Tempête sur l’assurance chômage

Tempête sur l’assurance chômage

Les conseillers fédéraux et les parlementaires bourgeois
n’ont décidément pas froid aux yeux. Alors que la
crise économique entraîne une augmentation brutale du
chômage –  quelque 200 travailleuses et travailleurs
dans le pays sont mis sur le carreau chaque jour – ils
s’attaquent frontalement à une assurance indispensable aux
salarié·e·s. Le nombre de
chômeurs·euses a atteint 163 000 personnes en
novembre selon les statistiques officielles. Ces dernières
n’incluent ni les quelque 300 000 travailleurs en
situation de sous-emploi dans le pays, ni les
chômeur·euses ayant épuisé leur droit aux
indemnités et qui se retrouvent à l’aide sociale,
ni les travailleurs frappés par l’explosion du
chômage partiel (53 000 salarié·e·s
étaient affectés par des mesures de chômage partiel
en septembre de cette année).

    Dans ce contexte, le projet de révision de la
loi sur l’assurance chômage (LACI) constitue une agression
brutale contre les secteurs les plus fragilisés du monde du
travail. L’objectif recherché est d’augmenter la
pression sur les chômeurs·euses pour
qu’ils·elles deviennent plus malléables et soient
obligés d’accepter des salaires plus bas et des conditions
de travail détériorées, et cela sans rechigner.
Les salarié·e·s en Suisse doivent
déjà fournir une intensité au travail parmi les
plus élevées qui soient. Mais le patronat est bien
décidé, afin d’accroître encore ses marges
concurrentielles et bénéficiaires, à abaisser le
niveau salarial général. 

    Les jeunes, en première ligne, seront
touchés de plusieurs manières par cette révision.
La notion de « travail convenable »
étant vidée de sa substance pour les moins de 30 ans, les
jeunes chômeurs·euses seront obligés
d’accepter n’importe quel emploi, quand bien même
celui-ci n’aurait rien à voir avec leur formation ou leur
expérience professionnelle. Par ailleurs, alors que le nombre de
jeunes chômeurs de longue durée a augmenté de
150 % en un an, les jeunes subiront une diminution drastique de
leur droit aux indemnités chômage : pour les moins
de 25 ans, les indemnités journalières seront
réduites de 400 à 130 et de 400 à 260 pour les
25-29 ans. Quant aux étudiants, coupables de ne pas avoir
cotisé pendant leurs études, ils verront leur droit aux
indemnités réduit à 90 jours ! Enfin, la
division par trois du nombre d’indemnités
journalières pour les personnes libérées de
l’obligation de cotiser aura des conséquences dramatiques
pour les jeunes femmes cherchant un travail après une
maternité.

Les femmes justement, sont particulièrement visées par
cette révision régressive, et ce dans la droite ligne de
l’idéologie dominante patriarcale qui méprise le
travail domestique et éducationnel : alors que
très souvent les femmes sont obligées d’interrompre
leur trajectoire professionnelle pour se consacrer à
l’éducation d’enfants, elles verront leur droit aux
indemnités réduit de 240 à 90 jours lors
d’une interruption de travail due à une maternité.
Sans parler des tracasseries incessantes déjà subies par
les chômeuses qui ont des enfants en bas âge de la part des
Offices de placement : on leur demande de prouver qu’elles
ont une solution de garde pour les enfants, on teste brusquement leur
disponibilité en leur proposant une mesure d’occupation
qu’elles sont tenues d’accepter sous peine de se faire
exclure de l’assurance, toutes choses qu’on ne demande bien
sûr jamais aux pères ! De manière plus
générale, cette révision de la LACI
pénalisera fortement les personnes avec des statuts
précaires et dont le taux de travail est faible,
catégorie où les femmes sont
surreprésentées : 294 000 travailleuses et
travailleurs dans ce pays travaillent à temps partiel et
voudraient augmenter leur temps de travail. Parmi ces personnes,
80 % de femmes.

    Quant aux cantons particulièrement
touchés par le chômage (par exemple Neuchâtel, Vaud,
Jura ou Genève) et où par conséquent le
chômage de longue durée, touchant notamment les plus de 55
ans, est important, ils ne pourront plus demander de prolongation du
droit aux indemnités…

    Pour justifier ces attaques scandaleuses contre les
droits des salarié·e·s, le gouvernement invoque la
nécessité de réduire les déficits de
l’assurance chômage. Un gouvernement qui se prétend
soucieux de la dette des collectivités publiques et des
assurances sociales mais qui, dans le même temps, annonce son
intention de supprimer le droit de timbre, un impôt sur les
transactions financières des actionnaires qui rapportent quelque
3 milliards de francs par an à l’Etat. Voilà qui
est bien peu crédible ! Le gouvernement serait ainsi
prêt à offrir 3 milliards par an aux actionnaires et ne
trouverait pas l’argent nécessaire pour renflouer les 5
milliards de dette de l’assurance chômage ? En
réalité, une modeste hausse des cotisations patronales
suffirait à en finir avec les déficits annuels de
l’assurance chômage, mais c’est la solution
qu’un Conseil fédéral au service des employeurs ne
proposera jamais.

    En 1997, un référendum lancé
par l’Association de défense des chômeurs de La
Chaux-de-Fonds contre le démantèlement de
l’assurance chômage avait gagné en votation :
il s’agit aujourd’hui pour la gauche syndicale et politique
de s’inspirer de ce combat exemplaire et de gagner à
nouveau.

    Une victoire référendaire ne suffira
cependant pas à stopper les attaques
généralisées contre l’ensemble des
assurances sociales, orchestrées par les employeurs, leurs
associations, et relayées par le Conseil fédéral
et la majorité des Chambres. C’est une
démonstration de force et d’unité du monde du
travail, dans la rue et dans les entreprises, qui est
nécessaire ! La manifestation syndicale massive du
19 septembre dernier qui avait vu défiler plus de
30 000 travailleurs·euses dans les rues de Berne
était un premier pas réussi en ce sens. Il est grand
temps d’envisager une suite, par exemple sous la forme
d’une journée nationale d’actions et de grève
au printemps 2010.

Hadrien Buclin