Climat et Justice sociale: Genève au cœur du problème !

Climat et Justice sociale: Genève au cœur du problème !

La coordination « Climat
et Justice Sociale » appelait à se mobiliser samedi
12 décembre dans les rues de Genève. Confrontés
à un droit de manifester amputé et à une
manifestation réduite à un parcours de quelques centaines
de mètres, par des autorités qui lui ont refusé le
passage dans les rues commerçantes du Centre-Ville, les
organisateurs ont terminé la manif devant
l’Horloge-fleurie, promue pour l’occasion comme symbole de
l’urgence d’apporter de vraies réponses à la
crise climatique. Ils y ont marqué ce passage en peignant devant
celle-ci un grand slogan : « Climate Justice
NOW ! » Les manifestant·e·s ont
ensuite poursuivi l’action du jour dans les rues de la Ville en
allant apposer sur ses murs des centaines d’affiches sur le
thème de l’urgence climatique et sociale. Ci-dessous la
prise de parole en fin de manif par Gilles Godinat pour
solidaritéS.

Nous savons aujourd’hui que les causes du réchauffement
climatique sont essentiellement liées à un système
de production basé sur l’énergie fossile (charbon,
pétrole et gaz), à la déforestation liée au
développement de l’agrobusiness et à un
productivisme en expansion.

    Pour défendre leurs intérêts,
tous ces lobbies industriels, commerciaux et financiers responsables de
ces choix sont aujourd’hui aussi très présents
à Copenhague. Regroupés dans plus de trente organisations
faîtières comme le Copenhague Climate Council, la Chambre
internationale de commerce, le World Economic Forum,
l’International Emissions Trading Association, la Carbon Markets
and Investors Association, la World Nuclear Association, la World Steel
Association, l’European Chemical Industry Council, et j’en
passe… Ces groupes, dominés par les multinationales de chaque
secteur, cherchent à orienter l’accord
négocié à Copenhague vers leurs solutions pour
laisser le champ libre à leurs activités : ils
veulent développer le marché et la finance du carbone
(permis de polluer), développer les agrocarburants et le
nucléaire.

    Ces groupes sont pour une grande part
présents en Suisse, pour des raisons fiscales, comme à
Zoug, mais aussi ici à Genève, capitale mondiale du
trading des matières premières. Ici, ces
sociétés de négoce achètent la
matière première aux producteurs, et la revendent aux
importateurs ou utilisateurs, en s’assurant du transport et de la
livraison avec la SGS et Cotectna, également installés
dans cette ville.

    Genève est la première place de
négoce du pétrole au monde, devant Londres et Singapour,
à hauteur de 700 millions de tonnes de pétrole par an
(dont 75 % du pétrole russe) sur les 2 milliards de
tonnes consommés par année à
l’échelle mondiale. Cette ville est aussi la
première place du monde pour le commerce des
céréales, des oléagineux et des produits
apparentés, ainsi que pour le sucre dont un tiers de la
production mondiale se négocie à Genève. On
comprend facilement que ce réseau est aussi actif dans le
bioéthanol.

    Le transport maritime battant pavillon suisse avec
les compagnies de shipping assure ici 22 % du marché
mondial. 10 % des exportations mondiales d’acier se
négocient aussi dans cette ville. Enfin, pour les métaux,
Genève est aussi en tête devant Londres et Amsterdam. Ici,
les banques actives sur ce créneau cumulent mille milliards de
francs suisses de financements, et les 350 sociétés de
négoce à Genève génèrent un chiffre
d’affaire de 500 milliards par an.

    Voici quelques exemples de ces principales
officines. Pour le pétrole : Vitol SA et Geogas Trading,
au Bd du Pont d’Arve, Litasco, anciennement Lukoil, à la
rue du Conseil-Général, Addax Petrol Trading, à la
rue Michel-Servet, Trafigura (exportation illicite de pétrole
irakien dans le deal « pétrole contre
nourriture »), rue Pierre-­Fatio, Maurel et Prom aux
Acacias, Sempra Oil trading à la rue du Cendrier, Mercuria et
Jaeggi à la rue du Rhône, Petrolin SA au quai du Mt-Blanc,
Totsa Oil (Total) à l’Aéroport, Gunvor
(Timtschenko, milliardaire proche de Poutine) au quai
Général Guisan… Pour les
céréales : Bunge, Cargill à Florissant,
Louis Dreyfus Commodities à l’Aéroport… Pour
les bateaux : MSC Méditerannean Shipping à la rue
Eugène-Pittard, Riverlake Shipping, rue du Mt-Blanc, Transocean
à l’Aéroport…

    Depuis 2006, ces grandes sociétés de
trading groupées dans la Geneva Trading and Shipping Association
(GTSA), ont développé un « partenariat de
formation » avec l’Université de
Genève. Enfin, toutes ces sociétés
s’appuient sur le réseau financier et bancaire genevois, y
compris la Banque Cantonale (BCG), sur les assurances et sur les
cabinets d’avocats spécialisés.

    Cette réalité donne la mesure de ce
qu’il faut entreprendre pour refuser la logique de profit de ces
entreprises, de leurs activités spéculatives qui font la
pluie et le beau temps sur les marchés, et qui veulent orienter
en leur faveur les choix débattus ces jours à Copenhague.

    Sans changements à ce niveau, les
multinationales poursuivront cette logique du profit à court
terme, logique qui nous conduit à coup sûr à la
catastrophe. C’est précisément ce que nous voulons
dire quand nous disons que pour sauver le climat, il faut sortir du
capitalisme !

Gilles Godinat