Le Groupe Bilderberg. Au cœur de l’oligarchie capitaliste transnationale

Le Groupe Bilderberg. Au cœur de l’oligarchie capitaliste transnationale

A la veille du prochain Forum social
mondial de Davos, nous avons jugé utile d’évoquer
l’un de ces « think tanks » dont la
légitimité ne tient qu’au pouvoir économique
et à la richesse de leurs membres. Ne président-ils pas
de plus en plus aux destins du monde, en amont de procédures
démocratiques de plus en plus vidées de leurs
prérogatives politiques. Sans céder aux théories
du complot, la meilleure connaissance de ces instances, aussi selects
que discrètes, permet de mieux appréhender les
mécanismes du pouvoir transnational dans les conditions du
capitalisme mondial dérégulé
d’aujourd’hui.

Après la deuxième Guerre Mondiale, les Etats-Unis se
hissent à la première place sur la scène mondiale.
Cependant, afin de rompre définitivement avec les tentations
isolationnistes et d’éviter de nouvelles guerres entre
grandes puissances à économie libérale, il leur
faut construire un « ordre mondial », garant
de la pérennité du capitalisme. Cela exige un leadership
transnational et une Europe pacifiée sous la houlette de
Washington.

Un club très fermé

C’est ainsi que, dans le contexte de la guerre froide, le
politicien catholique d’origine polonaise, Josef Retinger, va
chercher du soutien auprès de grandes sociétés
industrielles (Dodge Motor Cie) ou bancaires (J. P. Morgan et
Rockefeller) afin de contrer la « menace
communiste » tant redoutée par les grands de ce
monde. En 1954, avec l’aide du prince Bernhard des Pays-Bas et de
David Rockefeller, ils lancent la première conférence du
Groupe Bilderberg, dans l’hôtel du même nom à
Oosterbeek en Hollande. Ce club très fermé, réuni
sur invitation, s’inspire des think tanks anglo-saxons et doit
servir de lieu de rencontre officieux et privé aux dirigeants
importants du monde économique, politique, militaire, mais aussi
syndical et académique occidental. En 1973, il joue un
rôle décisif dans le lancement de la Commission
Trilatérale qui vise à renforcer la collaboration des
« démocraties industrielles » dans le
contexte de l’affaiblissement de l’hégémonie
US.

    Le Groupe Bilderberg, ce sont ainsi quelque 120-130
personnes, parmi les plus influentes, qui se retrouvent chaque
année pour une durée d’environ quatre jours. En
2004, cette réunion s’est tenue à Stresa, dans le
nord de l’Italie, du 3 au 6 Juin, juste avant la réunion
du G8. De tels conclaves sont évidemment protégés
par plusieurs centaines de policiers, militaires et membres des
services secrets des pays d’accueil. Le groupe est composé
d’un noyau dur d’une dizaine de personnes, ainsi que de
deux sous-groupes de membres et d’invités, dont la
moitié font partie du monde des affaires. Les
participant·e·s sont là strictement à titre
privé.

Coup de projecteur

Un jeune chercheur qui signe du pseudonyme de Michael Gama a
récemment rassemblé des informations sur ce groupe, qui
viserait essentiellement à informer les Etats-Unis de
l’avancée technologique, militaire et sociale du reste du
monde. D’après lui, les invités ne savent pas
véritablement qu’ils servent les intérêts
étasuniens, mais se plaisent à faire des rencontres
utiles. Si aucune décision stratégique essentielle
n’est prise, Tony Blair admet que ses
« débats permettent d’aboutir à un
consensus, de créer la toile de fond des politiques et des
décisions qui seront prises par la suite au FMI, au G8 ou
ailleurs ». Ces orientations peuvent concerner des
questions politiques, militaires, monétaires ou sociales, et
influencer les décisions prises par le G8 ou les gouvernements
en place.

    Comme on peut s’en douter, ce club entend
rester discret. Ses réunions se tiennent à huis clos et
les médias n’y sont pas conviés ou du moins pas
ceux qui n’encensent pas « la pensée
unique ». On y retrouve des éditorialistes
triés sur le volet, comme Alexandre Adler du Figaro ou Martin H.
Wolf du Financial Times ou encore Thomas L. Friedman du New York Times.
Parmi les autres habitués, on citera James D. Wolfensohn (ancien
Président de la Banque mondiale), Paul Wolfowitz (ancien
Secrétaire adjoint à la Défense des USA), Daniel
L. Vasella (PDG de Novartis), Peter Brabeck (PDG de Nestlé),
Philippe Camus (Président d’EAD S France), Klaus Schwab
(Président du WEF), Juan Carlos d’Espagne, Valéry
Giscard d’Estaing, Bernard Kouchner, Pascal Lamy, José
Manuel Durão Barroso, Margaret Thatcher, Bill Clinton, etc.

Deux mondes

Ainsi, ce petit groupe discute entre soi de l’avenir du monde.
Son objectif à terme: une gouvernance mondiale où les
principales décisions seraient inspirées par eux. Pour
Michael Gama, c’est « une communauté qui
englobe des politiques de gauche et de droite, des industriels, des
banquiers, des dirigeants de médias qui, sous couvert de prendre
des décisions pour le bien de l’humanité, en
prennent avant tout pour leur propre
intérêt ». Ils font partie d’un
« autre monde », d’« un
petit monde » qui décide pour le reste du monde,
qu’ils considèrent comme incapable de se gouverner et de
prendre les bonnes décisions.

    Comme le reconnaît explicitement un membre du
Ministère français des affaires
étrangères : « Agir en faveur
d’un développement durable? Bien sûr, dans la mesure
où c’est nécessaire au maintien du système
sur lequel nous sommes assis. Pourvu que ce dernier continue à
se développer et que l’ont puisse continuer à tirer
nos profits sur le dos des autres. Surtout que ça dure.
L’intérêt commun, pourquoi pas, si nous sommes
certains de pouvoir en tirer des
bénéfices ! ».

Hector Kunzi


Pour plus d’informations :

 Michael Gama, Rencontres au sommet, quand les hommes de pouvoir se réunissent, l’ALTIPLANO, 2007

The Bilderberg archives. Une
revue de presse très complète des articles parus à
propos du Groupe de Bilderberg, y compris dans des
« grands » quotidiens et magazines :
http ://bilderberggroup.tripod.com