Démocratie, dans quel état ?

Démocratie, dans quel état ?

Textes de Giorgio Agamben, Alain
Badiou, Daniel Bensaïd, Wendy Brown, Jean-Luc Nancy, Jacques
Rancière, Kristin Ross et Slavoj Zizek.


La Fabrique, 2009, 159 p.

Dans les années 1920, La Révolution surréaliste
proposait dans plusieurs livraisons des enquêtes sur des sujets
dont le point commun était qu’il semblait impossible
d’en dire quoi que ce soit de nouveau : l’amour, le
suicide, le pacte avec le diable. Pourtant, les réponses
d’Artaud, de Crevel, de Naville, de Ernst, de Bunuel, projettent
sur ces thèmes des éclairages croisés qui nous
surprennent encore, un siècle plus tard ou presque. C’est
avec ce modèle en tête que ce livre a été
lancé, avec une question ainsi formulée:
Le mot « démocratie » semble
aujourd’hui organiser un consensus très vaste. Certes, on
discute, parfois âprement, au sujet de la ou des significations
de ce mot. Mais, dans le « monde » où
nous vivons, il est généralement admis de lui attribuer
une valeur positive. D’où notre question: pour vous, y
a-t-il un sens à se dire
« démocrate » ? Si non,
pourquoi ? Et si oui, selon quelle interprétation du
mot ?
Les philosophes interrogés sont pour certains des auteurs et
amis de la Fabrique. D’autres, nous ne les connaissions que par
leurs travaux qui nous laissaient penser qu’ils et elles avaient
sur la démocratie des idées non conformes au discours
habituel. Leurs réponses sont diverses et parfois
contradictoires, ce qui était prévu et même
souhaité. Dans ce livre, on ne trouvera donc pas une
définition de la démocratie, ni un mode d’emploi et
encore moins un verdict pour ou contre. Il en ressort simplement que le
mot n’est pas à abandonner, car il continue à
servir de pivot autour duquel tournent les plus essentielles des
controverses sur la politique.

La Contre-rÉvolution coloniale en France.

De de Gaulle à Sarkozy

Sadry Khiari

La Fabrique, 2009, 250 p.

Comme le Capital a produit les classes, le patriarcat les genres, le
colonialisme a produit les races. Si le mot fait peur, se chuchote
à peine, la chose, elle, n’en finit pas d’exister et
de tisser les rapports sociaux. C’est elle qui cimente les
discriminations à l’embauche, à l’avancement,
au logement, dans l’accès aux loisirs ou aux instances
médiatiques et politiques, dans les pratiques policières
et judiciaires, etc.
Face à cette offensive massive contre tous ceux qui sont
définitivement de l’autre côté de la
barrière raciale et que la France s’acharne à
combattre en particulier pour ce qu’ils sont censés avoir
de particulier, Sadri Khiari nous donne à voir les luttes de
résistance de ceux dont on tolère à peine
l’existence quand on ne la nie pas complètement :
des luttes des OS immigrés
aux grèves des loyers dans les foyers Sonacotra, des luttes des
sans-papiers à la solidarité avec la Palestine, des
mobilisations contre les crimes racistes et les violences
policières jusqu’aux révoltes des quartiers
populaires, ils sont nombreux à défier les promesses non
tenues de liberté, d’égalité et de
fraternité.
Derrière les défaites, les
« récupérations », les
protestations sans lendemain, les émeutes vite
réprimées ou les divisions, Sadri Khiari nous
révèle l’existence d’une véritable
force politique, longtemps restée inidentifiable, parfois
inconsciente d’elle-même mais bien réelle à
tant, dans une logique d’opposition à la domination
blanche, elle pèse dans les rapports de forces.

Revue internationale des livres et des idées,

n° 11, mai-juin 2009

Le dossier central de ce numéro est intitulé
« France/Etats-Unis: Feu sur
l’Université ». Il met en cause les
contre-réformes dans l’enseignement supérieur en
Europe et les compare à la régression vécue par
les Etats-Unis il y a une vingtaine d’années. Avec
« Démontage de l’Université, guerre
des évaluations et luttes de classes », Yves Citton
montre notamment comment la rigueur, la
« transparence » et la
« responsabilité » budgétaires
mettent en œuvre une dynamique suicidaire au sein
d’institutions chargées de produire des biens intangibles.
Christopher Newfield souligne ainsi qu’à l’heure de
« l’économie de la
connaissance », les Etats-Unis viennent de produire la
première génération à être moins bien
éduquée que la précédente. Plusieurs pages
sont consacrées à un entretien avec trois
chercheurs-euses français engagés dans le conflit des
universités (janvier 2009- ?). A lire attentivement. Cela
concerne aussi les universités suisses.
Quatre articles traitent de sujets assez surprenants. Tout
d’abord, Jean-François Mouhot présente le livre de
John Mc Neill, Something New Under the Sun, publié en 2001 aux
Etats-Unis. C’est une histoire environnementale du 20e
siècle, au cours duquel « nous avons eu une
empreinte écologique sur la planète plus profonde que
celle de l’ensemble des générations
passées ». Ensuite, Caroline Douki rend compte de
Lingua franca. Histoire d’une langue métisse en
Méditerranée, de Jocelyne Dacklia (Actes Sud, 2008). Elle
s’interroge sur la signification d’un parler
méditerranéen des 16e-18e siècles,
aujourd’hui disparu, fait d’un mixte de langues romanes,
qui permettait de communiquer avec le monde arabe ou turc. Prolongeant
cette piste interculturelle, Jean-Baptiste Meyer revient sur un ouvrage
d’AnnaLee Saxenian, The New Argonauts (Harvard U.P., 2006), qui
propose une vision optimiste de la « fuite des
cerveaux » dans le monde actuel. Enfin, Pierre Rousset,
commente le magnifique livre de Benedict Anderson sur les contacts
entre anarchistes et militants anticoloniaux de la fin du 19e
siècle, qui vient d’être traduit en français
aux éditions de La Découverte sous le titre Les
bannières de la révolte (2009).

Jean Batou