De Copenhague à Mexico : droit dans le mur !

De Copenhague à Mexico : droit dans le mur !



Dans un long article que nous invitons
nos lecteurs et lectrices à lire
(www.europe-solidaire.org/spip.php?article15608), Daniel Tanuro
présente les principaux aspects de la situation en
matière de lutte contre le réchauffement climatique. Nous
publions ci-dessous le volet concernant l’insuffisance des
mesures envisagées officiellement.

Alors que l’urgence est maximale, le sommet des Nations Unies sur
le climat, à Copenhague en décembre prochain, ne
débouchera pas sur un traité international contraignant.
Au mieux, les gouvernements s’accorderont sur une
déclaration politique. Une de plus… Les
négociations pourraient se conclure à Mexico, fin 2010.
Sur base des positions en présence, elles ne peuvent
qu’accoucher d’un texte écologiquement insuffisant,
socialement inacceptable et technologiquement dangereux. Il convient
donc de sonner le tocsin.[…]

Fumisterie

Médias et responsables politiques continuent de dire que les
négociations ont pour but de rester au-dessous des 2°C.
C’est de la fumisterie. En réalité, les rapports du
GIEC ne prévoient déjà plus cette
possibilité. Dans le meilleur des cas, la température ne
monterait « que » de 2 à 2,4°C et
le niveau des mers de 40 cm à 1,4 m. Nous sommes
donc déjà dans la zone dangereuse. Pour ne pas s’y
enfoncer davantage, que faudrait-il faire ?

1º) Les pays développés devraient réduire
leurs émissions de 80 à 95 % d’ici 2050 (par
rapport à 1990) en passant par une étape de 25 à
40 % d’ici 2020;

2º) les pays en développement devraient prendre des mesures
pour que leurs émissions, dès 2020 (2050 pour
l’Afrique), soient inférieures de 15 à 30 %
aux projections;

3º) les émissions mondiales devraient baisser de 50
à 85 % d’ici 2050 (par rapport à 2000) et
devenir nulles, voire négatives, avant la fin du siècle;

4°) cette diminution au niveau mondial devrait débuter au
plus tard en 2015. Ces chiffres sont à considérer comme
des minima, car ils sont établis à partir de
modèles qui tiennent insuffisamment compte de
l’inquiétante désintégration des calottes
glaciaires, entre autres. Selon le climatologue en chef de la NASA,
James Hansen, en tenant compte de cette désintégration,
la hausse des océans correspondant à la concentration
actuelle en gaz à effet de serre pourrait être de
« plusieurs mètres » en quelques
décennies. Conclusion : au nom du principe de
précaution, les objectifs de stabilisation du climat devraient
être les suivants : au moins 95 % de
réduction des émissions des pays développés
d’ici 2050 (par rapport à 1990), au moins 40 %
d’ici 2020, au moins 85 % de réduction au niveau
mondial d’ici 2050 (par rapport à 2000).

Ecologiquement insuffisant

Le « paquet énergie-climat » de
l’Union européenne prévoit d’ici 2020 de
réduire les émissions de 20%, soit moins que le chiffre
le plus bas du GIEC. En outre, plus de la moitié de
l’objectif pourra être réalisé en recourant
à l’achat de crédits de carbone, ces
« droits de polluer »
générés par des investissements
« propres » dans les pays en
développement. Le principe : quand un investissement au
Sud permet de diminuer les émissions par rapport aux projections
(hypothétiques), des droits de polluer peuvent être mis
sur le marché au prorata de la quantité de gaz non
émis (un droit = une tonne). Ces « crédits
de carbone » peuvent remplacer les réductions
d’émission dans les pays développés. Les
multinationales sont très friandes de ce système qui leur
permet de maquiller leurs investissements au Sud en contributions
à la protection du climat, de faire des profits en vendant des
crédits et d’éviter les investissements
technologiques plus coûteux qui seraient nécessaires pour
réduire leurs émissions au Nord.

    Plus les gouvernements se rendent compte du fait que
le réchauffement est une affaire sérieuse, plus ils
cherchent des astuces pour produire des crédits moins chers.
C’est ainsi que le sommet de Bali a décidé que non
seulement les plantations d’arbres, mais aussi la protection des
forêts existantes serait génératrice de
crédits (les arbres en croissance absorbent le CO2 de
l’air). Cela permet de mettre sur le marché des
crédits dont le prix de revient tourne autour de 2 à
3 €/tonne, revendus sur le marché mondial au-dessus
de 10 €/tonne. En fait, plus de 50 % des
crédits ne correspondent à aucune diminution
réelle et structurelle des émissions.[…] Selon des
chercheurs de l’université de Stanford,
jusqu’à 60 % des crédits sont bidon. Si les
entreprises et les gouvernements de l’UE utilisent à fond
la possibilité qui leur est offerte de remplacer les
réductions d’émission par ces achats de
crédits, un simple calcul indique que la réduction
effective d’émission sera de 15% à peine en huit
ans (de 2012 à 2020). En base annuelle, c’est moins que ce
qui était prévu par Kyoto (8% entre 2008 et 2012).

    Le topo est identique aux Etats-Unis. Le projet de
loi sur le climat adopté par la Chambre en juin prévoit
une réduction de 80 % d’ici 2050 (les USA, vu leurs
responsabilités, devraient faire au moins 95 %).
L’année de référence est 2005, tandis que
les 80 à 95 % du GIEC sont calculés par rapport
à 1990. Or, les rejets de CO2 des USA sont passés de 5,8
à 7 milliards de tonnes entre ces deux dates. D’ici 2020,
le projet de loi prévoit 17% de réduction par rapport au
présent. Cet objectif n’est pas seulement au-dessous des
25 à 40% par rapport à 1990 avancés par le GIEC,
mais aussi inférieur à ce que les USA auraient dû
réaliser avant 2012, s’ils avaient ratifié Kyoto.
Quant aux crédits d’émission, Washington fait
encore plus fort que Bruxelles : ils pourront provenir non
seulement d’investissements propres au Sud mais aussi de la
création de « puits de carbone » aux
USA même (par la plantation d’arbres, l’enterrement
de charbon de bois et diverses pratiques agricoles censées
accroître le stockage du carbone dans les sols). Si
l’industrie utilisait intégralement la manne des
crédits, elle pourrait se dispenser de réduire ses
propres émissions jusqu’en 2026…

Daniel Tanuro