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N° 163 (21/02/2010). A la une: Pour lutter contre la fraude des riches et l'argent sale: supprimons le secret bancaire!
p. 18
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Culture
L’armée du crime
Sortie en DVD du film de Robert Guédiguian, diffusé en 2009 dans les salles obscures.Robert Guédiguian est un cinéaste engagé à gauche (ex-militant du PC, désormais membre du Parti de Gauche). Sa filmographie est, à l’instar d’un Ken Loach, largement centrée autour de questions sociales et politiques. « L’armée du crime » n’y fait pas exception et nous plonge dans les réseaux parisiens de la Main d’œuvre immigrée (MOI), liée au PCF, qui s’engagea activement dans la résistance armée dès l’entrée en guerre de l’URSS. Le récit se centre en particulier sur le fameux groupe Manouchian (du nom de son leader arménien intellectuel) qui lors de sa capture en novembre 1943, inspira à la propagande nazie la diffusion de la célèbre « Affiche rouge ». Retraçant le parcours de quelques partisans du groupe depuis le début de la guerre jusqu’à leur exécution, Guédiguian met en scène leurs doutes et leurs peurs, mais surtout leur courage et leur audace face à un ennemi auquel ils donneront du fil à retordre. Il dépeint ainsi, peut-être un peu schématiquement, le passage d’actions isolées de militants esseulés à la constitution d’une véritable armée de l’ombre, organisée clandestinement et à l’efficacité redoutable.
Sur le plan historique, format cinématographique oblige, le récit n’est d’ailleurs pas chronologiquement et historiquement exact, et certaines questions politiques et idéologiques plus complexes, notamment le lien à l’URSS ou l’internationalisme, ne sont pas vraiment développées. La vie en clandestinité est peut-être aussi présentée de manière un peu romantique par rapport à ce qu’elle a dû être sous l’occupation.
Acte de mémoire
Néanmoins, le film a le mérite de décrire le rôle alors exemplaire, mais par la suite moins valorisé par la mémoire officielle, d’une résistance non-française, communiste et souvent juive. A l’opposé, est souligné le rôle important joué par la police française, imprégnée de racisme et d’anticommunisme, dans la répression d’une résistance qu’elle haït, ainsi que sa collaboration fidèle avec l’occupant qu’elle devance même souvent en cruauté. Ainsi d’un officier allemand qui félicite le policier français pour l’efficacité de ses méthodes de torture, nous rappelant, s'il le fallait encore, que ce conflit en France fut aussi une guerre civile.En conclusion, le film est prenant, et les acteurs, pour la plupart peu connus, parviennent à incarner de façon plausible, sans trop exagérer l’imagerie du résistant-martyr, des hommes et des femmes qui combattirent le fascisme sans relâche là où ils se trouvaient. Dans le climat de xénophobie actuel de plus en plus analogue à celui de l’époque, ce récit nous rappelle que les immigrés peuvent, malgré un contexte extrêmement défavorable et par la force de leurs convictions politiques, demeurer acteurs de leur propre destinée et de celle de leur pays d’accueil.
Ludovic Jaccard
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