Laïcité et islamophobie

Laïcité et islamophobie



L’initiative antiminarets
est-elle raciste ? Qui prétend-elle
protéger ? Dans son Valais catholique, qui héberge
les intégristes d’Ecône, le chevalier Freysinger se
garde bien d’attaquer la foi musulmane.

L’islam qu’il combat n’aurait rien à voir avec
la religion, mais avec la politique, le militaire. Semblables au cheval
de Troie, les minarets cacheraient une armée
d’envahisseurs impérialistes.

    Curieux retour du refoulé ! Des
travailleuses et des travailleurs de pays paupérisés se
voient reprocher d’avoir trouvé du travail dans les pays
qu’ils habitent et qui, eux, ont colonisé, dominé,
pillé leurs pays d’origine… au nom du christianisme.

Du racisme colonial au racisme contemporain

Le soudard Le Pen, bourreau du peuple algérien en lutte pour son
indépendance, fut au cours des années 1980 un pionnier de
la forme nouvelle du racisme qui s’impose aujourd’hui. Il
présentait les « Français » en
victimes de l’invasion des
« Algériens » et revendiquait leur
expulsion au nom de l’indépendance de la France.

    Que son petit parti survive ou non au retrait de son
guide, il a joué un rôle majeur dans la
réhabilitation du racisme colonial en Europe.

    Cette politique développe deux accents
complémentaires en réaction à l’affirmation
naissante d’une identité musulmane. Identifiée
à une menace aux droits démocratiques et au droit des
femmes, cette identité justifierait les aventures
guerrières menées en Afghanistan, en Irak, en Palestine,
les discriminations de migrants définis comme menaçants.
Ce racisme nourrit une idéologie qui fait les beaux jours de
toutes les propagandes sécuritaires et identitaires, celle de
l’indigène occidental victime du racisme de
l’allogène du Sud.

Combattre les minarets au nom de la laïcité

Certain·e·s soutiennent au nom de la laïcité
la lutte du comité d’initiative antiminarets contre le
prétendu impérialisme musulman. La progression
d’une religion ouvrirait la voie à toutes les autres.
S’opposer à la supposée progression de
l’islam serait leur faire obstacle à toutes.

    La laïcité dont ils se réclament
serait le fruit du combat contre l’Eglise et tolérer la
progression de l’islam qu’exprimerait l’augmentation
du nombre de minarets serait renoncer à cet acquis.

    Pour accréditer le supposé danger
musulman, cet argument prend appui sur des informations venant de pays
où l’islam est majoritaire. Mais ceux-ci n’ont
jamais connu la république laïque qu’ils sont
supposés menacer.

Il y eut une laïcité colonialiste

Les défenseurs de cette république laïque se
réfèrent à la fin du 19e et aux premières
années du 20e siècle. La lutte anticléricale
s’opposait alors à la réaction catholique
qu’appuyaient les nostalgiques de l’ancien régime.
Tous combattaient le mouvement démocratique et social, la
« gueuse ».

    Ils oublient pourtant combien cette lutte
était hétérogène. Elle était
animée par les deux héritiers de la Révolution
française, le jeune mouvement ouvrier internationaliste et la
bourgeoisie radicale et colonialiste que rejoindra une fraction du
mouvement ouvrier, avide de profiter, elle aussi, d’une part du
pillage colonial.

    Le sabre et le goupillon se sont abattus en bonne
intelligence sur les peuples qu’ils ont soumis pour le bonheur de
la foi, de la civilisation et des intérêts capitalistes.
Pétant dans la soie du pillage colonial, la Troisième
République française, pour laïque qu’elle
fût, n’a pas trouvé grand-chose à y redire.

    Le 8 mai 1945, la France fêtait la fin de
l’Occupation nazie – la Libération. En
Algérie, soldats et colons français assassinaient par
dizaines de milliers des Algériens qui avaient eu la
naïveté de croire que leur commune participation au combat
contre la barbarie ouvrirait la voie à leur libération.

Combattre toutes les formes du racisme

Les plaies qu’ont provoquées des siècles de
destruction dans les sociétés qui ont subi le
colonialisme ne sont pas refermées.

    Pire, elles sont à peine reconnues. Les
avancées qu’avait permises la Conférence mondiale
contre le racisme à Durban, en 2001, dans l’Afrique du Sud
libérée de l’apartheid, se sont estompées
à Genève en 2009 à la Conférence contre le
racisme.

    Pire, au nom du devoir de mémoire les Etats
occidentaux se gargarisent de leur humanité prétendument
retrouvée, dénoncent leur antisémitisme
passé et le nazisme, mais développent ce supposé
clash de civilisation qu’annoncerait la progression de
l’islam.

    La laïcité que nous soutenons respecte
le caractère personnel et privé de toute foi ou croyance.
Elle contribue à une démocratie émancipatrice qui
reconnaitra le pouvoir de chacune et chacun à participer
à la gestion de la société tout entière.

Raciste l’initiative islamophobe antiminarets ? Evidemment !

Quelles qu’en soient ses formes, le racisme réduit des
personnes uniques et différentes – toutes égales en
dignité et en droits – à leur appartenance à
des supposées « races », religions,
nationalités, genres, classes ou statuts, etc. que
distingueraient leur apparence physique, leurs croyances, leurs
cultures, leurs psychologies ou leurs comportements.

    Le racisme n’est pas caractérisé
par les groupes qu’il appelle à rejeter, mais par la
volonté de ce rejet, par la négation de
l’unité du genre humain, de la société au
profit de « la valorisation
généralisée et définitive de
différences biologiques ou culturelles, réelles ou
imaginaires, dans un contexte de pouvoir et de
domination » comme le définit le philosophe
français Albert Memmi.


Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme