L’avenir politique de la Grèce dans les mains de la population travailleuse

L’avenir politique de la Grèce dans les mains de la population travailleuse

« Triomphe des
socialistes », « la gauche au
pouvoir » : sous ces titres, les journaux suisses
annonçaient la victoire électorale du Pasok le 4 octobre.
Qu’en est-il en réalité ? Le nouveau
président social-démocrate Papandréou
parviendra-t-il à tenir ses promesses
préélectorales ? Parviendra-t-il à
réaliser la « redistribution » promise
tout en mettant de l’ordre dans les finances publiques
déficitaires ? Quelles sont d’autres part les
perspectives d’action de la gauche radicale ?

Alors que les sondages prédisaient déjà que le
Pasok allait remporter les élections, journalistes et
commentateurs se demandaient jusqu’au dernier moment si Georges
Papandréou obtiendrait la majorité absolue, ce qui lui
permettrait de former immédiatement son gouvernement sans passer
par des transactions avec d’autres forces politiques :
pari réussi, avec 53 % des députés au
parlement.

    Malgré leur défaite cuisante, les
néolibéraux de la Nea Dimokratia de Kostas Karamanlis
reste, avec leur 33,4 % de voix, le deuxième parti du
pays, suivi du Parti communiste grec avec 7,5 % et du Laos,
l’extrême droite populiste ayant progressé de
près de 2 % depuis 2007, à 5,6 % des voix.
La « gauche de la gauche », Syriza, avait
déjà fait un meilleur résultat par le
passé, mais avec ses 4,6 %, elle franchit la barre du
quorum et entre au parlement, ce qui n’est pas le cas des Verts
avec leur 2,5 %.

    Les six années passées dans
l’opposition ont été pour le Pasok une cure de
jouvence. Papandréou a très bien su jouer le rôle
de leader oppositionnel dénonçant à chaque
occasion les mauvais choix de Karamanlis, et fustigeant tantôt
l’inertie de son gouvernement, tantôt son implication dans
des scandales financiers.

    La Nea Demokratia a montré son
incapacité totale à gouverner. Pour la deuxième
fois depuis 2007, Karamanlis a recouru à des élections
anticipées, sans compter les innombrables remaniements de
gouvernement, par lesquels il cherchait à épurer
l’équipe gouvernementale des éléments les
plus incapables, les plus impopulaires ou les plus lourdement
soupçonnés de corruption. Vu son score électoral,
Karamanlis a annoncé sa décision de se retirer de la
direction du parti.

Extrême droite en embuscade

L’extrême droite, Laos, exploite adroitement le
mécontentement de la population, la peur du lendemain,
l’insécurité due au chômage ou à la
précarisation de l’emploi. Le bouc émissaire est
vite trouvé : l’étranger. Le discours
xénophobe fait des adeptes dans ce pays de transit pour les
réfugié·e·s et les
demandeur·euse·s d’emploi venant non seulement de
pays asiatiques et africains, mais également des Balkans ou de
l’ancienne URSS. Critiquant la corruption de la Nea Dimokratia,
le Laos essaie de s’attribuer le label « mains
propres ». Il est en outre ultranationaliste et
très proche des milieux religieux ultraconservateurs.

    Le parti communiste grec subit une perte minime,
probablement grâce au réflexe du « vote
utile ». C’est un parti écouté, dont
les consignes sont suivies. Il est en outre présent dans les
syndicats et dans les luttes. Mais il fait preuve d’un sectarisme
extrême. Sa secrétaire générale, Aleka
Papariga, perd autant de salive à dénoncer la Nea
Dimokratia, la droite et le capitalisme, que l’organisation de la
gauche radicale Synaspismos.

    Syriza est une jonction de plusieurs composantes,
qui s’affichent comme telles (Synaspismos, les
« Citoyens actifs », les trotskistes de la
DEA entre autres et des
« inorganisés »), et forment un front
commun de luttes tant électorales qu’extra-parlementaires.
Le groupe parlementaire de Syriza compte 13 députés (dont
seulement deux femmes hélas). Une composante de Syriza, le
Synaspismos (coalition de la gauche, des mouvements sociaux et de
l’écologie) existe dans sa forme actuelle depuis 2003. Ce
parti, qui s’engage pour le socialisme démocratique, le
féminisme, l’écologie et l’antimilitarisme,
est actuellement présidé par le jeune mais très
compétent Alexis Tsipras (35 ans).

Et maintenant ?

La première échéance pour Papandréou
tombera le 24 octobre, à Bruxelles. La Grèce
présente aux yeux des autorités européennes un
déficit excessif. Lors de cette réunion des 27,
Papandréou demandera à ses partenaires un délai de
trois ans pour pouvoir présenter un déficit
budgétaire conforme au traité de Maastricht, soit
3 % du PNB. Comment y parvenir ? Là où
Karamanlis préconisait un gel des salaires du secteur public et
des pensions des retraité·e·s, ainsi qu’une
accélération des privatisations pour limiter les
dépenses publiques, Papandréou a pris des mesures un peu
différentes : dès son élection, il a
lancé un « plan immédiat de cent
jours », un programme de relance comprenant, entre autres,
une hausse des salaires et des retraites supérieure à
l’inflation, et un gel des tarifs des prestations publiques. De
surcroît, il entend taxer plus fortement les grandes fortunes et,
chose nouvelle, taxer la fortune ecclésiastique. Parviendra-t-il
à redresser les finances du pays sans que les
salarié·e·s et les petits revenus en fassent les
frais ? Avec un parlement à gauche, il le pourrait
potentiellement. Dans une Assemblée de 300
élu·e·s, le Pasok dispose de 160 sièges,
grâce à la loi électorale qui bonifie le premier
parti de 40 sièges. Le PC en a 21 et Syriza 13. S’il le
voulait vraiment, Papandréou aurait la possibilité de
faire voter des lois progressistes. Il y a de nombreuses écuries
d’Augias à nettoyer.

    Mais l’histoire politique récente de la
Grèce a montré qu’il y avait souvent loin des
promesses électorales aux mesures concrètes. Que le Pasok
tienne ou non ses promesses, cela dépendra surtout de
l’évolution des rapports de force sociaux dans le pays. Le
mouvement social a montré ces derniers mois une vigueur
encourageante: révolte des jeunes, des paysans, grandes
grèves dans le secteur du textile, etc. Juste avant les
élections, Karamanlis a été contraint de retirer
son projet de réforme des universités de peur d’une
explosion dans la jeunesse en période électorale. Preuve
que l’agenda politique et social est avant tout dans les mains de
la population travailleuse…


Anna Spillmann