Au-delà de l’élection du Conseil d’Etat, construire un front de résistance sociale

Au-delà de l’élection du Conseil d’Etat, construire un front de résistance sociale



A la mi-novembre auront lieu les
élections au Conseil d’Etat genevois, dans la
foulée de celle du Grand Conseil, qui ont vu une majorité
de droite et d’extrême droite renforcée
s’installer au parlement et la gauche de la gauche en être
de nouveau exclue.

Dans notre dernier numéro, nous avons publié la position
de notre mouvement relative à l’élection à
l’exécutif cantonal, qui a été
adoptée à une large majorité par l’AG de
solidaritéS. Elle n’appelle pas à voter pour le PS
et les Verts et laisse donc libre de voter blanc, de s’abstenir,
de voter pour la liste des Communistes au label «Gauche
combative », de voter pour les Verts et/ou les
socialistes, ou de voter pour les Communistes, les Verts et les
socialistes.

    Mais cette position insiste surtout sur un objectif
qui est à nos yeux le plus important, au-delà de cette
élection : former un large front de résistance,
syndical, associatif et politique, sur des revendications
immédiates et concrètes répondant aux besoins de
larges secteurs de la population. Un tel front social devrait se
préparer à combattre les décisions d’un
Grand Conseil et d’un Conseil d’Etat réactionnaires
en recourant aux armes de la démocratie semi-directe
(initiative, référendum), mais aussi en appelant à
la mobilisation dans la rue, sur les lieux de travail… et demain
dans les urnes.

L’essentiel est ailleurs

Cet appel n’est pas une figure de style pour justifier notre
« désengagement » de la bataille
électorale pour le Conseil d’Etat. Nous devons nous donner
les moyens de contribuer à le concrétiser avec
d’autres, dans les mois à venir, en dépassant nos
faiblesses politiques et organisationnelles et en renforçant
notre implantation sur le terrain social. Les réponses que nous
devons trouver dans une telle situation ne se situent donc pas
d’abord sur le terrain électoral. Pour s’en
convaincre, revenons à l’échéance prochaine
de l’élection du Conseil d’Etat, le 15 novembre
prochain.

    Nous aurions pu appeler à voter pour les
candidatures vertes et socialistes, au nom du « moindre
mal », pour « barrer la route à la
droite »… Nous l’avions fait en 2005. Mais ce
serait oublier que ce gouvernement à majorité
« de gauche », le premier depuis Léon
Nicole dans les années trente, a mené une politique
sociale franchement régressive. Il porte ainsi une
responsabilité évidente dans le désarroi de la
population, ainsi que dans le succès du MCG et de son populisme
de droite. Or, on ne peut guère douter – comme une
minorité du PS l’a compris – que reconduire une
majorité verte et socialiste pour mener (et justifier) une
politique antisociale pendant encore quatre ans, serait un obstacle de
plus à la constitution d’un front de résistance sur
le terrain social.

Nous ne donnons pas de consigne de vote

Cela dit, une majorité de l’électorat des Verts et
des socialistes considère – malheureusement – que la
présence des leurs au gouvernement constitue un moindre mal. Ce
n’est pas en appelant à l’abstention ou au vote
blanc que nous allons les convaincre du contraire. Nous disons donc que
c’est aux candidat·e·s verts et socialistes
d’annoncer un clair changement de politique pour gagner les
suffrages de « nos » électeurs et
électrices, mais force est de constater que rien ne laisse
entrevoir un tel tournant…

    En outre, si nous voulions – directement et
sérieusement – soutenir les candidatures vertes et
socialistes, comme le suggérait Jean Ziegler l’autre jour
dans la Tribune de Genève, nous devrions présenter un-e
candidat-e sur un ticket commun avec eux, en taisant de façon
opportuniste le « bilan » franchement
négatif que nous tirons de leur prestation gouvernementale.

Restait donc la possibilité d’une liste propre de la
« gauche de la gauche », qu’a
d’ailleurs décidé de lancer le petit groupe des
Communistes en présentant trois des leurs sous le label
« Gauche combative ». solidaritéS
aurait pu s’engager sur une telle voie avec lui et
d’autres, si nous avions considéré que
c’était là une bonne solution.

Une liste de la gauche de la gauche ?

Pourquoi ne l’avoir pas fait ? D’abord parce que
cette option propagandiste – nous n’avons aucune intention
d’être représentés au Conseil d’Etat
dans le contexte actuel – aurait eu comme principal effet de
favoriser l’élection d’une majorité de
droite. Sauf à appeler à rajouter les candidat-e-s
PS/Verts sur notre liste, ce qui serait revenu à les soutenir
activement. Enfin, et peut-être surtout, parce qu’une telle
démarche nous aurait amenés à nous substituer
– en anticipant unilatéralement son programme – au
front social le plus large que nous voulons construire ensemble, sur le
terrain, pour les batailles des mois et années à venir.

    La liste des Communistes s’est donné un
tel programme, improvisé et problématique sur plus
d’un point, notamment la revendication de
« l’engagement prioritaire des chômeurs
résidant dans le canton », celle incongrue de
« rendre le vote obligatoire »… sans piper
mot sur les droits politiques des immigré-e-s, etc. Il contient
bien entendu une série de revendications légitimes,
certaines que nous avons largement portées, comme le droit
à un salaire minimum, ou celle d’un revenu minimum
garanti. Mais ces revendications méritent et exigent mieux que
quelques semaines de campagne pour le Conseil d’Etat sous les
couleurs d’une petite organisation politique, quelle
qu’elle soit.

Pierre Vanek