Droits des Palestiniens: débattre sans tabou

Droits des Palestiniens

Débattre sans tabou

A la veille de la manif du 12 janvier à
Genève, en défense des droits
humains et citoyens pour les
Palestiniens, deux voix discordantes
se sont fait entendre dans la presse
quotidienne, dont celle de Karl
Grünberg, membre de notre Comité de
rédaction et responsable d’ACOR-SOSRacisme.
Nous revenons ici sur ses
critiques et sur le sens d’un débat
nécessaire.

Cette manif Palestine du 12 janvier «pour le droit universel
à une vie humaine et digne» a été organisée à
Genève par un large front d’organisations, dont
solidaritéS a été parmi les initiateurs. Ce fut un succès
encourageant 1200 personnes environ rassemblées
en deux semaines et un pas en avant significatif, par
rapport à tous les rendez-vous de solidarité avec la
Palestine de ces dernières années, tant par le nombre
que par le carctère largement unitaire de la mobilisation.
Deux jours avant la manif, Karl Grünberg expliquait
ses désaccords avec le tract d’appel, publié intégralement
dans notre précédent numéro. Il confiait
ainsi aux journalistes du Temps et du Courrier les
raisons pour lesquelles ACOR-SOS-Racisme, dont il
assume la responsabilité, avait dû selon lui renoncer
à participer à cette mobilisation. Patrice Mugny en faisait
de même pour les Verts.

Sur la forme, comme sur le fond, les prises de position
de Karl ont choqué nombre d’entre nous. Je me
contenterai ici d’en relever quelques extraits…

«Par paresse intellectuelle, par suivisme, par
copinage, des gens de gauche signent des textes…»
(propos rapportés par P. Hazan dans Le Temps du 10
janvier). Pourquoi ce dénigrement méprisant des personnes
et collectifs qu’il met en cause et qui ont pour
la plupart discuté longuement et collectivement du
tract en question? Est-ce une bonne façon d’engager
le débat? Ou encore… Les signataires «s’associent à
une démarche enrobée dans un vocabulaire de droits
de l’homme qui ne vise qu’à mieux tronquer la vérité
historique, qu’à réduire l’Etat d’Israël à une caserne, et
qui, pas une seule fois, ne mentionne le droit à l’existence
de l’Etat hébreu» (même source).

Or pour les militant-e-s de solidaritéS engagés et porteurs
de ce travail de mobilisation, loin de constituer
un quelconque «enrobage», la défense intransigeante
des droits humains représente non seulement un
principe fondamental, mais encore leur mise au premier
plan comme axe central de la mobilisation, a
garanti une large unité dans l’action. Au-delà d’un certain
nombre d’appréciations politiques différentes
dont le collectif a débattu et entend continuer de
débattre, cette orientation réfléchie de notre part a été
largement acceptée par les autres forces présentes.

Révisionnisme historique, malhonnêteté, tricherie,
tels sont les griefs invoqués par Karl. Il reproche à cet
appel d’être un «brûlot au contenu antisioniste primaire
» (propos rapportés par B. Perez dans Le
Courrier du 10 janvier). Plus direct, dans un message
adressé à solidaritéS, il y dénonce une possible dérive
antisémite. Les autres membres du Comité de rédaction
unanimes réfutent totalement cette interprétation
abusive.

Nous connaissons par ailleurs l’engagement de Karl,
depuis plus de 30 ans, contre l’impérialisme, le
racisme, aux côtés des opprimé-e-s et des exploité-es.
Nous ne sommes donc pas indifférents aux motifs
qui ont pu le conduire à tourner le dos à cette initiative,
à nos yeux essentielle. Pour ne pas en rester à
une discussion sur la base de propos rapportés par tel
ou tel journaliste, nous lui avons demandé d’expliciter
ici sa position personnelle.

Fallait-il mettre sous le tapis un débat délicat pour
«laver notre linge sale en famille», ou renoncer même
à discuter de positions présumées arrêtées, de part et
d’autre. Voilà qui aurait rendu un bien mauvais
service à notre journal, de même qu’à notre projet
politique. Nous souhaiterions seulement appeler chacun-
e à un effort pour éviter les mises en cause personnelles,
de même que les formules rhétoriques à
l’emporte-pièce, dans l’intérêt d’une discussion
fondée sur la réflexion collective et l’écoute mutuelle.

Notre précédent numéro a clairement indiqué l’importance
que notre Comité de rédaction accordait à la
manif du 12 janvier en publiant intégralement son
tract d’appel, ce qui ne signifie pas que nous en
approuvions unanimement chaque formule. Nous
reviendrons ultérieurement sur les objectifs politiques
essentiels de notre engagement en faveur des droits
des Palestiniens, que nous voulons fédérateur mais
sans ambiguïté, ainsi que sur le travail concret de solidarité,
ses rendez-vous et ses initiatives. En même
temps, un débat est ouvert sur le fond, notamment
sur les enjeux historiques sur lesquels Karl prend
position.

Jean BATOU