A qui le Groupe  pour une Suisse sans Armée sert-il  la soupe ?

A qui le Groupe  pour une Suisse sans Armée sert-il  la soupe ?

Samedi 17 avril, lors de l’AG suisse du GSsA à Soleure,
j’ai été le seul à m’opposer
clairement et fermement au lancement de cette initiative dangereuse
(vote final 57 pour, 3 contre). Depuis plus de vingt ans, je milite
activement au GSsA. C’est la première fois que je dis non
sur le fond et sur la forme d’une initiative insensée,
puisqu’elle prépare insidieusement à terme la
future armée de métier que de nombreux politiques et
militaires n’osaient pas ou plus proposer ouvertement.

    Comment imaginer que ce soit le GSsA qui offre cette
possibilité par le biais de sa nouvelle initiative ?
Certes, la conscription obligatoire reste un vaste sujet de discussion,
de réflexion et de remise en question. J’y souscris
pleinement. Proposer brutalement la fin de l’obligation de servir
relève du populisme et d’un manque de vision politique. Et
ce n’est pas en proposant le maintien d’un service civil
volontaire élargi (pour les femmes et les étrangers) que
l’initiative se renforce bien au contraire.

    S’il va être facile de récolter
les signatures et peut–être gagner la votation, nous
perdrons définitivement le service civil. Qui irait encore
passer 18 mois au service civil si l’obligation de servir est
abolie ? Par contre, nous
« gagnerons » à terme une armée
de professionnels que le GSsA et ses alliés auraient combattue
de toutes leurs forces il y a peu de temps encore !

Une armée de métier pour qui ? Contre qui ?

Aujourd’hui, l’armée suisse est bien malade,
laissons-la dans ses doutes et son marasme. Ueli (Maurer) le Soldat
n’est pas éternel au Conseil Fédéral. Son
successeur et ses complices pourraient apporter rapidement de
sérieux changements sur les objectifs et le rôle de
l’armée.

    Face à une pauvreté croissante, une
immigration en augmentation, des attaques frontales sur le plan social
et sur les solidarités, on constate toutes sortes de
dérives sécuritaires des politiques actuelles et le
renforcement de la droite un peu partout.

Qui donc peut dire aujourd’hui que des mouvements de
révoltes populaires et de résistance ne vont pas surgir
en Europe ? (Ailleurs, les révoltes de la faim ont
été clairement réprimées.) La crise, les
crises financières, peuvent amener les populations à se
rebeller. La Grèce y a goûté, d’autres pays
sont menacés. La Suisse va-t-elle y échapper ?
Cela a souvent été dit dans nos milieux : les
vraies menaces et dangers pour un pays sont la pauvreté et ses
injustices sociales, sans oublier l’aggravation de la situation
écologique de la planète.

    Le GSsA sera-t-il le complice de la construction
d’une armée de métier qui organisera à
l’intérieur du pays la répression, avec toutes les
dérives dramatiques possibles contre la population, contre les
immigrants trop nombreux aux frontières, contre d’autres
populations à l’étranger par de nouvelles missions
de collaboration « pour le maintien de la
paix » et in fine une alliance avec l’OTAN ?

    Pour rappel, l’armée de milice a
réprimé sa propre population lors des grandes
grèves, les antifascistes en 1932 à Genève, les
Jurassiens, etc. Qu’adviendra-t-il si des citoyens se trouvent
face à une armée de professionnels ?

    Je me refuse donc d’être un des maillons
de la construction de cette armée de métier que le
capitalisme n’hésitera pas à mettre en place et
à employer, si nécessaire, pour conserver et asseoir son
pouvoir.

    Une armée de professionnels serait encore
plus coûteuse, mais surtout plus efficace et plus
dangereuse… Paradoxe, elle sera surtout composée, entre
autres, à la base, de chômeurs qui trouveront là un
travail bien rémunéré.

    Nous voilà donc bien loin du chemin
déjà tracé d’une Suisse sans Armée et
d’une politique globale de paix. Le GSsA se tire un coup de fusil
dans le pied avant son suicide probable. Comment est-il possible
qu’aucune de mes thèses résumées ici
n’ait suscité un vrai débat lors de cette AG
orchestrée au pas de charge ? Je pense, hélas,
avoir assisté à ma dernière AG du GSsA.

Luc Gilly


Le texte de l’initiative « Oui à
l’abrogation du service militaire
obligatoire ! »

La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit :

Art. 59 (nouveau)
§ 1 Aucun citoyen suisse n’est astreint au service militaire.

§ 2 La Suisse a un service civil volontaire.

§ 3 La Confédération légifère sur
l’octroi d’une juste compensation pour la perte de revenu
des personnes effectuant un service volontaire.

§ 4 Les personnes qui sont atteintes dans leur santé dans
l’accomplissement d’un service volontaire ont droit, pour
elles-mêmes ou pour leurs proches, à une aide
appropriée de la Confédération ; si elles
perdent la vie, leurs proches ont droit à une aide analogue.

Les dispositions transitoires de la Constitution fédérale sont modifiées comme suit :

Art. 197 al. 8 (nouveau)
8. Dispositions transitoires
à l’art. 59 
1. Si la législation fédérale n’entre pas en
vigueur cinq ans après l’adoption par le peuple et les
cantons, le Conseil Fédéral promulgue provisoirement les
dispositions d’application nécessaires par voie
d’ordonnance.