pas
représentatif de la réalité, que la prise en
compte des non natifs, entre autres, apporte une autre vision. Il a
également fait part de sa méfiance à
l’égard des palmarès. Mais il donne maintenant
l’impression pathétique d’être résolu
à tout pour gagner des places et pouvoir dire qu’il a la
plus longue grille horaire… Quant à l’introduction
de l’anglais (pas avant 2013), elle ne concerne que deux
degrés sur huit. Habilement, les autorités ont aussi
suggéré que les élèves genevois
étaient ceux qui allaient le moins à
l’école. La vérité est toute autre.
Fausses représentations

La dernière publication du Centre suisse de coordination pour la
recherche en éducation intitulée L’Education en
Suisse – rapport 2010, apporte des informations éclairantes et
casse certains mythes:

1. Temps d’enseignement
Primaire: Genève est très proche de la moyenne suisse; 12
cantons (JU-TG-SH-BE-ZH-NW-UR-ZG-LU-SO-AG-BS) ont moins d’heures
d’enseignement que notre canton. En revanche, au secondaire 1, le
cycle d’orientation genevois (CO) est avant-dernier; seul un
canton (NW) compte moins d’heures que GE. Comment se fait-il
dès lors que le DIP n’ait prévu une augmentation
que pour le primaire? La réponse est simple, toute
période supplémentaire au CO coûte entre 6 et 7
millions, c’est donc trop cher !

2. Dépenses publiques par élève
– Primaire: GE est à la traîne
(antépénultième, seuls le TI et le VS font moins
bien); 23 cantons consacrent donc davantage de ressources que GE au
primaire ! Secondaire 1 : Le CO genevois dépasse
de plus de 5000.- CHF le coût moyen de
l’élève en Suisse; GE est le canton qui
dépense le plus pour le secondaire 1. Cette disparité
extrême entre deux niveaux d’enseignement est unique, aucun
autre canton ne connaît pareille inégalité.

3. Proportion de classes fortement hétérogènes
– Primaire : GE dépasse largement tous les autres cantons
(près de 80 % de classes très
hétérogènes, soit le double de la moyenne suisse).
Secondaire 1 : Le CO genevois connaît lui aussi une
très forte proportion de classes
hétérogènes (près de 75 %) et
dépasse tous les autres cantons.

Plus de profs, moins d’élèves par classe

Il n’existe donc aucune raison impérieuse qui justifierait
l’augmentation précipitée de l’horaire de
l’élève à l’école primaire. Le
mercredi de congé offre une coupure à
l’élève au profit d’activités
extrascolaires (artistiques, culturelles et sportives) qui influencent
à leur tour positivement sa scolarité et
représentent ainsi une forme de continuité; les offres
parascolaires et périscolaires doivent ainsi être
développées et rendues accessibles à tout le
monde. Il sera assez tôt d’envisager une modification
raisonnable de la dotation horaire lorsque l’introduction de
l’enseignement de l’anglais sera confirmée.

    Si les familles et la population sont en droit
d’exiger la meilleure école possible, il faut, pour que
les résultats suivent, attribuer les ressources
nécessaires, dès les premiers degrés.
L’encadrement des élèves du cycle
élémentaire (4-7 ans) devrait être
amélioré à hauteur de 50 % de forces
supplémentaires. Pour répondre à la
problématique de
l’hétérogénéité hors norme du
canton du bout du lac, il est nécessaire de diminuer le nombre
d’élèves par classe. Enfin, pour obtenir une
école cohérente, qui offre onze degrés d’une
scolarité obligatoire harmonieuse, il faut tenir compte des
rythmes scolaires, de l’âge des élèves et du
développement global de l’enfant. Aucune étude ne
prouve que l’augmentation du temps passé à
l’école augmenterait les résultats.
L’acquisition des connaissances et le développement des
compétences requièrent une attention qui n’est pas
extensible à souhait. Le temps de l’école ne peut
être conditionné par celui du monde du travail. Il faut
donc miser sur la qualité de l’enseignement plutôt
que sur la quantité. 

Olivier Baud