La feuille de route de la stratégie nucléaire états-unienne

La feuille de route de la stratégie nucléaire états-unienne



En cette fin d’année
2009, nous apprenons que les tribunaux italiens et français
jugeront des chefs d’entreprises multinationales,
très fortunées et considérées auparavant
comme irréprochables.

Avant tout la situation internationale: l’URSS et le Pacte de
Varsovie ont disparu et tous les ex-membres non soviétiques du
Pacte de Varsovie sont membres de l’OTAN. La Russie
« n’est pas un ennemi », mais un
partenaire des USA dans leur affrontement à
d’« autres menaces émergentes ».
Le président Obama a indiqué que « le danger
le plus immédiat et extrême est aujourd’hui le
terrorisme nucléaire ».
    Jusque là rien de nouveau par rapport
à la stratégie de l’ère Bush, qui avait
substitué au communisme (ennemi nº 1 pendant la guerre
froide) le terrorisme, « l’ennemi obscur qui se
cache dans les coins les plus sombres de la Terre ».
Aujourd’hui, affirme-t-on dans le rapport du Pentagone,
« Al Quaeda et ses alliés extrémistes cherchent
à se procurer des armes nucléaires ». Donc,
« même la menace de guerre nucléaire globale
est devenue obsolète, c’est le danger d’une attaque
nucléaire qui s’est accru ». On agite ainsi
le spectre d’un 11 septembre nucléaire,
corrélé à l’« autre menace
pressante » : la prolifération
nucléaire. D’autres pays, surtout ceux « en
opposition avec les Etats-Unis », peuvent se doter
d’armes nucléaires. On accuse donc l’Iran, et, dans
la foulée, la Corée du Nord, de poursuivre des ambitions
atomiques, en violant le Traité de non-prolifération
(TNP), et en augmentant l’instabilité de leur propre
région ; poussant les pays limitrophes à prendre en
considération leurs « propres options de dissuasion
nucléaire » (expression pour justifier, sans le
nommer, le fait qu’Israël possède des armes atomiques
et n’adhère pas au TNP).

De quoi liquider l’humanité

Sur ce fond, les objectifs de la nouvelle stratégie sont
clairs : d’abord maintenir la suprématie
nucléaire US, en établissant avec le nouveau START
(signé à Prague) un statu quo avec la Russie,
l’autre grande puissance nucléaire. Le traité ne
limite pas le nombre de têtes nucléaires
opérationnelles dans les deux arsenaux, mais seules les
« têtes nucléaires
déployées », soit prêtes au lancement
sur des vecteurs stratégiques d’une portée
supérieure à 5500 km : le plafond est
stabilisé à 1550 mais en fait chacun est
supérieur, chaque bombardier ne comptant que pour une tête
alors qu’il en transporte 20 ou plus. Nous sommes bien loin du
désarmement nucléaire. Chacune des deux parties non
seulement gardera prêt au lancement un nombre de têtes
nucléaires en mesure de balayer l’espèce humaine de
la face de la Terre, mais pourra renforcer qualitativement ses propres
forces nucléaires.
    
Dans le Nuclear Posture Review, on précise que les USA, tout en
ne développant pas de nouveaux types de têtes
nucléaires, renouvelleront leur arsenal à travers la
substitution de composants. Et sera donc
« renforcée la base scientifique et technologique,
vitale pour la gestion de l’arsenal ». Dans ce but,
on a prévu des « investissements accrus dans le
complexe des implantations et du personnel spécialisé
dans les armes nucléaires ». La Russie pourra faire
de même, bien que disposant de moyens économiques
moindres. Les USA essaieront d’acquérir un avantage
ultérieur, en développant de nouveaux types de vecteurs
stratégiques (non limités par le nouveau START), et en
réalisant en Europe le « bouclier »
anti-missile (demeuré hors de l’accord) :
système qui, une fois mis au point, leur permettrait de
neutraliser en partie la capacité des forces nucléaires
stratégiques russes. […]

Deux poids, deux mesures

En même temps, les Etats-Unis, avec le sommet du 12 avril sur le
TNP, se sont fixés par anticipation de renforcer le
régime de « non-prolifération »
ainsi qu’il est conçu à Washington : garder
inchangé l’actuel « club
nucléaire » dont sont membres, outre les deux plus
grandes puissances, la France, la Grande-Bretagne, la Chine,
Israël (incognito), l’Inde et le Pakistan. Les Etats-Unis,
tandis qu’ils s’engagent à ne pas employer
d’armes nucléaires contre les Etats qui ne les
possèdent pas et se conforment au TNP, laissent entendre
qu’ils se réservent le droit du first strike
(première frappe) pour empêcher qu’un pays comme
l’Iran puisse les construire. L’attitude envers leurs
alliés est bien différente. Dans le Nuclear Posture
Review, on confirme que « demeure en Europe un petit
nombre d’armes nucléaires
états-unienne » (estimé à environ 500
dont 90 en Italie), en précisant que « les membres
non nucléaires de l’OTAN participent à la
planification nucléaire et possèdent des avions
spécialement configurés, capables de transporter des
armes nucléaires ». On admet ainsi, dans un
document officiel, que les premiers à violer le TNP sont les
USA, qui fournissent des armes nucléaires à des pays
non-nucléaires, et leurs alliés, Italie comprise,
lesquels violent l’art. 2 du TNP :
« Chacun des Etats militairement non-nucléaires
s’engage à ne recevoir de quiconque des armes
nucléaires, ni le contrôle sur de telles armes,
directement ou indirectement ».

Manlio Dinucci, Tommaso Di Francesco
Paru dans « Il Manifesto » du 9.4.10
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio pour www.legrandsoir.info

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Le Pentagone confirme que l’Italie dispose de bombes nucléaires : que dit le gouvernement italien ?

On savait déjà – par un rapport de
l’association environnementale états-unienne Natural
Resources Defense Council – que les USA conservent en Italie 90
bombes nucléaires : 50 à Aviano (Pordenone) et 40
à Ghedi Torre (Brescia). 400 autres environ sont
déployées en Allemagne, Grande-Bretagne, Turquie,
Belgique et Hollande. Ce sont des bombes tactiques B-61 en trois
versions, dont la puissance va de 45 à 170 kilotonnes (13 fois
celle de Hiroshima).

    Les bombes sont gardées dans des hangars
spéciaux avec des avions de chasse prêts à
l’attaque nucléaire : parmi eux, les Tornado
italiens qui sont armés de 40 bombes nucléaires (celles
qui sont à Ghedi Torre). A cet effet, révèle le
rapport, des pilotes italiens sont entraînés à
l’utilisation de bombes nucléaires dans les polygones de
Capo Frasca (Oristano) et Maniago II (Pordenone).

    Ceci est confirmé officiellement, pour la
première fois, dans le Nuclear Posture Review 2010, où
l’on affirme que « les membres non-nucléaires
de l’OTAN possèdent des avions spécialement
configurés, capables de transporter des armes
nucléaires ». Le gouvernement italien le
confirme-t-il aussi, en admettant alors qu’il viole le
Traité de non-prolifération ? Ou bien
déclare-t-il que le Pentagone ment ? MD