L’islamophobie existe il suffit d’ouvrir les yeux

L’islamophobie existe il suffit d’ouvrir les yeux

Etienne Dinet et Sliman Ben Ibrahim,
les premiers, ont  parlé de «délire
islamophobe». Dans L’Orient vu de l’Occident,
publié en 1921, ils commentaient une biographie de Mahomet. La
référence à ce terme s’est multipliée
depuis septembre 2001… On se rappelle l’épouvantable
attentat contre les Twin Towers, la guerre contre les musulmans
qu’il a légitimée, l’idéologie du
« clash des civilisations »1 par
quoi l’Occident travestit en autodéfense son nouveau
colonialisme. Quatre jours plus tôt, prenait fin la
Conférence mondiale contre le racisme de Durban qui a
condamné l’esclavage, le colonialisme, le sort fait aux
réfugié-e-s et aux migrant·e·s.

Cet acquis est largement oublié. Trop souvent n’est
rappelée que la seule réaction d’intellectuels
– identifiés à gauche ou par leur combat contre
l’antisémitisme – aux manifestations
minoritaires d’antisémitisme qui s’y
déroulèrent. Ils ont justifié la politique
d’Israël, les guerres d’Irak et d’Afghanistan.

« Affaire » des caricatures,
« émeutes » des banlieues… ils
dénoncent depuis lors l’antisémitisme musulman
soutenu par « l’extrême gauche ».

    Au nom du droit au blasphème Charlie Hebdo
s’est dépensé dans cette croisade.
C’était un peu court, c’est donc aujourd’hui
le droit des femmes, le port du voile, de la burqa qui sont
invoqués. Certain·e·s d’entre nous restent
toutefois convaincu·e·s que le choix de son
vêtement est un droit de la personne.

    Les partisans de l’initiative pour interdire
la construction de minarets ont proclamé à hue et
à dia que le minaret n’était qu’un symbole de
leur combat pour… de leur combat contre… Mais de quel
combat au fond? Ils ont produit un unique message, une affiche. Elle
dit « stop » à l’image
d’une femme en burqa, menaçante, devant une Suisse
criblée de minarets.

    Selon le conseiller national UDC Perrin : « Nous
sommes confrontés à un certain nombre de revendications
qui deviennent difficilement compatibles avec la constitution
 ».
Quelles revendications ? Pas un mot. Et pour cause, elles
n’existent pas. Pourquoi l’affiche ? « Un
certain nombre de phénomènes ont des causes que nous
dénonçons depuis longtemps avec des affiches choc, au
début on agitait une petite clochette, personne
n’écoutait, ensuite on a pris un toupin, on n’a pas
eu plus de succès, maintenant on a l’avertisseur de brume,
peut-être cela ne suffira pas, peut-être faudra-t-il
utiliser… 
»2

    Pour l’UDC, la réalité,
c’est l’image qu’elle en donne. Sa
stratégie ? Manipuler le sentiment
d’insécurité. Perrin est inquiétant :
« Nous irons aussi loin que la loi nous le permet »3.
Son affiche éveille la peur et d’obscurs fantasmes. Durant
les débats, les initiants n’argumentent pas, mais font
écho aux rumeurs qu’ils alimentent via leurs sites et
leurs blogs, les courriers de lecteurs, aux comptoirs des bistrots.

Propos sans pensée, émotions manipulées

A l’exemple d’Oskar Freysinger : « D’ailleurs
la constitution nous permet pour maintenir la paix religieuse, de
mettre des limites à la liberté religieuse, elle
n’est pas illimitée, c’est garanti d’ailleurs
dans la charte de l’ONU, c’est dans la Constitution, on a
la possibilité, de limiter cette liberté-là quand
on pense qu’elle pourrait poser problème, et c’est
ce que je pense concernant les minarets, c’est vrai que
c’est une légère restriction sur un
élément qui n’est pas essentiel pour leur culte,
pour la pratique de leur religion, mais on essaie simplement de donner
un signal, et de dire attention, il y a dans ce dogme malheureusement
cette politisation que regrette M. Boubakeur, mais qu’en France,
je vois dans la plupart des banlieues, mais ce que lui appelle de ses
souhaits n’est pas une réalité dans le terrain, ces
gens-là, je ne sais pas mais est-ce qu’ils sortent, est-ce
qu’ils vont voir comment ça se passe, quand vous avez des
quartiers entiers de Paris qui sont paralysés parce que tout
d’un coup il y a des milliers de gens puis qui bloquent tout pour
faire leur prière. Ça c’est la fin de notre
civilisation. La Cour européenne des droits de l’homme qui
interdit les croix dans les écoles italiennes mais d’un
autre côté on nous dit interdire les minarets ça
c’est discriminatoire. Mais qu’est ce que c’est que
c’te civilisation qui est en train de s’avorter
elle-même. Nous n’avons vraiment pas de futur… 
»4

    Grégory Logean, président des
jeunes UDC du Valais romand applique ci-dessus la méthode et
invente une réalité n’existant que dans la
propagande islamophobe de son parti. Il craint « l’heure
où gentiment on veut retirer les crucifix des classes
d’écoles et imposer les minarets dans notre pays je crois
qu’il est vraiment temps de défendre nos origines 
»5.

    Dépourvus d’ambigüité, ces
propos n’ont pas suscité une réaction antiraciste
à la hauteur de la menace. Pourquoi la conscience du racisme
islamophobe est-elle si faible ? Il faut répondre
à cette question pour engager un vrai combat contre une forme
nouvelle du racisme qui puise dans l’antisémitisme, pour
qui l’agresseur, le raciste est le Juif (le musulman
aujourd’hui), et dans le racisme colonial où
l’Occident justifie sa violence au nom de sa civilisation
supérieure.
   

Comprendre pour engager le combat !

Une évolution récente explique ce nouveau racisme.
L’Orient subit depuis le début des années 1990 un
nouveau colonialisme impérialiste. Mais l’Orient est plus
puissant aujourd’hui qu’au 19e ou au début du 20e
siècle. Le temps des promenades coloniales qui
dépeçaient l’Afrique, l’Algérie ou la
Chine est révolu. La guerre de pillage qui lui est
livrée, plus difficile, est donc présentée comme
un clash de civilisations.

    Jusqu’aux années 1940 du 20e
siècle, les victimes de la barbarie coloniale étaient
jugulées sur place, par des puissances se gargarisant de leur
supériorité. Soixante ans après la
Déclaration universelle des droits de l’homme, ces
puissances voient immigrer sur leur propre sol des hommes et femmes de
territoires qu’elles oppriment et colonisent à nouveau.
Elles refusent à ces immigrant·e·s les droits
qu’elles refusent à leurs pays d’origine. Au
détriment de leur propre droit, et de leurs institutions
démocratiques, elles leur refusent l’égalité
de traitement. Comment justifient-elles cette régression du
droit?

    Grâce au racisme, par lequel elles affirment
la prétendue existence d’une si grande différence
entre occidentaux et «ressortissants des pays qui n’ont pas
les idées européennes ( au sens large)»6
qu’un droit universel ne saurait s’appliquer.

    Il nous appartient de revendiquer en faveur de
tous-toutes la reconnaissance effective de tous les droits humains,
d’engager la lutte contre toutes les formes du racisme, contre
l’islamophobie.


Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme


1 The clash of civilizations, And the remaking of world order Samuel P. Huntington Simon & Schuster, London, 1997.
2 Yvan Perrin, Infrarouge, Affiches antiminarets, faut-il les interdire ? 20 0ctobre 2009
3 idem
4 Sous le titre « L’islam en France analysé
par nos amis Suisses » L’islam en France
analysé par nos amis Suisses» les identitaires
français citent les propos d’Oskar Freysinger, à
InfraRouge le 9 novembre 2008 « Interdire les minarets, la
paix religieuse en péril ».
5 Temps Présent, « Avoir 20 ans à l’extrême-droite », 18.11.09.
6 Rapport du 15 mai 1991 du Conseil fédéral sur la
politique à l’égard des étrangers et des
réfugiés.