Notre Uni n’est pas à vendre

Notre Uni n’est pas à vendre

Depuis jeudi matin des dizaines d’étudiants et
d’étudiantes occupent l’Université de
Bâle. Ils sont rassemblés dans l’aula et entendent
protester contre l’application des accords de Bologne dans leur
établissement. Ils dénoncent des études de plus en
plus scolarisées, au point que des listes de présence
sont même introduites pour vérifier la participation aux
cours… C’est un comble! Ils mettent en question le Conseil
de l’Université, organe qui réunit les
décideurs qui se prononcent sur le financement des projets de
recherche. Ils s’inquiètent de la présence accrue
de représentants de l’économie privée
(industrie pharmaceutique notamment) au sein de cette instance et
craignent que leur Uni soit de plus en plus soumise aux
intérêts de ces milieux.

    L’aula est comble et la discussion est
très animée. Des représentants des médias y
ont accouru. Certains sympathisent avec les
étudiant·e·s en révolte, d’autres
espèrent dénicher l’information qui pourrait faire
un scoop. Dès lors, dans la bonne vieille tradition de la
théorie du complot, ils cherchent à savoir
« qui est derrière cette
mobilisation », qui « se cache »
sous le sigle « Unsere Uni » (Notre Uni). A quoi une
porte-parole du mouvement leur répond que « Unsere
Uni » est formé
d’étudiant·e·s de différentes
facultés. « Qui en fait partie ? »,
insite le journaliste. Mais… « toutes celles et
ceux qui sont avec nous, ici ». Et si on parlait de choses
sérieuses…

    Avant de débattre des questions de fonds, les
participant·e·s discutent d’un aspect
particulier : les représentant·e·s de la
presse doivent-ils être admis ou non ? Le verdict est
« non », mais il ne fait pas
l’unanimité. « Nous n’avons rien à
cacher », dit un participant. « J’aimerais
tout de même me faire un avis sur ces enjeux sans être
observée par les médias », rétorque
une étudiante. Les deux recueillent des applaudissements
enthousiastes. La journaliste qui est retournée à
l’Uni pour écrire son papier ne peut
s’empêcher de penser que l’atmosphère qui
règne dans le grand auditoire lui rappelle un peu 1968 et les
mobilisations pour un Jugendzentrum (Centre de jeunes).

    Le lendemain, soit le 16 novembre, Patrick
Künzle, de la Basler Zeitung interviewe le professeur Martin
Lengwiler, qui enseigne l’histoire contemporaine à
l’Université de Bâle :

BZ : La révolte estudiantine bâloise vous surprend-elle ?
ML : Non, pas du tout.
Il y avait de l’agitation depuis un bon moment.
L’application des accords de Bologne pose des problèmes
pas encore résolus. Ce qui m’étonne par contre,
c’est l’intensité avec laquelle sont
formulées les revendications.

Journaliste et professeur s’entretiennent des problèmes de
mise en œuvre de Bologne et l’historien se montre
« optimiste ». Sur les listes de
présence, sa réaction est plus nuancée.
Lui-même ne trouve pas faux d’en tenir pour des
séminaires, auxquels les étudiant·e·s sont
de toute façon tenus de participer et de fournir un travail. Par
contre, il se dit opposé à l’introduction
d’un tel contrôle pour les cours ex cathedra. Ouf !

BZ : Considérez-vous les protestations estudiantines comme légitimes ?
ML :  Absolument. J’espère qu’elles vont relancer la discussion…
 
Et le professeur de conclure : la bonne application de Bologne
ne concerne pas seulement les étudiant·e·s mais
aussi leurs enseignant·e·s. Mais y a-t-il une bonne
application d’un accord conçu fondamentalement pour
rentabiliser l’éducation supérieure ?


Anna Spillmann-Andreadi