Le conseil fédéral baisse sans répit les prestations AI

Le conseil fédéral baisse sans répit les prestations AI

Au lendemain de l’acceptation de la 5e révision de
l’AI en votation populaire, l’UDC et le patronat
réclamaient une 6e révision encore plus restrictive pour
l’octroi d’une rente invalidité. Agitant toujours le
même spectre des « abus », les forces
conservatrices de ce pays ne cessent en effet de stigmatiser les
personnes souffrant d’un handicap en les désignant comme
responsables du déficit croissant de
l’assurance-invalidité. En réalité, ce
déficit accumulé est la conséquence de la
politique de ces mêmes milieux qui ont refusé
d’augmenter les cotisations AI depuis de nombreuses années
et qui se sont eux-mêmes débarrassés d’une
partie de leurs salarié·e·s pendant les
précédentes crises économiques en les adressant
à cette assurance.

    Le Conseil fédéral n’est pas en
reste, avec l’annonce le 17 juin des mesures mises en
consultation pour cette nouvelle révision dont
l’entrée en vigueur est prévue pour 2012.

    Un premier train de mesures dans la révision
6a vise une réduction de moitié du déficit attendu
à la fin du financement additionnel, soit 570 millions par an.
Une grande partie sera obtenue par une « révision
des rentes axées sur la
réadaptation » : « il
s’agit de vérifier systématiquement, pour toutes
les rentes en cours, si les allocataires présentent un potentiel
de réinsertion » […] « Dans les
cas de troubles somatoformes douloureux, de fibromyalgie ou de
pathologies similaires, qui ne donnent en principe plus droit à
une rente depuis l’entrée en vigueur de la 5e
révision de l’AI (janvier 2008), la rente doit être
supprimée ou réduite; la révision 6a crée
la base légale nécessaire. »

    L’objectif du Conseil fédéral
est donc de réduire de 5 % les 250’ 000
rentes actuelles, en supprimant 12’ 500 rentes de 2012
à 2018, puis en prolongeant la réduction les
années suivantes. Avec un nouveau mécanisme de
financement par la Confédération, de type conjoncturel et
non plus en pourcentage des dépenses de l’AI, un autre
volet d’économie doit être obtenu. Enfin, un
accroissement de la concurrence entre fournisseurs devrait amener une
baisse des prix des moyens auxiliaires pour les personnes
handicapées. Un deuxième train de mesures
(révision 6b) pour des économies supplémentaires
avec une baisse des dépenses est déjà
annoncé pour être publié fin 2010, avec
l’objectif de réduire une nouvelle fois les
dépenses de 500 millions.

    Avec cette perspective de plus d’un milliard
d’économies dans les dépenses de l’AI
prévues par cette 6e révision, essentiellement sur le dos
de personnes handicapées, le patronat a donc accordé son
soutien au financement additionnel de l’AI envisagé dans
le cadre de la 5e révision ! Car il faut se souvenir que
ce même patronat avait obtenu de dissocier le financement de la
5e révision elle-même, ce qui lui permettait de maintenir
sous pression les associations défendant les personnes
handicapées, avec un chantage au financement après
l’acceptation de cette révision. Nous avions alors
dénoncé cette manœuvre, qui avait toutefois
paralysé, voire séduit, plus d’une grande
association nationale. Aujourd’hui, les masques tombent :
le patronat dicte les réformes selon son calendrier et selon ses
seuls intérêts, et le Conseil fédéral
s’exécute !

    Un récent comité composé des
milieux libéraux et de droite s’engage ainsi pour le Oui
au financement additionnel de l’AI par l’augmentation
temporaire de la TVA sur lequel le peuple doit se prononcer le 27
septembre prochain. Ce comité avait exigé en mai que le
Conseil fédéral présente son plan de
réformes avant la votation. Voilà de quoi les
satisfaire ! L’augmentation des charges salariales est
ainsi écartée, et cela représente une victoire
pour le patronat qui préfère une augmentation
limitée dans le temps de la fiscalité via la TVA, alors
qu’une majorité de l’UDC refuse toute mesure de
financement, tant que l’AI ne sera pas « assainie de
tous ses abus ».
  
 En chœur, le Conseil fédéral et ce
comité se réjouissent que la 4e et la 5e révision
de l’AI aient déjà réduit le nombre de
bénéficiaires de 40 % (sic !) et que
l’effectif des rentes en cours diminue pour la première
fois depuis de très nombreuses années ! En effet, ce
que nous avions prédit avec les précédentes
révisons s’est confirmé : les prestations de
l’AI ont été revues systématiquement
à la baisse et les assuré·e·s en ont fait
les frais. En niant les effets délétères de
certaines pathologies médicales, en particulier des troubles
douloureux de l’appareil locomoteur, et des troubles
psychiatriques comme des états dépressifs sur la
capacité de gain des personnes assurées, les nouveaux
Services médicaux régionaux de l’AI
s’octroient de façon exclusive l’expertise pour
évaluer cette capacité, le plus souvent au
détriment de l’avis des médecins traitants.
   
Or, depuis de nombreuses années, le corps médical signale
la recrudescence de pathologies liées au travail, avec les
conséquences connues à plus long terme sur la
santé des salarié·e·s : stress,
épuisement, douleurs corporelles liées aux nouvelles
formes de management plus agressives et exigeantes envers le personnel.
  
 C’est à ce niveau que des mesures doivent être
prises en urgence, plutôt que de vouloir remettre au labeur des
milliers de travailleurs et de travailleuses atteints dans leur
santé par ce même monde du travail, ceci alors que les
emplois disparaissent dans la grave crise économique que nous
vivons !

Gilles Godinat