Lausanne: une formation professionnelle pour les jeunes sans-papiers !

Lausanne: une formation professionnelle pour les jeunes sans-papiers !



La Municipalité lausannoise se
prononce pour que les jeunes sans-papiers ayant fini leur
scolarité obligatoire à Lausanne puissent accéder
à des places d’apprentissage dans l’administration
communale…

Fin février 2010, elle rendait un Rapport-préavis
à l’intention du législatif de la ville
défendant cette mesure. L’exécutif communal a
notamment « souligné
l’inégalité de traitement entre jeunes clandestins
dès lors que le droit à la scolarisation post-obligatoire
est accordée aux seuls jeunes suivant la voie gymnasiale et est
refusée à ceux qui suivent la formation professionnelle
en école à temps plein ou en apprentissage
dual ». Il relève que « du point de
vue social, offrir un apprentissage à des jeunes renforce le
acquis de l’éducation antérieure ainsi que
l’intégration sociale (…) A un âge où
le jugement moral est très important, le frein à la
formation et le retour contraint à une vie recluse de la
société pourraient être ressentis par les jeunes
comme une pénalisation supplémentaire et une
exclusion ».

Un large soutien

Le Centre social protestant (CSP-Vaud), le Collectif vaudois de soutien
aux sans-papiers (CVSSP), l’Entraide Protestante Suisse (EPER) et
le Syndicat des services publics (enseignement) ont soutenu fermement
la décision de la Municipalité, rappelant que des
milliers d’enfants scolarisés en Suisse quittent chaque
année les bancs de l’école sans aucune perspective
professionnelle. La Suisse a pourtant ratifié, en 1997, la
Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU
qui, à son article 28, garantit le droit à la formation.
Or, l’absence de permis de séjour constitue un handicap
insurmontable au moment de commencer une formation comme apprenti ou
apprentie.

    En novembre 2009, le Grand Conseil vaudois avait
accepté une initiative cantonale à l’intention de
l’Assemblée fédérale (voir
solidaritéS no 159), déposée par les
députés Serge Melly, radical, et Jean-Michel Dolivo, AGT
(POP – solidaritéS), demandant l’accès
à la formation professionnelle pour les jeunes sans statut
légal. Le Grand Conseil du canton de Bâle-ville ainsi que
le Conseil municipal de Zurich viennent d’accepter une initiative
identique. Des initiatives cantonales, motions, postulats ou
interpellations semblables, et en attente de traitement, ont
également été déposées dans les
Grands Conseils de Genève, Lucerne, Valais, Berne, Zurich, Jura,
Soleure, Neuchâtel et Bâle-campagne, ainsi qu’au
Conseil communal de la ville de Berne. Des motions sont
également en discussion aux Chambres fédérales.

    Pour rappel, plusieurs associations et syndicats
mènent une campagne nationale intitulée
« Aucun enfant n’est illégal »
pour sensibiliser le public sur la situation des enfants sans
autorisation de séjour en Suisse. La campagne revendique, entre
autres, le droit à la formation post-obligatoire et la
régularisation facilitée des enfants et de leur famille.
Un manifeste circule jusqu’à fin avril 2010
(www.aucunenfantnestillegal.ch).

Une droite hystérique

La décision lausannoise a suscité des réactions
outrées de la part du conseiller d’Etat, Chef du
Département de l’intérieur, Philippe Leuba qui a
déclaré que l’exécutif lausannois
« viole sciemment le droit » ! Au
Grand Conseil vaudois, UDC, libéraux et radicaux ont
présenté une résolution, sous le titre
« La fronde de la Municipalité de Lausanne :
le pari de l’illégalité au détriment de sa
crédibilité ». Cette résolution
demandait au législatif cantonal de « condamner
fermement la décision illégale et hypocrite de la
Municipalité qui viole l’Etat de droit » et
« d’inviter le Conseil d’Etat à prendre
toutes les mesures et sanctions utiles au cas où la
Municipalité persiste dans sa décision ».

    Dans son développement écrit, la
résolution mettait en avant une argumentation d’une
virulence inouïe : « (…)en
prônant la désobéissance civique, la
Municipalité inscrit la transgression des lois et
règlements à son programme, alors qu’elle est
chargée justement de les faire appliquer. C’est une
attitude, non seulement inconcevable, totalement irresponsable et qui
atteint à l’essence même de l’Etat de droit.
On n’ose pas imaginer ce qu’un tel précédent
pourrait ouvrir comme portes, laissant la place aux infractions les
plus diverses, voire à l’anarchie ».

Des droits pour les sans-papiers

Bigre ! Majoritaire au législatif cantonal, la droite
n’a pourtant pas réussi à faire passer cette
résolution… Au contraire, c’est une
résolution soutenue par les
député·e·s verts, socialistes, A Gauche
toute !, une partie de l’Alliance du centre et quelques
radicaux qui l’a emporté, demandant au gouvernement
qu’il transmette à l’Assemblée
fédérale dans les meilleurs délais
l’initiative cantonale adoptée en novembre 2009 et
qu’il rencontre l’exécutif lausannois pour discuter
de l’élargissement des possibilités de formation
professionnelle pour les jeunes sans-papiers dans le cadre légal
encore en vigueur.

    La Municipalité de Lausanne, en ouvrant les
portes de l’administration communale à la formation
professionnelle de jeunes sans-papiers, met le doigt sur une situation
inadmissible et hypocrite. On compte beaucoup de familles ou de femmes
seules qui élèvent leurs enfants parmi les sans-papiers.
Ces jeunes sont scolarisés jusqu’à 16 ans.
Ils-elles sont en Suisse souvent depuis de nombreuses années.
Arrivé·e·s à la fin de leur
scolarité obligatoire, ils-elles n’ont pas accès
à l’apprentissage, ne disposant ni d’un permis de
séjour ni d’une autorisation de travail. Une
minorité d’entre eux-elles poursuivent des études
supérieures. Pour tous les autres, ils-elles sont
condamné-e-s à rester sans-papiers professionnellement,
victimes d’une nouvelle discrimination. 7

Jean-Michel Dolivo