Mouvement étudiant: Genève et Lausanne entrent dans la danse

Mouvement étudiant: Genève et Lausanne entrent dans la danse

Le point sur la mobilisation à Genève, avec Giulia, une étudiante engagée dans le mouvement.

Comment la mobilisation genevoise s’est-elle formée ?

Un collectif autonome s’est spontanément réuni,
suite à l’appel international de la coordination
internationale « Education is not for sale ».
Il n’est pas organisé par des associations
pré-existantes. Plusieurs réunions se sont tenues,
fréquentées par des dizaines
d’étudiant·e·s, qui ont décidé
de rédiger un manifeste de revendications et de mener des
actions collectives. Les assemblées sont démocratiques,
il n’y a pas de leader dans le mouvement, l’animation est
horizontale et il n’y a pas de
représentant·e·s publics. On fonctionne aussi avec
des groupes de travail thématiques, tels que
« Revendications »,
« Organisation, logistique ».

    Le 17 novembre, une manifestation de centaines
d’étudiant·e·s, faisant le tour des
bâtiments universitaires, a abouti devant
l’Hôtel-de-Ville pour faire entendre le manifeste
rédigé par les étudiant·e·s et qui
résume nos revendications.

Quelles sont les revendications principales du mouvement ?

D’une façon générale, les
étudiant·e·s, mobilisés aux quatre coins de
la planète se battent contre la marchandisation des
études et pour une démocratisation de ces
dernières. Nous nous inscrivons évidemment dans ce
cadre-là, nous avons aussi des demandes propres à la
situation genevoise, notamment à cause de la nouvelle loi sur
l’Uni. A cet égard, nous exigeons la gratuité des
études (pour l’instant les taxes universitaires sont de
1000 francs par année, mais ce montant va certainement
être revu à la hausse, comme l’autorise la nouvelle
loi) ; nous voulons des instances de décision
paritaires : une voix professorale pour une voix
étudiante (actuellement, la disproportion en faveur des
professeur·e·s est criante, alors que ce corps est
très minoritaire); nous souhaitons que les filières
« non rentables » ne soient ni
supprimées, ni menacées. Il ne faut pas oublier un volet
malsain de cette politique qui encourage le financement privé,
ce dernier provoquant, d’une part, une concurrence entre
universités pour obtenir des fonds et, d’autre part, une
menace sur la liberté de la recherche académique.

Qu’en est-il de la sélection par l’argent qui entérine un élitisme social ?

Voici une autre de nos protestations majeures : le fait que les
bourses d’étude soient de plus en plus souvent
remplacées par des prêts antisociaux. En effet, les
prêts exercent une pression inadmissible sur les
étudiant·e·s, qui rentreront, endettés, sur
le marché du travail. Déjà qu’il est
très dur pour des personnes d’origine modeste
d’accéder aux études supérieures, cette
obligation de remboursement les force à quitter l’Uni,
après le bachelor, sans avoir le choix de faire un master, faute
de moyens. Il ne faut pas oublier qu’une majorité
d’étudiant·e·s travaillent
parallèlement à leurs études, ce qui est rendu de
plus en plus intenable par la densification des programmes,
conséquence néfaste de la chasse aux
« unités de crédits »
(équivalents à un temps d’étude
donné). Finalement, la scolarisation du cursus, avec le spectre
de l’obligation de présence aux cours, renforce les
inégalités entre celles et ceux qui ont le luxe de leur
temps et la grande majorité des
étudiant·e·s.

Comment envisages-tu la suite du mouvement ?

D’abord, nous continuerons à notre échelle ce
mouvement mondial, même si nous connaissons des revers
(évacuation de l’amphi occupé, organisation
d’étudiant·e·s réacs, essoufflement
des forces). Une ébauche de dialogue avec le Rectorat se fait
sentir, même si nous ne sommes pas dupes face aux réelles
intentions de celui-ci et aux réponses qu’il apporte
à nos requêtes. Ces autorités se sont battues pour
la loi actuelle sur l’Uni, il n’y a donc pas grand doute
quant à la politique qu’elles entendent mener. Nous allons
garder des liens avec des protestataires d’autres
universités. Pour terminer, nous n’oublions pas que
Genève abrite l’Organisation mondiale du commerce (OMC),
qui prône le démantèlement des acquis sociaux et la
privatisation du bien commun.

Propos de Giulia recueillispar la rédaction


Une semaine de lutte réussie à Lausanne

Malgré un départ un peu lent, la mobilisation est
lancée à l’université de Lausanne le lundi
23 novembre. Dès mercredi, après deux jours seulement
d’information intensive auprès des étudiants, plus
de 250 personnes sont présentes lors de la première
assemblée générale. L’occupation du plus
grand auditoire de l’UNIL est décidée par
acclamation. L’auto-organisation est le maître mot de cette
mobilisation : des groupes de travail planchent sur
l’élaboration de revendications approfondies
(démocratisation des études, examen
détaillé des effets pervers de la
« marchandisation », inégalités
de genre dans l’accès aux études
supérieures), tandis que d’autres groupes mettent sur
pieds des débats animés par des intervenants
extérieurs (l’historien Hans Ulrich Jost, le directeur du
« Monde Diplomatique » Serge Halimi, des
représentant·e·s des étudiant·es et
des assistant·e·s, etc.) ; d’autres encore
assurent l’animation culturelle du soir et le ravitaillement des
étudiant·e·s engagés dans le mouvement.

    Une assemblée générale se tient
chaque jour, toujours bien suivie, une pétition est
lancée à l’adresse du rectorat et du Conseil
d’Etat, et une manifestation devrait avoir lieu devant le
Département de la formation. Un message de soutien de Jean
Ziegler et une pétition de chercheurs et chercheuses suisses
appelant à se solidariser avec les
étudiant·e·s sont diffusés massivement dans
l’université et démontrent que le mouvement
bénéficie de soutiens larges.

    Malgré la position minoritaire du mouvement,
la lutte semble partie pour durer. Des victoires face à la
Direction de l’université et au Conseil d’Etat
semblent possibles (suppression des listes de présence, des
contrôles continus, baisses des taxes d’inscription), en
dépit des intimidations de la Direction et des quelques
étudiants réactionnaires cherchant à perturber le
déroulement des assemblées en faisant du tapage.

correspondant·e·s à l’Unil