Les études genre démantelées à l’Université de Genève
Les études genre démantelées à lUniversité de Genève
Lunité
interdisciplinaire détudes genre, qui existe à
lUniversité de Genève depuis 1995, a vécu.
Curieusement, cette décision semble avoir été
prise en dépit des engagements et des obligations qua
lUniversité duvrer au renforcement de ce
domaine denseignement et de recherche.
Dans le cadre dun projet de restructuration de la faculté
des sciences économiques et sociales (SES), la
quasi-totalité de lautonomie dont
bénéficiaient les études genre depuis leur
création leur sera retirée. La forme institutionnelle des
études genre est, actuellement encore, celle dune
« unité » interdisciplinaire
rattachée aux services communs de la faculté. De facto,
ce statut leur permet de disposer dune autonomie qui est pour
lessentiel comparable à celle dun
département : personnel rattaché à
lunité et repourvu en son sein, secrétariat,
budget de fonctionnement propre.
Des moyens insuffisants
Cependant, en raison de blocages et dintrigues successives,
lUniversité na jamais octroyé aux
études genres les moyens qui seraient en adéquation avec
leurs besoins réels en personnel enseignant : une maîtrise
universitaire qui tient le cap, une offre denseignements au
niveau des bachelors qui se renforce dannée en
année, et une formation continue qui accueille à chaque
cycle une trentaine de personnes. Pour ce faire, seul un poste
denseignement a été stabilisé en
lespace de presque 15 ans : un poste de professeure ordinaire
pourvu à 50 % en 2005, et à 100 % depuis le
1er septembre dernier. Toutes les autres personnes exercent leur
fonction à titre temporaire ou en suppléance, à
lexception dun poste de secrétariat à
50 % dont lexistence est menacée par le projet de
restructuration. Il serait sans doute vain de chercher ailleurs dans
lUniversité de Genève une subdivision qui en
ferait autant avec si peu de moyens.
Le projet de restructuration de la faculté des SES aurait
justement pu être loccasion de réparer cette
injustice. Lun des objectifs principaux quil visait
prétendument est en effet dassurer « une
allocation des ressources en lien réel avec les
besoins ». Or, dans sa mise en application au 1er janvier,
les études genre se trouvent sacrifiées pour des raisons
qui restent difficiles à comprendre. Leur nouvelle directrice,
entrée en fonction au 1er septembre dernier, a été
mise devant le fait accompli : au terme de la restructuration,
elle ne préservera que la direction dun
«institut» détudes genre dont
lautonomie sera réduite à sa portion congrue,
puisquil ne gérera plus que la recherche et le personnel
engagé sur fonds externes, et quil ne disposera
même plus dun secrétariat.
Quant à la majeure partie du personnel des études genre
(engagé sur fonds DIP), y compris lactuelle directrice de
lunité, il sera réaffecté au
département de sociologie et donc placé sous une nouvelle
direction.
Une obligation légale violée
Ce démantèlement est non seulement contraire aux
objectifs du projet lui-même ; il va à lencontre de
lobligation légale qua lUniversité,
en vertu de la Convention dobjectifs qui la lie au Conseil
dEtat genevois, de « contribuer au
développement et au renforcement de la formation et de la
recherche sur la question du genre » (objectif 5.2).
Comment, dès lors, justifier la disparition de
lunité interdisciplinaire détudes genre,
alors quil sagit de la principale structure de
lUniversité à même de fournir un contexte
institutionnel propice à un tel renforcement ?
Plutôt que de conduire à une véritable
reconnaissance du travail réalisé, la restructuration des
SES sapprête à affaiblir une unité qui a
survécu jusquici grâce à lengagement
collectif et individuel de ses membres qui continuent à croire
dans la nécessité de renforcer et de diffuser la
perspective de genre au sein des différentes disciplines des
sciences sociales (qui incluent les sciences économiques et
politiques). Une telle approche interdisciplinaire requiert
lexistence dune structure disposant dune autonomie
relative, mais substantielle, et qui, forte de compétences
scientifiques et pédagogiques dans le champ des études
genre, soit à même de défendre la
pérennité de cette approche. Les pressions auxquelles est
actuellement soumise cette unité, et qui obéissent
à une logique de pouvoir institutionnelle nayant rien
à voir avec des considérations scientifiques et
pédagogiques, montrent on ne peut plus cyniquement que cette
pérennité est loin dêtre acquise et
quil est plus nécessaire que jamais de doter les
études genre dune réelle autonomie
Erratum
Ce texte est malencontreusement paru par erreur sous la signature de Suzanne Hagemann et sans autorisation ni citation de la source. Il est paru sans signature sur le site http://www.unige-info.ch/Les-etudes-genre-demantelees.html. La rédaction fait toutes ses excuses aux auteurs et éditeurs du site en question.