Votation du 7 mars: un trou de 600 millions ou 600 millions en moins pour les retraites ?

Votation du 7 mars: un trou de 600 millions ou 600 millions en moins pour les retraites ?



La droite et les milieux patronaux
commencent à avoir peur que le peuple refuse la baisse du taux
de conversion le 7 mars. Aussi mettent-ils le paquet et des
millions pour leur propagande, jouant la peur et les mensonges.

Ils changent d’argument comme de chemise

En 2008, en plein krach boursier, leur argument principal
était : « On ne peut pas attendre le
même rendement à l’avenir, le rendement allant
diminuer, il faut diminuer le taux de conversion, donc les rentes
minimales ». En 2009, le rendement boursier dépasse
les 20 % et le rendement global des caisses de pension
dépasse 11 %, selon l’indice prudent de la banque
Pictet. L’argument principal perd en crédibilité,
il faut donc le changer ! Ce sera donc l’augmentation de
l’espérance de vie. Au départ, il manquait aussi de
crédibilité, car il avait déjà servi pour
la première diminution du taux de conversion, de 7,2 à
6,8 %, entrée en vigueur en 2005. Mais, miracle, les
tables de mortalité de la caisse de Zürich (VZ 2005),
publiées en 2007, montrent une augmentation plus forte que
prévu de l’espérance de vie. C’est donc le
nouveau cheval de bataille choisi, qui laisse entrevoir un trou
prétendu de 600 millions chaque année ; une affiche du
parti radical-libéral traitant même ceux qui sont le plus
touchés, c’est-à-dire ceux qui ne touchent que le
minimum LPP, de voleurs.

Qu’est-ce qu’un trou ?

Pour la droite et les milieux patronaux, un trou de 600 millions, ce
sont 600 millions qui sont versés « en
trop » à ceux qui reçoivent en moyenne une
rente mirobolante de 1175 francs par mois ! On peut
déjà percevoir cela comme une provocation, mais le pire,
c’est bien que cette somme est une pure invention. Sans entrer
dans trop de détails techniques, et en laissant de
côté quelques aspects déjà douteux,
limitons-nous à l’essentiel : aujourd’hui
déjà, selon le droite patronale et les assureurs, le taux
de conversion devrait être égal à 6,4 % et
non à sa valeur actuelle de 7,05 %. C’est cette
différence qui est évaluée à 600 millions.
En d’autres termes, ils pleurent de ne pouvoir diminuer
dès aujourd’hui les retraites ! Et pourquoi
faudrait-il 6,4 % dès aujourd’hui ? Sur ce
point, ils sont nettement plus discrets, mais font des calculs sur la
base d’un taux technique de 3,5 %, alors qu’en
moyenne il est proche de 4 % (le taux technique, statutaire, qui
est en général inférieur au taux réel), et
d’une espérance de vie la plus optimiste (du point de vue
de sa durée) donnée par les tables de VZ. A ce propos, il
faut souligner deux éléments : d’une part,
l’augmentation observée en 2005 pourrait bien être
simplement liée au fait que la population observée
n’est pas la même que pour les tables 2000, d’autre
part que cette population correspond plutôt à une classe
moyenne, dont les prestations sont supérieures au minimum LPP,
et dont l’espérance de vie, privilège de classe,
est supérieure à celle des travailleurs les plus
touchés par la baisse du taux de conversion ; ceux qui sont au
minimum LPP, avec les plus petits salaires et les conditions de travail
les plus pénibles, ce qui n’est pas vraiment la garantie
d’une longue retraite.

    A part les effets du krach boursier de 2008, le plus
important depuis 80 ans, et qui n’a rien à voir avec le
taux de conversion qui concerne le long terme, le
« trou », donc une perte annuelle
prétendue de 600 millions, est une pure invention qui
n’est pas vérifiée dans la pratique, mais qui est
bien pratique pour faire peur.

Vous avez dit paritaire ?

Le deuxième pilier est censé être financé au
minimum à 50 % par les employeurs. Mais il faut savoir
que de 1998 à 2007, leur part du total des cotisations a
passé de 65 % à 58 %, soit une diminution
relative de 10,8 %. Le tour de passe-passe, bien que gros comme
une montagne, passe inaperçu : les employeurs diminuent
leur contribution relative au deuxième pilier. Entre 1998 et
2007, leurs cotisations ont augmenté de 42 % et celle des
salariés de 96 %, puis ils disent qu’il n’y a
plus assez d’argent pour payer les retraites, il faut donc les
diminuer d’un bon 10 %, et c’est aux seuls
salariés d’en payer le coût ! Non seulement
la baisse du taux de conversion n’a pas de justification
réelle, mais encore elle vise à faire supporter aux
salariés de petits rendements pour laisser les rendements
sérieux aux vrais capitalistes : quelle grande firme suisse
annonce comme objectif des rendements inférieurs à 8 ou
10 % ?

Et l’égalité des sexes ?

Les femmes salariées représentent 41 % des actifs
assurés par le deuxième pilier, mais leur avoir
vieillesse seulement 28 % (chiffres de 2007). En moyenne, leur
rente dépasse à peine la moitié (52 %) de
celle des hommes. Essentiellement, trois (mauvaises) raisons expliquent
ces différences : premièrement le non respect du
principe « à travail égal, salaire
égal », deuxièmement un nombre
d’années de travail, et donc de cotisations, souvent
inférieur (arrêt pour éducation des enfants),
troisièmement un temps de travail partiel plus fréquent.
Le résultat, c’est que les femmes sont en
général plus touchées par la diminution du taux de
conversion, parce qu’elles sont plus souvent au minimum LPP, et
que plus la rente est petite, moins une diminution est supportable.

Les patrons, en particulier les assureurs, sont de vraies Madame Soleil !

La droite, le patronat, les assureurs et les banques n’ont pas vu
venir le krach de 2008, ils ne savent pas très bien comment
sortir de la crise, ils ont donc quelques difficultés avec le
présent, mais heureusement il leur reste les certitudes sur les
20 ou 30 prochaines années : ils savent avec
précision comment va évoluer l’espérance de
vie et le rendement non pas de leurs capitaux, mais de ceux du
deuxième pilier.

    Pour notre part, nous nous contentons d’une
certitude : au-delà du vote du 7 mars que nous pouvons et
devons gagner, nous nous battrons pour une prévoyance vieillesse
sociale et solidaire, qui permette à chacune et chacun de vivre
décemment et sans soucis financiers, ce qui n’est pas le
cas aujourd’hui et le devient de moins en moins encore.

Michel Ducommun