Conditions salariales dans l’agriculture : un front de lutte syndical indispensable !

Conditions salariales dans l’agriculture : un front de lutte syndical indispensable !

L’agriculture suisse demande de
la main d’œuvre étrangère! De plus en plus
saisonnière avec la rationalisation et l’industrialisation
de la production, une production qui est de plus en plus soumise
à la globalisation des échanges.

Les chiffres sont parlants: alors que la main-d’œuvre
familiale et non familiale suisse a diminué de 33 % en 17
ans (1990 à 2007, chiffres de l’OFS), la
main-d’œuvre étrangère (13 000 en
2007), elle, n’a diminué que de 8 %. Il y a eu par
contre un fort report, dans le cadre de la main-d’œuvre
étrangère, des engagements à plein temps vers les
engagements à temps partiel. Une forte augmentation des femmes
étrangères (au détriment des emplois masculins)
engagées dans l’agriculture se constate (+ 153 %).
Ceci pour les chiffres officiels, les personnes sans
statut-légal, dont nous estimons le nombre entre 5 à 8000
personnes, n’étant – par définition –
pas officiellement comptabilisées.

    Pourquoi donc cette réduction de la
main-d’œuvre familiales et extrafamiliale suisse, (encore
160 022 personnes en 2007 pour 239 383 en 1990) ?
Ne trouve-t-elle pas les conditions pour survivre
économiquement? Les disparitions des fermes (5 à 6 par
jour) et les difficultés de recrutement de personnel agricole
tendent vers cette réponse.

    Les conditions de travail (salaires, heures de
travail, protection légale) des salarié·e·s
agricoles ne se sont pas vraiment améliorées les
dernières années. Elles stagnent nettement en dessous des
autres branches économiques et sont peu attractives pour la
population suisse. Comme dans d’autres pays européens, la
main-d’œuvre étrangère permet de
« délocaliser sur place » comme
l’indique le sociologue Emmanuel Terray. Les facilités de
transport rendent possible de faire venir de la
main-d’œuvre pour des périodes plus courtes et pour
travailler à flux tendu (travail saisonnier). La pression
migratoire (Sud-Nord et Est-Ouest) se fait également
ressentir : celui ou celle qui n’obtient pas de permis de
travail trouvera toujours une petite place dans une exploitation
agricole, ceci évidemment avec une péjoration de ses
conditions de travail à la clé !

Des comparaisons instructives

Une brève comparaison des conditions de travail dans le
bâtiment avec celle de l’agriculture en Suisse, une branche
également très physique, exposée à de
nombreux accidents, aux aléas météorologiques et
très fortement tributaire de la main-d’œuvre
étrangère, montre ce qui suit pour 2009 :

  • Salaire minimum brut pour une personne sans-qualification
    bâtiment dès 4450 fr., agriculture dès 2905 fr.
    (salaire minimum indicatif dans la majorité des cantons, pouvant
    également être plus bas)
  • 13e salaire dans le bâtiment pas dans l’agriculture
  • Heures de travail: 40,5 h. hebdomadaires (bâtiment) pour 48 à 66 heures dans l’agriculture selon les cantons
  • Indemnités de déplacements et de repas dans le bâtiment, rien de tel dans l’agriculture
  • Vacances: 5 à 6 semaines (bâtiment) contre 4
    à 5 semaines (selon l’âge et les cantons dans
    l’agriculture)
  • Jours fériés payés dans le bâtiment, dans l’agriculture payés selon les cantons
  • Retraite dès 60 ans dans le bâtiment, dès 65 ans dans l’agriculture
  • Deuxième pilier (LPP) dès 18 ans sur salaire AVS
    avec taux unique (bâtiment), dès 25 ans sur salaire
    coordonné et taux progressif (agriculture)
  • Protections et dispositions légales bâtiment =
    convention collective nationale avec force obligatoire et Loi sur le
    Travail (LTr), agriculture = 26 contrats-types cantonaux
    non-contraignants et pas de soumission du travail agricole à la
    Loi sur le Travail LTr

    En gros, on peut dire que les conditions de travail
des employé·e·s du bâtiment sont deux fois
meilleures !

    Par ailleurs, en ce qui concerne le paysage des
salaires en Suisse l’Office fédéral de la
statistique (OFS) indique qu’en 2008, le salaire brut
médian du pays s’est élevé à 5823
francs par mois. Les 10% des salarié·e·s les moins
bien rémunérés ont tous gagné mensuellement
moins de 3848 francs alors que les 10 % les mieux payés
ont tous reçu des salaires supérieurs à
10 538 Fr. Les travailleurs-euses agricoles se retrouvent
« naturellement » dans la tranche la moins
bien lotie.

    Une conclusion s’impose : le travail
agricole doit être revalorisé et rendu plus
attractif ! Dans ce sens, les prix à la production
doivent impérativement permettre un revenu correspondant au
« niveau de vie » suisse. Mais une simple
revalorisation des prix à la production n’entrainera pas
automatiquement une amélioration des conditions de travail des
salarié·e·s agricoles ! Il est
nécessaire que le monde paysan reconnaisse à sa
main-d’œuvre le rôle indispensable qu’elle joue
dans la production agricole tout en améliorant volontairement
les conditions de travail, ceci se fera uniquement par une politique de
contrat type ou convention collective nationale en concertation avec
les représentant·e·s des travailleuses et
travailleurs agricoles. Le monde paysan ne peut pas non plus continuer
à se bercer dans l’illusion d’une
main-d’œuvre étrangère, qu’elle soit
légale ou « illégale », qui
vient de plus en plus loin et qui se laisse délocaliser
facilement. La régularisation des personnes
« sans-papiers » dans l’agriculture
doit donc aussi faire partie des revendications paysannes !

Philippe Sauvin

l’autre syndicat


Un 13e salaire pour les travailleurs agricoles !

Le 15 décembre dernier, une pétition avec 2455 signatures
a été remise par l’autre syndicat au Grand Conseil
vaudois. Elle a circulé dès fin août 2009 parmi les
travailleuses-eurs concernés. Les signatures ont
été récoltées dans les champs, sur les
marchés, dans la rue et lors de manifestations.

    Rédigée en 5 langues :
français, espagnol, portugais, albanais et polonais, langues
principalement parlées dans les campagnes, elle a la teneur
suivante:

Afin d’améliorer le quotidien des travailleuses et
travailleurs agricole et de reconnaitre, enfin, la fonction essentielle
qu’elles et ils occupent pour notre alimentation, nous demandons
au Grand Conseil vaudois d’instaurer un 13e salaire obligatoire
pour les travailleuses et travailleurs agricoles dans le Contrat Type
de Travail pour l’agriculture du canton de Vaud.

    Nous publions ci-dessous l’argumentaire à l’appui de cette revendication :

Une situation aberrante…
Alors que l’agriculture suisse se distingue par la grande
qualité de sa production, et que tout le monde reconnaît
son caractère vital, les travailleurs agricoles de Suisse font
partie des travailleurs les moins bien lotis. En effet, souvent
contraintes de vendre leurs produits en-dessous des coûts de
productions, les familles paysannes sont de plus en plus nombreuses
à devoir mettre la clé sous la porte. Quant aux
employés, étrangers pour la plupart, ils travaillent dans
des conditions proprement indécentes : effectuant des
tâches pénibles  et harassantes, et ce, par tous les
temps, avec des horaires de travail dépassant souvent 50 heures
par semaine. En 2009 ils ne sont toujours pas soumis à la Loi
sur le Travail.

La qualité à son prix. Le travail aussi.
Dans l’intérêt des producteurs, des travailleurs
agricoles et des consommateurs, il est donc plus que temps de
réformer ce système, en exigeant le principe d’un
commerce équitable. Cela signifie accepter de payer un peu plus
cher pour cette production de qualité, mais en exigeant que ces
hausses soient reversées aux paysans, et non plus aux
intermédiaires. Cela signifie modifier la loi pour que le
travail des ouvriers agricoles soit enfin reconnu et leur permette
d’avoir des conditions de vie décentes (semaine de 45
heures, salaire minimum de 3500 francs, 13e salaire, soumission
à la loi sur le travail, etc.) afin d’améliorer
leur quotidien tout en préservant une agriculture saine et de
qualité, en quantité suffisante pour satisfaire nos
besoins alimentaires.