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N° 168 (20/05/2010). A la une: Les banques siphonnent le budget des états
p. 6
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International
Honduras chronique du « Porfiriato »*
La parole à la Résistance populaire : entretien avec le syndicaliste Carlos Humberto Reyes
Président du Syndicat des travailleurs de l’industrie des boissons (STIBYS) et représentant du Honduras au sein de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA), Carlos Humberto Reyes est l’un des principaux animateurs du Front national de la résistance populaire (FNRP). Invité par Solifonds (fonds de solidarité pour les luttes de libération sociale dans le Tiers-Monde), Carlos Humberto Reyes se trouvait fin avril-début mai en Suisse, où il a pris la parole lors du 1er Mai et a noué un certain nombre de contacts (y compris avec le Département fédéral des Affaires étrangères) pour expliquer la situation actuelle dans son pays.
La communauté internationale semble très divisée par rapport à l'actuel gouvernement hondurien. Qu’en pense le FNRP ?
Le gouvernement et le président actuels sont un produit direct du coup d’Etat du 29 juin 2008. Les élections de novembre 2009 ont été marquées par une très forte abstention populaire : Porfirio Lobo a été « élu » avec moins de 30 % des suffrages. Or, le gouvernement étatsunien pensait que les élections seraient la solution au problème du Honduras. Ce n’est pas le cas.Pour de nombreux gouvernements latino-américains, les événements du Honduras sont une agression contre les institutions démocratiques, un processus qui se traduit par l'installation d'une nouvelle base militaire étatsunienne (la seconde) dans mon pays, les nouvelles bases étatsuniennes en Colombie, le maintien de la base de Guantanamo… Une militarisation qui rappelle les décennies passées.
Les causes du coup d’Etat sont-elles géopolitiques ?
Les Etats-Unis veulent réarmer deux gendarmes régionaux : le Honduras en Amérique centrale; la Colombie en Amérique du Sud. Pour eux, sans contrôle de l'Amérique latine, qu’ils considèrent toujours comme leur arrière-cour, ils ne pourront pas dominer le monde.Quel bilan tirez-vous après trois mois de ce nouveau gouvernement, qui considère que la situation est redevenue normale ?
C’est une nouvelle facette de la dictature, qui se présente comme facteur d’unité nationale, ouvert à la perspective d’une amnistie et d’une commission de la vérité. Mais il n’y pas d’unité nationale sur la base d’élections frauduleuses. Cette amnistie a « blanchi » les militaires putschistes, rendant inutile toute commission de la vérité. Sur le plan économique et social, nous vivons un retour en arrière par rapport aux conquêtes obtenues par les syndicats, les travailleurs et d’autres secteurs durant la présidence de Manuel Zelaya.Pour beaucoup (au Honduras ou à l’extérieur), la résistance est une surprise. Comme s’explique sa force ?
Nos peuples résistent depuis 500 ans. Certes, le Honduras avait été utilisé tout au long du 20e siècle comme base d’opérations nord-américaines sur le continent : l’agression contre le gouvernement de Jacobo Arbenz, au Guatemala, dans les années 1950, la tentative d’invasion de Cuba, dans les années 1960 ; la guerre contre le sandinisme (Nicaragua) et le Front Farabundo Marti de libération nationale (El Salvador), à partir de la base de Palmerola, dans les années 1980. Mais il a toujours existé un mouvement populaire très actif, quoique durement réprimé, avec beaucoup de morts et de disparus. Grâce à la capitalisation historique de cette expérience, nous avons surmonté la fracture passée entre social et politique. Cela explique qu’en quelques heures, après le coup d’Etat du 28 juin, ait démarré un processus magnifique de mobilisation et de résistance. La résistance s’est renforcée dans chaque région, dans chaque localité, dans chaque quartier. Par exemple, lors des mobilisations contre le coup d’Etat, qui a riposté aux attaques de la police ? Les « maras » (bandes de jeunes). On constate une participation importante des jeunes, des syndicats, des paysans, des enseignants, des indigènes, de secteurs de la petite entreprise, des noirs, des groupes gays et lesbiennes – qui ont été fortement réprimés. Notre prochain défi consiste à récolter d’ici le 28 juin 2010 1,2 millions signatures pour exiger une consultation populaire sur l’Assemblée constituante. Par ailleurs, nous avons organisé 6 grandes manifestations le 1er mai. Certes, nous n’organisons plus une mobilisation quotidienne comme l’an passé. Nous continuons à dénoncer le coup d’Etat. Si nous ne réussissons pas à imposer la Constituante, nous verrons de quelle manière participer à des élections – non pas comme FNRP, mais grâce à une structure créée pour cette occasion. Quant à Porfirio Lobo, son échec est programmé : ou le peuple le renversera, ou il devra accepter une solution politique.Qu’attendez-vous plus précisément de la communauté internationale ?
Les crimes contre les membres de la résistance, les agressions et les assassinats de journalistes indépendants, la violation des droits humains nous préoccupent grandement. Il est important que la communauté internationale ne reconnaisse pas le gouvernement de facto, que l’Union européenne ne signe pas le traité de libre échange avec l’Amérique centrale, en raison de la situation hondurienne. Nous demandons à la communauté internationale, aux Nations Unies et aux organisations de défense des droits humains de faire pression pour l’arrêt de la répression, afin que la protestation politique et sociale – en réaction au coup d’Etat et aux élections illégitimes – cesse d’être criminalisée.Propos recueillis par Sergio Ferrari et traduits de l’espagnol par Hans-Peter Renk
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