Allemagne: en Afghanistan, la Bundeswehr retrouve ses vieilles racines
Allemagne: en Afghanistan, la Bundeswehr retrouve ses vieilles racines
Dans le cadre de son intervention en
Afghanistan, la Bundeswehr recourt aux bonnes vieilles traditions.
Grâce à laction soutenue de députés,
entre autres dInge Höger, de « Die
Linke », les passages dun manuel de
larmée célébrant les qualités de la
division « Brandenburg » de la Wehrmacht ont
pu être supprimés.
Le 8 septembre 2009, lAllemagne inaugurait son premier monument
aux soldats morts depuis la fin du nazisme. Juste avant, la
médaille pour actes de bravoure, lancienne croix de fer,
avait été réintroduite. Les interventions
militaires ont même été fêtées au
parlement. A loccasion du quinzième anniversaire du
mandat parlementaire autorisant larmée à
intervenir à létranger, une exposition a
été ouverte fastueusement au parlement, fin juin, avec la
participation du corps de musique de la Bundeswehr.
A chaque fois, il y a eu des protestations :
contre la médaille pour actes de bravoure, le monument aux
soldats morts et louverture de lexposition, mais aussi
contre le recrutement de nouveaux soldats, contre les actions
publicitaires de la Bundeswehr sur les places publiques, dans les
écoles et les centres pour lemploi. Tout le monde
nest, de loin pas, prêt à accepter cette nouvelle
« normalité ».
La tradition de la Wehrmacht
Le commandant de la force de réaction rapide allemande à
Kundunz, le lieutenant-colonel Hans-Christoph Grohmann, décrit
la fierté de ses combattants exécutant leurs missions
avec professionnalisme, et présente ainsi lun de ses
officiers : « cest le premier
premier-lieutenant à avoir mené au combat une compagnie
dinfanterie depuis 1945 ». Ce nest pas
seulement la fierté davoir mené ce premier combat
offensif qui transparaît. Il y a autre chose. Car la Bundeswehr
existe depuis 1955 et les interventions armées à
létranger sont autorisées par le Tribunal
constitutionnel depuis 1994. Pourquoi donc se référer
à 1945 ?
Interpellé à plusieurs reprises, le gouvernement allemand
répète sans se fatiguer que « lancienne
Wehrmacht, instrument de la conception du monde nationale-socialiste,
ne représente aucune tradition pour la Bundeswehr. »
Mais la pratique des forces armées renvoie à une vision
des choses que le gouvernement feint dignorer.
En 2007 déjà, des député(e)s de gauche
avaient rendu le gouvernement fédéral attentif au fait
que des commandants des unités délite de la police
et de larmée (GSG9, KSK) voyaient dans la division
spéciale « Brandenburg » un exemple
à suivre. Dans louvrage Geheime Krieger drei
deutsche Kommandoverbände, paru aux éditions
dextrême droite « Pour le
Mérite », deux anciens généraux,
lun du commando des forces spéciales de la Bundeswehr
(KSK), lautre du GSG9 de ce qui était alors la Police
fédérale des frontières, mentionnèrent la
division « Brandenburg » comme une
référence pour les unités spéciales
quils conduisaient. Le général Reinhard
Günzel expliqua : « les soldats des commandos
des KSK savent très bien où se situent leurs racines. Les
opérations des « Brandebourgeois »
passent pour être légendaires auprès de la
troupe. » Lautre général, Ulrich K.
Wegener, voit surtout dans « la camaraderie et
lesprit de corps des
« Brandebourgeois », ainsi que dans leur
manière dagir « non
conventionnelle » et leur « capacité
à tromper ladversaire », un exemple à
suivre.
La division
« Brandenburg » était une unité
terroriste spéciale de la Wehrmacht, opérant
derrière les lignes ennemies, responsables dinnombrables
crimes de guerre et de massacres, en particulier dans la lutte contre
les partisans. Ses méthodes de combat ne respectaient pas le
droit de la guerre de lépoque et incluaient, par exemple,
le port duniformes ennemis.
Le mémento de la Bundeswehr
Tous les soldats allemands engagés en Afghanistan
reçoivent un mémento sur lhistoire de
lAfghanistan, contenant des articles sur lhistoire et la
culture du pays. Ce manuel est rédigé par lOffice
de recherche en histoire militaire de larmée.
Officiellement, il sagissait de se confronter de manière
critique à lhistoire militaire du national-socialisme,
tout en cernant le rôle historique de la Wehrmacht.
Ce nest toutefois quaprès les
recherches menées par le magazine dinformation Kontraste,
en avril 2009, quun passage du livret attira lattention.
Avec orgueil, il décrit lengagement des
« Brandebourgeois » dans
lopération « Tiger »
(1941-1943) en Afghanistan. Son auteur est un membre encore en vie de
cette division, Dietrich Witzel ! Plus étrange encore,
une de ses photos darchives est publiée dans le
mémento. Il sagit de la tombe dun agent secret
dune unité spéciale
« Brandenburg », qui mourut en 1941 lors des
préparatifs de louverture dun nouveau front contre
lInde. La plaque commémorative honorant les membres de la
Bundeswehr et les policiers allemands tombés dans ce pays est
à proximité immédiate de la tombe de cet agent
nazi. Or, le cimetière européen à Kaboul est grand
et cette proximité na rien dun hasard, pas plus
que lagrandissement et lentretien de la tombe…
Aujourdhui, le mémento sur
lhistoire de lAfghanistan nest plus diffusé
dans sa version critiquée et une nouvelle édition
complètement revue est en cours. Grâce à la
vigilance civile, la référence positive à la
tradition de la Wehrmacht semble avoir perdu de son influence.
Au lieu des honneurs et de la reconnaissance de la
société pour lengagement des soldats dans cette
guerre avec ou sans référence à la
Wehrmacht , nous avons besoin de mouvements sociaux qui
sopposent avec rigueur à toute intervention militaire et
à toute militarisation !
Inge Höger députée Die Linke
(adaptation et traduction : ds)