La Banque mondiale et la protection sociale

La Banque mondiale et la protection sociale

Dans l’amas stellaire du
capitalisme mondialisé, la Banque Mondiale n’est pas
l’étoile qui brille le plus au Nord. Ses projets
concernent le plus souvent les pays dits en développement.
Officiellement, elle lutte contre la pauvreté. En
réalité, comme le montre l’article ci-dessous de la
Confédération syndicale internationale (CSI), la
compétitivité reste le maître mot de cet organisme.

Bien qu’elle ait donné son adhésion à
l’idée d’un renforcement des filets sociaux pour
protéger des millions de travailleuses et travailleurs ayant
perdu leur emploi sous l’effet de la crise économique
mondiale, la Banque mondiale, dans la dernière édition de
sa publication à plus grand tirage Doing Business (Pratique des
affaires), décourage les pays d’adopter des programmes de
protection sociale en qualifiant les gouvernements qui le font de
« non compétitifs » sur le plan des
affaires.

    Le rapport Doing Business 2010, lancé
aujourd’hui par la Banque mondiale, recommande également
aux pays de revoir à la baisse les indemnités de
licenciement accordées aux salariés
congédiés et de réduire ou supprimer les
obligations relatives au préavis de licenciement.

Théorie et pratique

En avril 2009, la Banque avait annoncé que l’indicateur
Doing Business concernant la flexibilité du marché du
travail, qui encourage la réduction de la protection des
travailleurs, « ne constitue pas une politique de la
Banque mondiale et ne devrait pas être utilisé en tant que
base pour les conseils politiques ou dans tout document afférent
aux programmes de pays » et que l’indicateur en
question serait supprimé du cadre des conditions de prêt
la Banque mondiale — CPIA : Cadre
d’évaluation de la performance politique et
institutionnelle par pays. La Banque mondiale avait également
annoncé « l’inclusion, dans Doing Business
2010, d’explications complémentaires concernant ces
dispositions »; or la nouvelle édition de la
publication, parue aujourd’hui, passe outre à cet
engagement publié sur le site Web de la Banque en avril.

    « Si le président de la Banque
mondiale est réellement convaincu, comme il l’a
déclaré à maintes occasions, que les pays
devraient améliorer la protection sociale pour atténuer
l’impact de la récession mondiale, il est grand temps que
la publication à plus grand tirage de la Banque mondiale cesse
de prôner l’élimination de la protection sociale et
des travailleurs », a déclaré Guy Ryder,
secrétaire général de la
Confédération syndicale internationale (CSI).

La CSI a attiré l’attention sur le fait que Doing Business
2010 classe le Cambodge parmi les pays qui « rendent
difficile la pratique des affaires » par
l’introduction d’une contribution de sécurité
sociale. Par contraste, l’abolition de la taxe sociale à
valu à la Géorgie d’être citée comme
un exemple et d’être mieux classée par Doing
Business.

    Pendant ce temps, le gouvernement
démocratique du Honduras, dont le président a
été renversé et expulsé du pays à
l’issue d’un coup d’État militaire en juin,
est critiqué dans le rapport Doing Business 2010 pour avoir
augmenté les indemnités de licenciement et les
obligations liées au préavis en réponse à
la crise économique (le Honduras est dépourvu d’un
système d’assurances de chômage.) Suivant la
même logique, Doing Business 2010 déclasse le Portugal
pour avoir rallongé de deux semaines la période de
préavis de licenciement.

Le développement… des licenciements

En revanche, l’adoption de politiques facilitant les
licenciements sommaires a valu au régime autoritaire de la
Biélorussie, récemment privé des
préférences commerciales de l’Union
européenne pour avoir violé les conventions fondamentales
de l’Organisation internationale du travail (OIT), de
décrocher un score élevé dans le rapport Doing
Business 2010. Cependant, le trophée de la
« meilleure réforme » de Doing
Business revient cette année au Rwanda, et pour cause :
« les employeurs ne sont plus tenus de procéder
à des consultations préalables avec les
représentants des salariés [concernant les
restructurations], ni d’en aviser l’inspection du
travail. » Par ailleurs, le rapport de la Banque mondiale
couvre de louanges la Macédoine, pour s’être
débarrassée de mesures liées au recyclage des
travailleuses et travailleurs sans emploi, et Maurice, pour avoir
abrogé l’indemnité de licenciement obligatoire.

    Guy Ryder a noté l’intention de la
Banque mondiale d’amorcer des consultations avec l’OIT, les
syndicats et les employeurs concernant l’élaboration
d’un nouvel indicateur lié à la protection des
travailleurs, lequel favoriserait le respect des normes du travail
fondamentales et le renforcement de la protection sociale. Le nouvel
indicateur ne sera, toutefois, pas développé avant
l’année prochaine.

    Ryder a indiqué : « Il
est insensé que la Banque, qui a pourtant reconnu la
nécessité de revoir son approche régulatoire
unilatérale concernant les enjeux du travail, continue à
préconiser une révision baissière de la protection
sociale et des travailleurs dans Doing Business, et ce, à
l’heure où les masses laborieuses subissent de plein fouet
les répercussions de la pire crise économique depuis les
années 1930. » Par ailleurs, le secrétaire
général de la CSI a demandé à la Banque
mondiale de rendre publique sa note explicative où il est
spécifié que l’indicateur Doing Business relatif
à l’embauche des travailleurs ne constitue pas une
politique de la Banque et que son personnel devrait promouvoir
« des sauvegardes adéquates pour les droits des
salariés ». La Banque avait promis de publier cette
note explicative en avril.

Titre et intertitres de la rédaction