Honduras: Là où il y a oppression, il y a résistance !
Honduras: Là où il y a oppression, il y a résistance !
Après deux tentatives
manquées, Manuel Zelaya président constitutionnel
de la République du Honduras a enfin pu regagner son
pays, le 21 septembre 2009. Présentement, il se trouve dans les
locaux de lambassade brésilienne, à Tegucigalpa.
De là, il a appelé le peuple à poursuivre la
résistance et larmée hondurienne à se
retourner contre les putschistes.
Malgré les tractations pour une sortie de crise
« al suave » (en douceur), le régime
de facto accentue la répression. Ainsi, le 22 septembre, une
manifestation pacifique devant lambassade brésilienne a
été attaquée par les forces dites du
« maintien de lordre ». Celles-ci ont
ensuite écumé les quartiers populaires, forçant
les portes des logements, tirant à balles réelles,
balançant des grenades lacrymogènes et même des
grenades offensives. Tegucigalpa sest retrouvée
militarisée de fond en comble, quadrillée de barrages,
truffée de véhicules militaires patrouillant partout. La
manifestation du lendemain a subi une répression similaire, les
policiers forçant la porte des hôpitaux pour y
arrêter les blessés.
Selon les informations du Front national de
résistance au coup dEtat, on dénombre
« déjà des centaines de blessés,
quatre morts et plusieurs dizaines de disparus après trois mois
de conflit ». Bilan qui salourdit de jour en jour,
et auquel sajoutent les multiples témoignages
recueillis par lorganisation « Feministas en
Resistencia » de femmes violées par les
sbires du régime.
Agressions contre les médias critiques
Le 26 septembre, le journal officiel
« Gaceta » a publié un décret
promulgué en grand secret cinq jours auparavant, suspendant pour
une durée de 45 jours les libertés dexpression, de
réunion, dassociation et de circulation et la
liberté individuelle. Par ailleurs, larticle 188 de la
Constitution actuelle prévoit quen cas de suspension de
ces garanties, le pays vit sous un régime détat de
siège; en clair, carte blanche est donnée à la
répression !
De plus, ce même décret prévoit
la fermeture de médias accusés
« datteinte à la paix et à
lordre public ». En conséquence, à 5
h du matin, le 28 septembre, la police a fermé Radio Globo et la
chaîne TV Canal 26. Quelques heures auparavant, Canal 36 avait
diffusé des dessins animés sur Don Quichotte,
accompagnés dune légende ironique :
« Voilà la programmation voulue par le putschiste
Micheletti… ». Depuis lors, Radio Globo continue
démettre par intermittence « quelque part au
Honduras… ».
Importation de paramilitaires colombiens : en gros ou au détail ?
Actifs dans les années 1980, les « escadrons de la
mort » locaux ont repris du service depuis le putsch, ce
qui est déjà inquiétant en soi : en effet,
ils font circuler une liste de 120 syndicalistes à abattre. Mais
ils pourraient recevoir (si ce nest déjà fait…)
des renforts en provenance de la Colombie, à lexemple de
ce qui se passe dans certaines régions à la
frontière de ce pays avec le Venezuela.
Daprès El Tiempo, de Bogota :
« Des patrons honduriens organiseraient limportation
dex-membres démobilisés du groupe paramilitaire
Autodéfenses unies de Colombie comme mercenaires
dans ce pays dAmérique centrale. […] Pour plus amples
informations, 40 para- militaires ont été
convoqués à une réunion dans lhacienda
El Japon (région du Magdalena Medio) : une
superficie de 1000 hectares, propriété du
narco-trafiquant Jairo Correa Alzate, supposée se trouver sous
le contrôle de la Direction nationale des
stupéfiants ». Un laxisme pour le moins…
stupéfiant !
Actions de désobéissance civile
Malgré les restrictions aux libertés imposées par
le décret du 26.9, des centaines de manifestants ont
dénoncé lévacuation policière de
lInstitut national agraire, occupé par des membres des
organisations paysannes et du syndicat des travailleurs de cet institut
(SITRAINA), affilié à lUnion internationale des
travailleurs de lalimentation (UITA). « Ces 55
personnes membres dorganisations paysannes et de
SITRAINA , délogées le 30 septembre,
défendaient une institution propriété du peuple
hondurien » (Israel Salinas, dirigeant de la
Confédération unitaire des travailleurs du Honduras)
Dabord transférés au
Commandement régional-7 (CORE-7), les occupants dont 4
membres de SITRAINA furent ensuite déférés
à la « justice », qui pourrait les
accuser de « sédition ». A ce jour, 43
personnes sont déjà inculpées pour ce motif. A sa
sortie du CORE-7, Luis Santos Madrid, dirigeant de SITRAINA, a
dénoncé lentassement des prisonniers (y compris
six femmes) dans une seule cellule, ainsi que la disparition de deux
jeunes gens, dont les cas auraient été transmis à
la justice des mineurs, toujours pour le motif de
« sédition ».
En résumé, pour Angel Guerra Cabrera,
du journal mexicain La Jornada « trois mois après
le coup dEtat, dans des conditions très inégales,
ce peuple na cessé de lutter pour le retour de son
président constitutionnel. En même temps, il a connu une
radicalisation impressionnante de sa conscience politique, de ses
aspirations et de ses revendications sociales ».
Voilà la dynamique que loligarchie veut briser, une
dynamique seule à même de sortir le Honduras de la nuit
putschiste.
Hans-Peter Renk
Les archives honduriennes en danger
Un aspect peu connu de la répression concerne
les fonds patrimoniaux des bibliothèques et les
employé-e-s de ces institutions. Nous reviendrons prochainement
sur le cas exemplaire de Natalie Roque Sandoval (directrice du service
des périodiques de la Bibliothèque nationale),
révoquée le 21 juillet par Myrna Castro, ministre de
lInculture du gouvernement
« Goriletti ».
(H.P. Renk, bibliothécaire solidaire)