L’envolée du chômage et ses conséquences concrètes

L’envolée du chômage et ses conséquences concrètes

Le nombre de
chômeurs·euses a doublé en une année dans le
canton, passant de 2700 à 5500 (de 3.2 % à
6.4 %). Cela ne signifie pas seulement des embouteillages au
service de l’emploi et aux caisses des assurances chômage,
mais des baisses de salaires qui mettent à mal les budgets, sans
compter celles et ceux qui, en fin de droits et souvent avant
déjà, basculent dans l’aide sociale. Le
problème des parents, que ce soient des couples ou des personnes
seules, se complique encore, en particulier pour les très
nombreux bas revenus que compte le tissu industriel neuchâtelois.
Le service de l’emploi applique la loi sans état
d’âme : un·e chômeur·euse doit
être disponible du jour au lendemain sur le marché du
travail.

    Or quand vous aviez un salaire de 4000 fr. (souvent
les femmes gagnent moins !), vous ne touchez plus que 3200 fr.
lorsque vous êtes au chômage. Avec un ou plusieurs enfants
en crèche ou chez des mamans de jour, ce n’est tout
simplement plus possible de payer. Avec moins d’argent et plus de
temps, les chômeurs·euses retirent logiquement leur enfant
de la crèche. Mais comment se libérer dès lors du
jour au lendemain, par exemple pour suivre les cours obligatoires
organisés par le service de l’emploi ? C’est
la quadrature du cercle et les sanctions pleuvent sur celles et ceux
qui ne peuvent pas se plier aux exigences de l’administration.

Les crèches touchées elles aussi

Les crèches ont un budget calculé sur la base d’un
taux d’occupation complet ; sans subventions
supplémentaires, elles ne peuvent pas réserver des places
non occupées aux sans-emploi. Elles le font d’autant moins
que les listes d’attente pour obtenir une place
régulière en crèche sont si longues qu’il
faut patienter plus d’une année pour faire admettre son
enfant dans une telle structure.

    La crèche Pinocchio de la Chaux-de-Fonds a
adressé une pétition à la ville pour demander des
solutions à cette situation impossible. Toutes les structures
d’accueil se retrouvent peu ou prou dans le même cas de
figure et elles vont se retrouver en déficit. Qui va
payer ? Les autorités publiques ou les parents ?

Trouver une solution adaptée aux chomeurs·euses

Les chômeurs·euses dans cette situation réagissent
aussi et sont particulièrement mécontents de
l’accueil qui leur est réservé s’ils se
présentent au guichet ou aux entretiens avec leur conseiller ORP
accompagnés de leurs enfants dans les bras (sans parler de la
participation aux cours obligatoires).

    Quand on pense que ce haut taux de chômage
durera plusieurs années (croire le contraire, c’est se
voiler la face), il faudra bien trouver une solution adaptée aux
besoins particuliers des chômeurs-euses. Le canton en a
trouvé une pour les élu·e·s : leurs
enfants sont admis dans une crèche pendant les sessions du Grand
Conseil et lors des séances de commissions. Enfin les
autorités ont pris en compte qu’un·e
élu·e n’a pas que des obligations politiques, mais
parfois aussi familiales. On s’en félicite, mais il faudra
rapidement trouver une solution aussi satisfaisante pour les enfants de
chômeurs-euses qui n’ont parfois besoin que d’une
solution ponctuelle de garde aussi longtemps que leurs parents sont au
chômage.


Interview d’une chômeuse, mère élevant seule un enfant en bas âge

Comment vous êtes-vous retrouvée au chômage ?

J’ai été licenciée d’une entreprise
horlogère au printemps, lors d’un licenciement collectif
pour des raisons économiques. Je travaillais comme
opératrice en équipe matin/soir et je
m’étais organisée dans ma famille et chez des amis
pour la garde de ma petite fille que j’éduque seule.
Après plus de 10 ans de travail continu en entreprise, où
on a ses amis et ses habitudes, ce n’est pas évident de se
retrouver au chômage.

Comment se sont passés les premiers temps ?

La baisse de revenu à 80 % du salaire fait un
sacré coup, déjà qu’avant ce
n’était pas facile et qu’on accumule toujours
certaines dettes (cartes de crédit en négatif par
exemple). J’ai pu négocier avec les impôts un
étalement des versements, mais les assurances, ça
coûte cher. Etre au chômage, c’est aussi des
coûts supplémentaires liés aux démarches de
recherche d’emploi. Les photocopies des CV, les timbres, les
transports ne sont pas donnés. Le chômage impose aussi des
cours (rédaction de CV, technique de recherche d’emploi,
…) Payer pour la garde de ma fille, il ne fallait pas y penser.
Impossible. La première fois que j’ai reçu une
convocation, j’ai demandé à mon conseiller ORP ce
que je pouvais faire avec ma fille. Il m’a répondu que
c’était mon problème, qu’un chômeur
doit être disponible dans les 48 h pour un éventuel
emploi. Il s’est trouvé que les possibilités de
garde que j’avais auparavant n’étaient plus
disponibles. J’ai téléphoné dans les
crèches, auprès de mamans d’accueil, mais pas de
place nulle part, la priorité est donnée aux personnes en
emploi ; ils considèrent que les chômeurs peuvent garder
leur enfant. La seule proposition qu’on m’a faite,
c’est une garde à 20 fr. de l’heure, ce qui pour moi
est impensable. J’ai dû laisser ma fille dans des
conditions qui m’inquiétaient.

Quelles sont vos demandes vis-à-vis du chômage ?

D’abord, j’aimerais un meilleur accueil au bureau de
chômage, que l’on nous aide à trouver des solutions
et pas qu’on nous renvoie à notre problème. Nous
avons cotisé à l’assurance-chômage, nous
sommes en droit d’attendre une certaine considération.

    Nous sommes très nombreuses au chômage
à avoir des enfants en bas âge, et pas seulement des
femmes, et nous sommes toutes très embêtées.
Pourquoi on ne trouve pas une solution de garde professionnelle qui
nous permette de répondre aux demandes de l’assurance,
comme les cours, et de nous présenter dans des emplois, avec la
garantie que nos enfants sont dans de bonnes mains ?


Henri Vuilliomenet