OUI à l’interdiction d’exporter du matériel de guerre le 29 novembre pour mettre à nu l’hypocrisie de la politique suisse

OUI à l’interdiction d’exporter du
matériel de guerre le 29 novembre pour mettre à nu
l’hypocrisie de la politique suisse

L’initiative pour l’interdiction d’exporter du
matériel de guerre offre la possibilité d’exprimer
politiquement le rejet des guerres qui ensanglantent la planète,
et tout particulièrement de celles menées depuis 2001 par
les Etats-Unis et leurs alliés. Même avec un modeste
0,7 % du total des exportations mondiales d’armes, la
Suisse participe néanmoins au commerce qui alimente ces
conflits. Les trois quarts des exportations d’armes suisses vont
aux armées des pays occidentaux qui combattent en Afghanistan et
en Irak. Pour le quart restant, on trouve des pays comme le Pakistan,
l’Arabie Saoudite, l’Egypte ou la Turquie. La campagne pour
le OUI a déjà réussi à faire tomber une
partie de l’image convenue de la Suisse, petit paradis
démocratique, neutre et champion de l’aide humanitaire.

    L’initiative qui sera votée le 29
novembre 2009 est née dans le sillage du mouvement anti-guerre,
qui avait mobilisé des dizaines des millions de
manifestant·e·s dans le monde et des dizaines de milliers
en Suisse contre la guerre en Irak, en 2003. Compte tenu de son
impuissance à modifier le cours de la « guerre
globale et permanente contre le terrorisme », le
mouvement anti-guerre s’était progressivement
essoufflé, tout en restant capable de se mobiliser de
manière ponctuelle, notamment lors des agressions
israéliennes au Liban en 2006, et à Gaza en 2009. Le
principal mérite de ce mouvement est probablement d’avoir
délégitimé le discours dominant justifiant ces
conflits. Une partie importante des opinions publiques occidentales ne
croit plus aux effets salutaires des guerres pour la démocratie
et les droits humains, même si elles sont menées contre
des dictatures, des « Etats-voyous » ou des
« entités terroristes ».

    L’un des principaux enjeux de la campagne de
votation est de parvenir à démasquer le mensonge officiel
selon lequel la Suisse ne peut « fournir des armes
à des parties en conflit ou des Etats dans lesquels les droits
de l’homme sont systématiquement et gravement
bafoués ». La citation est tirée de la
brochure officielle distribuée avec le matériel de vote
(p. 15). On se croirait en plein 1984 d’Orwell (« La guerre
c’est la paix »). L’ordonnance sur le
matériel de guerre stipule bien que la Suisse ne peut pas
autoriser les livraisons « si le pays de destination est
impliqué dans un conflit armé interne ou
international ». Mais la Suisse livre du matériel
de guerre à la plupart des pays engagés en Afghanistan.
C’est que, d’après le Conseil fédéral,
il n’y a pas de conflit armé dans ce pays… Il
fournit même une justification idéologique à cette
mystification : « Plus du 75 % du matériel
de guerre a été exporté vers des Etats qui
défendent des valeurs proches de celles de la Suisse. Il
s’agit de pays comme l’Allemagne, l’Australie,
l’Autriche, la Belgique, le Danemark, les
Etats-Unis…».

    Les « valeurs proches de celles de la
Suisse »… Effectivement, la défense des
privilèges des pays riches passe par le contrôle
militarisé de la libre circulation des ressources et des
marchandises, ainsi que par l’interdiction militarisée de
la libre circulation des personnes. Un deuxième enjeu de cette
campagne est de montrer la perversité de la militarisation
globale, qui maintient en permanence les inégalités et
les injustices au niveau mondial. Les livraisons de matériel de
guerre ne contribuent en rien à désamorcer ou à
réduire la violence des conflits, bien au contraire. La
compréhension de cette perversité est nécessaire,
si l’on veut changer les termes du débat sur le futur de
la politique militaire suisse. Actuellement, il oppose surtout les
conservateurs isolationnistes (l’UDC) et les modernistes (les
autres partis bourgeois et une majorité du PSS), qui
prônent l’ouverture vers le système militaire
européen. Une bonne campagne et un bon résultat pour le
OUI le 29 novembre ne pourront que renforcer la position de la gauche
antimilitariste et solidaire. Sous ce rapport, les mobilisations
spontanées, notamment parmi les jeunes, en faveur de
l’initiative sont de bonne augure.

    Quant à la question des places de travail, on
ne peut que constater le cynisme révoltant des opposants qui
brandissent des menaces de mort ou de délocalisation de tout un
secteur de l’économie en cas d’acceptation de
l’initiative. Ils ont trouvé 66 milliards de francs en
quelques jours pour maintenir en vie l’UBS, mais refusent
d’investir 500 millions sur dix ans pour reconvertir les emplois
liés au commerce de la mort pour des activités utiles au
vivre ensemble sur cette planète.

Tobia Schnebli