Porto Alegre, Un autre monde est possible


Un autre monde est possible

Le slogan, du premier Forum Mondial Social à Porto Alegre, est ambitieux et positif. Il résume en cinq mots l’esprit animant l’effervescence constructive de cinq jours de débats, discussions, d’échanges dans cette ville du sud-est brésilien.


Marie-Eve TEJEDOR, Carmen PEREZ, Florian ROCHAT, Maria CASARES


Ce forum marque une nouvelle dynamique dans les mouvements luttant contre la mondialisation. La volonté de résistance contenue dans les manifestations de Genève, Seattle, Prague, Nice se conjugue avec l’esprit de construction d’alternatives de Porto Alegre. Aujourd’hui, Davos s’effondre et une autre face du monde est en marche : Porto Alegre.


Un succès manifeste


Depuis quelques années nous avons accumulé une force d’opposition considérable. L’émergence du Forum Social Mondial naît de la conviction d’unir, de renforcer la mobilisation populaire pour lutter contre le modèle néo-libéral et sexiste. Le lancement de ce forum découle d’une suite de manifestations dont la paternité revient en premier lieu au mouvement zapatiste et qui par la suite s’est trouvé renforcée par la mobilisation de masse de Seattle. Cette année, mouvements sociaux, parlementaires, municipaux, syndicats, associations, ONG des quatre coins du monde se sont réunis du 25 au 30 janvier 2001 pour construire un autre monde. Le postulat du Forum se présente comme une alternative au modèle néo-libéral. Nous pensons que le pari a été en partie gagné au terme de cet événement internationaliste : affirmer à la face du monde que la pensée unique n’a aucune légitimité.


Près de 410 ateliers


Les matinées étaient ponctuées de conférences plus formelles et instructives, que de nombreux/euses camarades écoutaient (4 salles principales, une d’env. 2’000 personnes et les trois autres de 500 personnes). La qualité des présentations, des débats, des analyses a été particulièrement mise en évidence grâce au temps prévu pour les échanges avec la salle. De nombreuses alternatives ont été discutées dans des ateliers qui se déroulaient tous les après-midi, dans des salles à petite capacité (environ 60 personnes). Les thèmes étaient aussi variés que nombreux : l’économie solidaire, la taxe Tobin, la violence et les femmes, le remboursement de la dette, le féminisme et le marxisme, le respect des droits des indigènes etc.
La fréquentation de ces ateliers a été forte ; à tel point que parfois les organisatrices et organisateurs, devaient refuser l’entrée de la salle par mesure de sécurité. Les orateurs, les oratrices, s’exprimaient en général en espagnol et en brésilien. Les ateliers n’étaient pas traduits, tandis que les trois grandes salles, où se sont déroulés majoritairement les forums politique, étaient dotées d’une infrastructure de traduction: français, anglais, espagnol. Nous passions des conférences aux ateliers, ou à des manifestations dans les halls (grande manifestation des femmes pour l’avortement et contre les mesures prises par Bush, dès son investiture – supprimer les subventions aux groupes en faveur de l’avortement – ou manifestation pour les droits des Noirs).
La participation massive des Latino-américains a été visible. Toutefois, nous déplorons que la représentation des délégué-e-s des pays d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ait été assez faible. Nous avons également remarqué que la plus grande partie des délégué-e-s étaient des blancs de classe moyenne. Ce qui a surpris grandement notre délégation. Dans ces mouvements, la participation des femmes égalait celle des hommes, tandis que les orateurs furent majoritairement des hommes, comme quoi on ne change pas le monde radicalement en cinq jours !


Mouvements sociaux et participation


L’espace donné aux mouvements sociaux n’ayant pas été créé, il a été gagné par les participant-e-s. A noter qu’il n’y a pas eu d’affichage officiel des acteurs du Forum, seul un placardage sauvage a permis un échange d’informations. Comme prévu, aucune résolution finale commune n’a été réalisée, mais pouvait-on sérieusement envisager une discussion autour d’un document avec 4500 délégué-e-s? Toutefois, mécontents, plusieurs mouvements sociaux ont exprimé leur intention de se réunir pour formuler des revendications communes. Ce qui a été fait, lors d’une première rencontre, où nous avons pu nous identifier et ainsi briser l’anonymat des premiers jours. Un petit groupe de personnes se sont inscrites pour rédiger une charte commune. Lors d’une plénière, nous avons pu discuter de certains points à modifier. Le document final est semblable à celui du Sommet alternatif de juin 2000.


Trois délégations sont parties de Suisse: la délégation des mouvements sociaux (notamment du CSAB*), la délégation des municipaux genevois, la délégation des parlementaires fédéraux. Nous n’avons pas pu trouver un moment pour nous réunir et discuter ensemble de nos objectifs dans ce Forum. Sur place, nous n’avons également pas trouvé d’espace pour échanger nos expériences, et nos rencontres ont été fortuites et personnelles, plutôt qu’organisées et collectives.


Une première étape


D’une façon générale, notre impression est que le mérite principal de ce Forum fut l’échange d’expériences, la constitution d’un réseau d’alliances, et surtout échange de nos témoignages. Nous avons pu fraterniser avec des camarades et discuter longuement sur nos idées et projets. Le caractère joyeux, enthousiaste, ouvert et dynamique du Forum a rechargé nos batteries militantes. Ce qui représente un potentiel conséquent pour l’organisation d’une internationale solidaire. Nous devons réitérer ces occasions afin de mieux nous connaître pour ensuite mieux organiser notre mouvement et concrétiser des actions semblables.


Si les idées, les discussions ont foisonné, il n’en est pas de même pour les actions concrètes futures, dont la nécessité s’est manifestée à plusieurs reprises. Cette partie est fondamentale et il nous faut être attentifs pour que cela se réalise dans le prochain forum. Un autre monde est possible mais il faut se donner les moyens pour y parvenir, par exemple en agençant des événements communs qui se dérouleraient au niveau continental.


Sans aucun doute à Porto Alegre une première étape a été franchie. La visibilité et l’expression commune des mouvements anti-mondialisation- néolibérale ont trouvé leur place et ils comptent bien ne pas la perdre.


Score final : Porto Alegre : 1 Davos : 0.

* Membres du C.S.A.B Comité suisse de l’appel de Bangkok