Le printemps des antinucléaires

Le printemps des antinucléaires

L’industrie nucléaire
tente de faire passer le renouvellement de son parc pour une
contribution à la sauvegarde du climat. Pas dupes, les
antinucléaires appellent à une mobilisation nationale le
Lundi de Pentecôte, d’Aarau à Olten.

Le long des rives de l’Aar et du Rhin, la Suisse compte quatre
centrales nucléaires. Mühleberg (mise en service en 1972),
plus à l’est Gösgen (1979), puis Beznau (1969 et
1971) en enfin la plus récente, Leibstadt (1974). Leur
durée de vie d’environ quarante ans approchant de leur
terme, les producteurs d’énergie nucléaire
fourbissent leurs armes pour renouveler ce parc. Trois projets sont
donc dans les cartons : Alpiq veut une nouvelle centrale
à Gösgen, les Forces motrices bernoises (FMB) et Axpo
à Mühleberg, Beznau devant accueillir le nouveau
bébé radioactif d’Axpo et des FMB. Tout cela au nom
de la protection du climat, bien sûr.

Nucléaire et CO2

Surfant sur la vague de la lutte contre le dérèglement
climatique, les entreprises de l’industrie nucléaire
présentent leurs activités comme la solution pour
réduire les émissions de CO2. La page d’accueil de
la centrale de Leibstadt clame que son énergie est
« favorable au climat et en plus bon
marché », celle de Beznau met en avant son
« écobilan positif ». Cet
écoblanchiment (greenwashing) du nucléaire, amenant sa
production au niveau des éoliennes en terme de CO2, repose sur
une petite manipulation qui ne prend en compte que l’absence
d’émission de gaz carbonique durant le fonctionnement des
centrales. Du coup, plus besoin de tenir compte de l’extraction
du minerai, de la construction et de la désaffection de la
centrale, sans parler des émissions produites lors du creusement
des sites pour l’entreposage des déchets. Si l’on
prend en compte l’ensemble du cycle de vie et de la
filière, alors les chiffres sont différents.

    Selon une étude de l’Université
de Goningen parue en 2004, les émissions d’une centrale
fonctionnant à l’uranium – 235 représentent le
tiers du CO2 produit par une centrale à gaz. Ce qui, sur la base
du minerai moyen actuel, représente 56 g. de CO2 par kWh.
Une valeur destinée à croître, puisqu’elle ne
vaut que pour les minerais riches en uranium, aux quantités
limitées. Ce qui n’empêche par le Forum
nucléaire suisse de faire sa pub pour les réacteurs de
troisième génération,
« économes de la ressource », oubliant
au passage les graves problèmes de sécurité connus
par les deux centrales actuellement en construction en France et en
Finlande. Mais peut-être s’agit-il d’un modèle
à la fois économe de la ressource et prodigue en
radiations ?

Le retour du mouvement antinucléaire

Si les producteurs d’électricité croyaient pouvoir
avancer leurs projets sans que leur nouveau déguisement
d’écologistes soucieux du climat ne craque aux
entournures, eh bien, c’est raté ! Une très
large coalition d’une soixantaine d’organisations a en
effet relancé les traditionnelles mobilisations
antinucléaires du Lundi de Pentecôte. Une marche nationale
contre les trois projets de nouvelles centrales et pour la sortie du
nucléaire se déroulera d’Aarau à Olten, en
passant par Gösgen le 24 mai (www.sortonsdunucleaire.ch/fr/). Au
cœur de cette manifestation, trois revendications
simples : le refus des nouvelles centrales, la sortie du
nucléaire et le soutien aux énergies renouvelables. Le
tract d’appel explique que :
« L’énergie nucléaire est
chère, sale et dangereuse. Les énergies renouvelables,
combinées avec l‘efficacité
énergétique, constituent la seule option durable pour
couvrir nos besoins en électricité. Les centrales
nucléaires ne sont ni sûres (Tchernobyl) ni propres (mines
d‘uranium), et la question des déchets nucléaires
n‘est pas résolue. L‘électricité
nucléaire n‘est pas non plus une solution contre le
dérèglement du climat. Avec les milliards pour de
nouvelles centrales on pourrait créer des dizaines de milliers
d‘emplois dans le domaine des énergies renouvelables. Nous
voulons que la Suisse se retrouve aux avant-postes dans le domaine
environnemental. »

    Alors, les jambes vous démangent et les chaussures de marche sont prêtes ?


Daniel Süri


Allemagne : une grosse réaction en chaîne

Le samedi 24 avril, plusieurs manifestations exigeant un arrêt
immédiat des installations nucléaires se sont
déroulées. La plus importante a réuni environ
120’000 personnes, qui ont formé une chaîne humaine
de plus de 120 km entre les centrales de Brunsbütell et
Krümmel (près de Hambourg), dans le nord de
l’Allemagne. En Hesse, la centrale de Biblis a été
encerclée par environ 20 000 personnes, alors que
6 000 autres manifestaient sur le site d’entreposage des
déchets de Ahaus (Rhénanie-Westphalie du Nord). Cette
journée, massivement suivie, intitulée
« KettentreAktion » (réAction en
chaîne), protestait aussi contre la politique de la coalition
gouvernementale jaune-noir d’Angela Merkel, qui prolonge
l’exploitation des centrales nucléaires et réduit
les aides à l’énergie solaire.
DS