Vers une initiative fédérale pour un salaire minimum légal
Vers une initiative fédérale pour un salaire minimum légal
LAssemblée des
délégué·e·s du 17 mai 2010 de
lUnion syndicale suisse (USS) a approuvé le lancement cet
automne dune initiative fédérale pour un salaire
minimum légal. Le syndicat unia est à lorigine de
ce projet. solidaritéS soutiendra cette initiative.
Notre mouvement sengagera dans la campagne de récolte de
signatures et cherchera, avec toutes les forces combatives de la gauche
politique et syndicale, à faire de cette initiative un point
dappui pour des luttes nécessaires visant à
défendre le pouvoir dachat de tous les
salarié·e·s. Les votations à venir, dans
les cantons de Genève et Vaud, sur les initiatives
constitutionnelles cantonales visant à introduire le droit au
salaire minimum comme un droit fondamental permettront également
de renforcer la bataille à mener publiquement.
solidaritéS, lors de la récolte de signatures, avait mis
en avant systématiquement un salaire minimum de Fr.
4 000.-, 13 fois par an.
Débat autour du nouvel article constitutionnel
Le texte de larticle constitutionnel en discussion, soumis par
le comité de lUSS, est le suivant :
« Art. 110a Protection des salaires
- La Confédération et les cantons adoptent des
mesures pour protéger les salaires sur le marché suisse
de lemploi. - Ils encouragent en particulier à cette fin
ladoption et le respect de salaires minimums dusage dans
la localité, la profession et la branche dans les conventions
collectives de travail. - La Confédération édicte un salaire minimum
légal. Ce salaire est indexé régulièrement
sur lévolution des salaires et des prix, dans une mesure
qui ne peut être inférieure à
lévolution de lindice des rentes AVS. - Le salaire minimum légal est applicable à tous les
travailleurs et constitue une limite inférieure contraignante.
La Confédération peut édicter des
dérogations pour des rapports de travail particuliers. - Les dérogations et lindexation du salaire minimum
légal sur lévolution des salaires et des prix sont
édictées avec le concours des partenaires sociaux. - Les cantons peuvent édicter des suppléments contraignants au salaire minimum légal.
Disposition transitoire ad art. 110a (Protection des salaires)
Le salaire minimum légal se monte à Fr. 22.- par heure.
Au moment de lentrée en vigueur, ce montant est
majoré de lévolution des salaires et des prix
accumulée depuis 2011 conformément à lart.
110a, al. 3.
Le Conseil fédéral met en vigueur
lart. 110a au plus tard trois ans après son acceptation
par le peuple et les cantons.
Si aucune loi dapplication nest
entrée en vigueur dans ce délai, le Conseil
fédéral édicte les dispositions
dapplication par voie dordonnance avec le concours des
partenaires sociaux. »
Le syndicat unia et le SIT de Genève ont
présenté deux amendements dans la discussion, à
savoir :
Art. 110, al. 6 (nouvelle formulation)
Les cantons édictent des suppléments
contraignants au salaire minimum légal, si le salaire
médian cantonal est supérieur à la moyenne
nationale de manière significative.
Mesures transitoires (nouvel alinéa)
Les autorités cantonales chargées de
lexécution de la loi sur le travail sont
compétentes en matière de surveillance et
dexécution de la mise en oeuvre du salaire minimum et des
suppléments cantonaux édictés par la
Confédération et les cantons.
Un salaire de référence de Fr.
22.-/heure brut en 2011, correspond à un salaire mensuel
denviron Fr. 3800.- brut (semaine de 40 heures) ou Fr. 4000.-
brut (semaine de 42 heures). Le premier amendement visait à
contraindre les cantons à édicter des suppléments
au salaire minimum légal fixé sur le plan
fédéral lorsque le salaire médian cantonal est
plus élevé que celui calculé à
léchelle nationale. Il sagit de garantir le
pouvoir dachat aux salarié·e·s
concerné·e·s, tenant compte des différences
de niveau de salaires et du coût de la vie entre les cantons et
régions. Le second fixe la compétence des
autorités cantonales pour intervenir doffice ou sur la
base de dénonciation, en cas de non-respect par des employeurs
de la norme de salaire minimum en force dans chaque canton.
Lapplication du salaire minimum dans toutes les branches ne doit
pas dépendre daction individuelle de
salarié·e·s devant la juridiction du travail.
Quant aux dérogations prévues à
lart 110a al.4 , la formulation proposée rend impossible
des dérogations par branche. Il ne peut pas non plus y avoir
dexceptions pour les moins de 25 ans. Selon lUSS, des
exceptions au salaire minimum légal doivent être possibles
pour certains rapports de travail : apprentissage, contrats de travail
passés avec des salarié·e·s de moins de 18
ans, formation, travail dans lentreprise familiale, rapports de
travail poursuivant un but dintérêt public
(bénévolat).
Mettre une bride à la loi de la jungle en matière salariale
En Suisse, plus de 60 % des salarié·e·s
nont aucun salaire minimum garanti. En période de
chômage, la pression à la baisse des salaires est
particulièrement forte. Quelque 400 000
salarié·e·s gagnent en Suisse moins de Fr. 22.-
par heure, dont moins de la moitié sont assujettis à une
convention collective de travail (CCT) prévoyant des salaires
minimums. A léchelle internationale, la
référence pour définir le seuil des bas salaires
est très souvent fixée à 2/3 du salaire brut
médian. Cette référence sert alors à
définir le niveau du salaire minimum légal. En Suisse, il
se situerait à Fr. 21,90/heure. Aujourdhui, quelque
10 % des salarié-e-s gagnent un salaire inférieur
à ce seuil. Un peu moins de la moitié sont assujettis
à une CCT fixant des salaires minimums. Dans les CCT, les
salaires minimums inférieurs à Fr. 20.-/heure sont
nombreux, par exemple dans la branche du nettoyage ou de la coiffure.
Les salaires minimums les plus bas dépassent à peine Fr.
20.-/heure dans lindustrie textile ou dans la restauration et
lhôtellerie. Les normes daide sociale, à
léchelle fédérale, établissent, en
2008, pour un ménage dune seule personne un montant
minimum de Fr. 3600.-. Ce montant mensuel équivaut à un
peu moins de Fr. 21.-/heure (semaine de 40 heures). La campagne pour un
salaire minimum mettra en évidence les archipels de bas salaires
ainsi que la réalité de la pauvreté dans le pays
des banques, du secret bancaire et des bonus..
Jean-Michel Dolivo