L’OMC contre les peuples du monde

L’OMC contre les peuples du monde

En juillet 2008, les négociations de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC) s’achevaient sur un échec.
Pourtant, une nouvelle conférence ministérielle est
attendue à Genève, fin novembre. Un coup d’essai,
pour tenter de relancer la machine… D’ici-là, le
sentiment de reprise économique, lié à
l’embellie des marchés financiers, aura sans doute fait
long feu et de nouvelles catastrophes sociales se profileront.
   
Dans ce contexte, le projet d’extension du bâtiment de
l’OMC sur les rives du Lac a suscité l’union
sacrée de forces politiques genevoises, du PS à
l’extrême droite, en passant par les Verts et
l’Entente bourgeoise, épaulée par le
président de Patrimoine suisse, la vice-présidente de
l’ATE, la directrice de la Comédie, etc. Grâce
à l’appui financier massif des syndicats patronaux (FER),
les partisans du projet orchestrent un battage indécent (photos
truquées à l’appui), où l’on entend de
plus en plus louer les politiques de l’OMC, alors que la critique
des référendaires au projet d’empiètement
sur un parc public n’a pas porté sur ce plan…

    Ainsi, dix ans après le sommet de Seattle,
certains rêvent au retour de la pensée unique, lorsque
Thatcher pouvait dire : « Il n’y a pas
d’alternative. » Il faut donc rappeler la
responsabilité écrasante du FMI, de la Banque mondiale
(BM) et de l’OMC dans le développement de politiques de
production et de commercialisation agricoles meurtrières ayant
abouti à une crise de la faim dramatique et structurelle, dans
la marchandisation du monde et le minage de la démocratie. Il ne
peut en effet y avoir de développement de la démocratie
sans souveraineté conservée par les peuples sur leur
destin national, les ressources naturelles, leur politique de
développement. Or au service des multinationales, l’OMC
est là pour amener les peuples à abdiquer,
légalement et définitivement, de leur souveraineté
au profit de celles-ci. Près de trente ans de programmes
d’ajustement structurel imposés par les bulldozers du FMI
et de la BM ont préparé le terrain sous prétexte
de dette et de déséquilibres des balances des paiements.

    L’OMC est issue du Gatt (Accord
général sur le commerce et les tarifs douaniers),
lui-même rescapé de la fondation, inaboutie
après-guerre, d’une Organisation internationale du
commerce (OIC). En près de 50 ans, il a organisé huit
cycles de négociations pour renforcer la libéralisation
du commerce. Le dernier (1986-1994) a accouché de l’OMC en
1994, élargissant le champ des négociations à des
secteurs non touchés par le Gatt: agriculture, textiles et
services… De même, il a inclus la protection de la
propriété intellectuelle dans la sphère du
commerce. Alors que l’OIC mort-née se
référait à l’ONU et à la
Déclaration des droits de l’Homme, l’OMC n’a
plus de lien avec le dispositif onusien. Elle peut ignorer les droits
fondamentaux au nom des intérêts des multinationales
dominant les marchés.

    Depuis son origine, l’OMC est chargée
d’exporter le libre-échange partout… En effet, les pays
les plus avancés ont intérêt à laisser agir
les forces du marché en contraignant les pays en
développement à abandonner toute protection. Dans la
seconde moitié du 19e siècle, le Président US
Grant s’en rendait déjà compte :
« Pendant des siècles, remarquait-il,
l’Angleterre s’est appuyée sur la protection,
l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes
limites, et en a obtenu des résultats satisfaisants.
Après deux siècles, elle a jugé commode
d’adopter le libre-échange, car elle pense que la
protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, […]
lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout
ce qu’elle a à offrir, elle adoptera le
libre-échange ». C’est pourquoi, elle
défend aujourd’hui les politiques de l’OMC.

    Depuis la crise de la dette du début des
années 1980, le FMI et la Banque mondiale organisent la reprise
en main de la planète au profit des classes dominantes et
imposent au Tiers Monde des plans d’ajustement structurel
brutaux: privatisations massives et recul de l’Etat, tout
à l’exportation, réduction des subventions aux
produits de base et au social, abandon du contrôle sur les
mouvements de capitaux et les investissements étrangers…
L’OMC est une pièce clé de ce dispositif contre les
peuples. Le renforcement de la connexion des économies du Sud au
marché mondial se fait en effet au détriment de leurs
producteurs locaux, de leur marché intérieur et du
renforcement des relations Sud-Sud.

    L’OMC est apparue sur la scène
médiatique en 1999, lorsque d’amples mobilisations
populaires ont permis de bloquer le sommet de Seattle. Après les
attentats du 11 septembre 2001 aux USA, le sommet de Doha (Qatar) a
abouti au début de nouvelles négociations. La conclusion
en était prévue en 2004. Pourtant, dès la
conférence de Cancún (Mexique, 2003), un bloc de pays
émergents s’est opposé aux grandes puissances du
Nord. Devant l’intransigeance des pays riches, surtout en
matière agricole, le Mexique a décidé de mettre
fin à ce sommet. Après Seattle, ce sera le second
échec cuisant de l’OMC. Depuis, des clivages persistent
entre pays industrialisés (USA et UE, notamment) et pays
émergents (Brésil et Inde surtout), les Etats les plus
pauvres étant marginalisés.

    Actuellement pilotée par le
« socialiste » français, Pascal Lamy,
ancien commissaire européen du Commerce, l’OMC est un
instrument clé aux yeux des tenants de la mondialisation
capitaliste. La paralysie de ce rouleau compresseur a été
une bonne nouvelle, mais rien ne garantit que la machine ne
redémarre pas… Il est donc essentiel de renforcer la lutte
contre la marchandisation des services et des biens publics vitaux
comme l’eau, l’éducation, la santé ou
l’accès aux semences, par le biais des accords sur les
services (AGCS) et les droits de propriété intellectuelle
(ADPIC).

    Nous appelons donc nos lecteurs-trices à
participer à la manifestation internationale de protestation
contre le prochain sommet ministériel de l‘OMC,
convoquée fin novembre à Genève. 

Jean Batou