Rosarno: la révolte des esclaves

Rosarno: la révolte des esclaves



Jeudi 7 janvier 2010, à Rosarno
en Calabre, plusieurs centaines de travailleurs immigrés,
originaires d’Afrique, ont manifesté leur colère en
occupant la rue, suite à nombreuses agressions dont ils ont
été victimes.


S’en est suivi une
véritable « chasse aux Noirs »
menée par des habitants de Rosarno, pour se venger.

En 36 heures, 67 personnes blessées, dont deux immigrés
grièvement blessés à coups de barres de fer et
deux immigrés blessés par balles, touchés aux
jambes par des tirs de fusils de chasse. Des bidons d’essence
étaient prêts à être utilisés pour
« débusquer » ceux qui se cachaient.

    Ces violences racistes sont étroitement
liées aux conditions d’exploitation de ces saisonniers
migrants. Tous les ans, en Italie du Sud, ces travailleurs, tous
clandestins, sont occupés à la récolte des oranges
et des clémentines. Une main d’œuvre très bon
marché et corvéable à merci.

    Son recrutement se fait de manière
informelle, sous l’égide des mafias locales, avec la
complicité des autorités. Une véritable traite
d’êtres humains. Ces immigrés d’Afrique ou
provenant d’Europe de l’Est sont pratiquement
emprisonnés, sous la surveillance de véritables
« capos ». Les passeports sont
confisqués et ils sont entassés dans des taudis, sans
électricité ni sanitaires.

    Ils travaillent 14 heures par jour et sont
rémunérés, quant ils le sont, 20 à 30 euros
la journée. Ils doivent payer l’eau qu’ils utilisent
pour se désaltérer ! « Les lieux
où ils vivent sont comme les cercles de l’Enfer de
Dante », a indiqué Don Carmelo Ascone, le
curé de Rosarno. L’antenne italienne de Médecins
sans Frontières a souvent dénoncé cette situation
ainsi que les brimades et violences commises à l’encontre
de ces immigrés.

    Au Sud de l’Italie, comme du reste en
Andalousie, une « armée » de
sans-papiers est ainsi amenée sur des terres agricoles, une
armée d’immigrés qui ne doivent pas
séjourner à l’année, pour ne pas devenir,
selon la formule de ceux qui les exploitent, des « bras
cassés », c’est-à-dire des
bénéficiaires possible d’aides sociales, sans
grande ardeur à travailler dans de telles conditions…

    Dans la logique de la politique ouvertement raciste
du gouvernement Berlusconi, Roberto Maroni, ministre de
l’Intérieur (Ligue du Nord) a déclaré que
« ces violences sont le signe d’une trop grande
tolérance avec les clandestins ».

    « Si nous ne partons pas, nous
mourrons », a, pour sa part, déclaré
Francis, un Ghanéen de 25 ans, qui, comme des milliers
d’autres migrants noirs étaient venus récolter des
agrumes en Calabre. Il a décidé de fuir, même sans
avoir été payé, après les violences des
derniers jours à Rosarno. Cette flambée de violence
arrive à point nommé pour les réseaux
mafieux !

    Une situation fait penser à celle des paysans
à la fin du 15e siècle en Angleterre, chassés de
leur terre et contraints à la tyrannie du salariat ou aux
galères. Elle est décrite magistralement par un certain
Karl Marx, dans la section 8 du livre I du Capital, qui relève
notamment que la législation de l’époque les
« traita en criminels volontaires ».

Jean-Michel Dolivo