Assurance-chômage: la symétrie de l’esbroufe

Assurance-chômage: la symétrie de l’esbroufe

646 millions
de francs de nouvelles recettes et 622 millions
d’économies réalisées sur les
indemnités. Présenté ainsi, l’effort
d’assainissement des comptes de l’assurance-chômage
est bien réparti. Pour enrober la pilule du
démantèlement social et tenter de la faire avaler au bon
peuple, les autorités helvétiques (ab)usent d’une
telle approche « neutre » des réformes
des assurances sociales : elles ont inventé la
« symétrie des sacrifices » et
s’ingénient à faire passer un peu tout le monde
à la caisse en répartissant savamment la facture et les
économies.

    Si l’équation paraît correcte sur
les chiffres globaux, le « taux
d’effort » n’est en revanche pas
égalitaire. Car les 646 millions de recettes représentent
une hausse de 12 % des recettes par rapport à 2008 (5,416
milliards) tandis que les coupes de 622 millions totalisent une perte
de 17 % des prestations payées la même année
(3,567 milliards). En proportion, on rabote davantage que l’on
remplit la caisse et la symétrie commence déjà
à pencher.

    Mais l’asymétrie des sacrifices
apparaît clairement dans les chiffres individuels. Les 646
millions de nouvelles recettes sont prélevés sur
l’ensemble des cotisants, sur plus de 4 millions de
salariés et leurs entreprises tandis que les 622 millions
d’économies sont pris uniquement sur les personnes passant
par le chômage, soit moins de 300 000 personnes chaque
année. Pour les premiers, la nouvelle ponction moyenne
s’élève à 80 francs par an et par
salarié; pour les seconds, la coupe moyenne de prestations
dépasse 2000 francs par tête de chômeur. La
« symétrie des sacrifices » est partie
en fumée. Payer 80 francs lorsqu’on a un salaire ou une
entreprise ne pèse pas du même poids sur un budget
personnel que retrancher 2000 francs sur des indemnités de
chômage déjà réduites à 80 ou
70 % du dernier revenu.

    Ce prétendu égalitarisme dans le
sacrifice dynamite aussi la fonction et la philosophie d’une
assurance sociale. Celle-ci concrétise une solidarité
financière entre les personnes épargnées et les
personnes subissant un risque comme le chômage (ou la maladie,
l’invalidité…). Faire passer les chômeurs
à la caisse vingt-cinq fois plus que les autres sous-entend que
ceux-ci sont aussi un petit peu responsables de ce qui leur arrive.

    La « symétrie des
sacrifices » à la sauce fédérale
liquide la solidarité entre les salariés en poste et ceux
privés de leurs emplois. Une première raison de dire
« non » à la révision de la loi
sur l’assurance-chômage et de signer
le référendum.
MS