Taux de conversion: refusons la baisse des retraites!

Taux de conversion: refusons la baisse des retraites!

Parmi les attaques contre les prestations sociales, les plus
malhonnêtes du point de vue de l’argumentation sont sans
doute celles qui concernent les prestations vieillesse.
Aujourd’hui, la priorité est de se mobiliser pour gagner,
car c’est possible, la votation du 7 mars sur la diminution du
taux de conversion. Et de répondre à
l’« argumentation » gouvernementale et
de la droite politique et patronale réunie.

Pour commencer un petit rappel technique : le taux de conversion
détermine la retraite versée à partir du capital
accumulé. Un taux de 6,4 % signifie que pour un capital
(avoir vieillesse en termes techniques) de 100 000 francs
à 65 ans, on reçoit une rente annuelle de 6400 Fr. Ce
taux passant de 6,8 % à 6,4 %, cela correspond
à une diminution de 5,9 %. Ce taux est un taux minimal,
il concerne environ 500 000 salarié-e-s parmi les plus petits
salaires, mais il est souvent appliqué aux 2 millions de
salarié·e·s avec primauté des cotisations.
Par exemple, la Caisse Fédérale de Pension (tous les
fonctionnaires fédéraux) applique même un taux
inférieur, le taux minimal ne concernant que le minimum LPP,
donc pour la part sur-obligatoire, on peut même verser moins que
le taux minimum !

Maintenant les « arguments » :


1.
« L’espérance de vie augmente, pour payer
plus d’années de rente avec le même capital, il faut
payer moins chaque année. »

C’est vrai que ça a l’air logique, mais il y a 3 MAIS :

a. En 2003, la modification de la LPP faisait passer progressivement le
taux de conversion de 7,2 % à 6,8 %,
précisément avec l’argumentation de
l’augmentation de cette espérance de vie. Et le même
argument ressort en 2005 : qui est assez naïf pour croire
qu’en 2 ans la connaissance de la future espérance de vie
a été ainsi modifiée ? C’est prendre
les gens pour des imbéciles.

b. « Avec un taux de conversion minimal fixé
à 6,8 %, et compte tenu des statistiques les plus
récentes en matière d’espérance de vie, les
institutions de prévoyance doivent obtenir un rendement sur
leurs capitaux de 4,9 % en moyenne sur le long terme à
l’horizon 2015 pour garantir les rentes servies. »
Voilà ce qui est écrit sur les documents officiels. Sur
la base d’une espérance de vie de 21 ans à 65 ans
(toujours la documentation officielle), donc une moyenne de vie de 86
ans, hommes et femmes confondus, un calcul simple montre qu’en
rendement de 3,7 % est suffisant. La documentation officielle
parle de 4,9 %, ce qui signifie qu’elle accorde aux
assurances des frais qui représentent 1,2 %, alors que la
CIA (caisse du secteur public genevois) par exemple se contente de
0,14 % ! Merci pour les assurances et tant pis pour les
assuré·e·s !

c. L’espérance de vie à 65 ans augmente de
0,5 % par an, la somme des richesses produites en Suisse en
moyenne de 4,5 % par an entre 1985 et 2004 ! Et il
n’y aurait pas moyen de faire autre chose que de diminuer les
retraites ?

2. «Le rendement n’est plus ce qu’il était.»

Les autorités doivent presque remercier la crise
boursière de 2008 qui semblait rendre crédible leur
argument. Il devient moins crédible si l’on regarde 2009:
prenons le CAC 40, indice boursier des 40 plus grandes entreprises
françaises : + 22 % en une année, qui est,
comparaison difficilement soutenable, le même chiffre que celui
de l’augmentation du chômage la même année en
France. Ces « spécialistes » qui
n’avaient pas vu venir une année en avance le crash de
2008 ont une belle confiance dans leur prédiction pour les 40 ou
50 années qui viennent, évidemment à la baisse
pour les futures retraites des salarié·e·s. Est-ce
sérieux ?

3. « Adaptation du taux
de conversion minimal : le niveau visé des prestations
n’est pas compromis »

Qu’est-ce qui a changé depuis que Couchepin
reconnaissait le contraire ? Sans doute le niveau
d’honnêteté. En effet, la Constitution
fédérale édicte : « la
prévoyance professionnelle conjuguée avec
l’assurance-vieillesse, sur-vivants et invalidité permet
à l’assuré de maintenir de manière
appropriée son niveau de vie antérieur ». A
la place d’un objectif chiffré, il y a « de
manière appropriée ». Tant qu’il
n’y a pas de critère pour évaluer cette
« manière appropriée », il est
impossible de ne pas respecter la Constitution, le tour est
joué ! Il y avait des critères qui faisaient
consensus : 40 % du dernier salaire pour le 2e pilier,
60 % avec l’AVS. Comme ces données ne sont plus
atteintes avec la diminution projetée du taux de conversion,
(34 % au lieu de 40 %, 57 % au lieu de
60 %), eh bien elles ne font plus consensus!

    Mais le pire n’est pas là : il
faut rappeler qu’il n’y a aucune obligation d’indexer
ces retraites. Si l’on reçoit 57 % à 65 ans,
il n’e reste plus que 42,3 % à 85 ans, si
l’augmentation du coût de la vie est de 1,5 % chaque
année. On perd ainsi un tiers du pouvoir d’achat. Est-ce
la définition de la « manière
appropriée » ?
    Enfin il faut souligner que la bataille sur ce
référendum est défensive mais en même temps
essentielle, car une victoire sur le taux de conversion serait le
premier arrêt populaire bloquant les diminutions constantes du
deuxième pilier. Et ça donnerait un espace pour lancer le
débat sur la véritable solution pour la prévoyance
vieillesse en Suisse, la fusion du deuxième pilier et de
l’AVS. 7

Michel Ducommun