21 mars, Journée internationale contre le racisme

21 mars, Journée internationale contre le racisme

Les jeunes racistes bourgeonnent. Il ne faut pas laisser pousser n’importe quoi.

Le 2 mars dernier, les jeunes
UDC du canton de Vaud ont manifesté sur la place de la Palud.
L’agence de presse identitaire et fasciste Novopress avait
relayé l’appel à se rassembler et informait que les
« Jeunesses identitaires Genève »
invitaient également à rejoindre cette manifestation au
son de « Genève-Vaud, même
combat ». En cause, la décision de la ville de
Lausanne d’offrir une formation professionnelle aux jeunes sans
papiers (cf. solidaritéS, n°164, 05/03/2010). 

Les jeunes UDC se sont donc rassemblés sur la place de la Palud
pour, selon leur propre dire, « protéger nos
apprentissages ». La décision de la
Municipalité de Lausanne d’engager des
« apprenti·e·s clandestins »
exaspérent ces mouvements qui craignent que cette politique ne
fasse tache d’huile. « Les masques
tombent » écrivent-ils, « une semaine
après la proposition ahurissante de l’exécutif
lausannois d’autoriser les clandestins à faire un
apprentissage dans l’administration (…) une dizaine de
cantons se sont engouffrés dans la brèche ».

La brèche ? Celle que les « trotskystes
d’A gauche toute » ouvrent contre la stricte
application de la loi sur les étrangers que le peuple suisse a
durcie en 2006. Une loi « que les représentants de
la « bande des quatre » (LIBRAD-PDC-PS-VERTS)
transgressent allègrement », révélant
selon eux « leur déconnexion des
préoccupations du peuple suisse », dont
« le vote du 29 novembre montre la proximité avec
la résistance identitaire ».

La langue est de bois mais l’essentiel est ailleurs

Les lecteur·trices de solidaritéS connaissent les
affinités qui rapprochent les fascistes identitaires et les
jeunesses de l’UDC (cf. notamment « Libre
circulation: les racistes à l’affût »,
solidaritéS, n°140, 08/01/2009 ; « Oskar
Freysinger Silhouette », n°158, 19/11/2009 ;
« L’islamophobie existe, il suffit d’ouvrir
les yeux », n° 161, 15/01/2010). Mais
jusqu’alors, le racisme décomplexé et brutal des
identitaires n’était pas trendy chez les agrariens
vaudois. Les deux mouvements ne s’affichaient pas ouvertement
côte à côte. Se lâchent-ils
aujourd’hui ?

La politique, les institutions suisses ont réduit leur
engagement contre le racisme à la seule mise en œuvre
d’une norme pénale ; elles se refusent toujours
à combattre le racisme et la discrimination par une
véritable loi pour l’égalité de traitement.
Néanmoins, la norme pénale, inscrite dans l’article
261bis du Code pénal suisse et entrée en vigueur le 1er
janvier 1995, avait posé une digue : la politique
ouvertement raciste n’avait pas droit de cité.

Certes, la propagande de l’UDC n’a jamais été
dénoncée pour ce qu’en définitive elle
est : raciste. Du moins, les partis gouvernementaux
s’accordaient-ils jusqu’ici à fustiger son
« populisme », même s’ils se
bornaient à reprocher à l’UDC de manipuler les bas
instincts de la population. Certes leurs propos étaient mous,
mais ils exprimaient au moins un refus, une prise de distance.

Une crise de conscience ?

L’action politique peut désormais sans tabou explorer
toutes les voies, fouiller toutes les ombres, réveiller tous les
démons. Le succès islamophobe du 29 novembre est
manifestement passé par là.

Le 18 mars 2010, un requérant d’asile nigérian est
mort à Kloten. « Il a tenté de se soustraire
à son expulsion, il a fallu le ligoter de force. Son état
de santé s’est dégradé »,
rapporte Le Matin du 18 mars dernier. Quelques jours auparavant, le 11
mars, un jeune homme décédait à Bochuz, sous les
yeux de la police. Il était interné depuis
l’adolescence. On dit qu’il était dangereux. Deux
cas parmi tant d’autres.

Le racisme d’Etat imbibe la société suisse ;
de cet Etat qui refuse les autorisations de séjour aux
« ressortissant·e·s des pays qui n’ont
pas les idées européennes (au sens large) »,
et qui crée la catégorie des sans-papiers : Des femmes et
des hommes « clandestins », auxquels on
reproche leur « séjour
illégal ». De quoi s’agit-il sinon
d’une double discrimination, celle qui leur refuse
l’attribution d’une autorisation de séjour en raison
de leur supposée identité et celle du
« délit » qui la sanctionne.

Ces relents xénophobes sont si familiers aux routines politique
et culturelle suisses que rares sont les responsables politiques ou les
mouvements sociaux qui s’en indignent.

Jusqu’à présent au moins, la charité voulait
que les enfants, les jeunes ne se voient pas reprocher les choix de
leurs parents. « Sans papiers », ils sont
scolarisés. L’initiative de la ville de Lausanne leur
ouvre enfin la possibilité – jusque-là interdite
– de suivre un apprentissage.

Voilà ce qu’aujourd’hui l’UDC attaque. Ne
vient-elle pas en outre de réinventer pour les
étranger·e·s la punition collective en
s’opposant à la naturalisation d’une personne si un
membre de sa famille a été condamné ?

Il ne suffira pas de combattre l’UDC. Il faudra combattre
également la sérénité avec laquelle la vie
politique semble accueillir ce pas en avant dans l’escalade
raciste.


Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme