L’homosexualité ou l’inévolution de l’humain ?

L’homosexualité ou l’inévolution de l’humain ?

Un communiqué publié par les jeunes UDC valaisans
à l’occasion de la Journée mondiale contre
l’homophobie du 17 mai rappelle la nécessité de
maintenir la lutte contre la résurgence des thèmes
conservateurs sexistes, en ces temps où
l’insécurité et la crise érigées en
systèmes de pensée alimentant un patriarcat
résurgent. Séquence décodage sur leur
« Non à la banalisation de
l’homosexualité ! »

Une journée « contre » ou « pour » ?

D’emblée, les jeunes UDC valaisans avertissent de leur
intention de lutter pour un corps social mû par les saines lois
de la nature : « A l’occasion de la
Journée mondiale du 17 mai en faveur de
l’homosexualité, les Jeunes UDC du Valais romand
rappellent leur attachement au droit naturel et chrétien et
condamnent fermement la banalisation de ce comportement
déviant. » Ce faisant, ils inversent la lutte
contre l’homophobie – soit la lutte contre ce type de
propos nauséabonds, ceci sans outil légal – en la
transformant en une sorte de foire au
« prosélytisme » de
l’homosexualité.

    Nous pourrions leur conseiller d’arrêter
de regarder la TV française : ce n’est pas en
Helvétie que la journée a été
consacrée à la lutte contre la transphobie et que le
transsexualisme a été sorti du catalogue des maladies
mentales, mais bien dans le pays voisin, et dans des perspectives sans
lien avec notre réalité. Que s’est-il passé
en Suisse romande ce jour-là ? Rien, ou alors si peu que
l’on ne peut retenir que le silence, voire
l’abnégation des
intéressé·e·s; des proies devenues
taiseuses et donc faciles à abattre ?

Vice, propagation et banalisation…

Comme le message ne semblait pas suffisant, le communiqué
conclut : « En conséquence, les Jeunes UDC
 du Valais romand condamnent fermement la reconnaissance de
cette […] vicieuse Journée mondiale. Cette
dernière ne vise en effet qu’un seul but : la
banalisation d’un comportement qui s’inscrit contre la
famille et également contre l’équilibre psychique
et moral de la jeunesse. » Vice, propagation, banalisation
sont donc les anathèmes d’une prose qui a une curieuse
parenté avec l’idée de
« dégénérescence » en
vogue en Suisse un siècle plus tôt.
    Gays et lesbiennes se trouvent toujours
confronté·e·s au même dilemme. Soit taire sa
différence, par soif d’intégration, par
indifférence et dans l’attente de jours meilleurs. Mais
cela mène à devenir la proie souffrante de pressions qui
se concrétisent souvent par le suicide de jeunes se
découvrant différents sexuellement, ou – au mieux
– à l’exclusion plus ou moins subtile de celles-ceux
qui osent persévérer.
    Soit s’affirmer différent et devenir la
cible d’accusations farfelues de perversion de l’avenir de
l’humain et de son noyau de base, la famille. Est-il encore
nécessaire de prouver que deux personnes de même sexe ne
parviennent pas à avoir d’enfant ? A moins, que la
stérilité ne soit le maître mot permettant de
comprendre le schéma d’inévolution proposé
par leur illustration et qui montre un passage de
« l’homovirtualiste » contemporain
à l’amibe.

La femme comme problème ?

Mélangeant les thématiques des drogues, de
l’intégration européenne, de
l’insécurité des étrangers-ères et de
l’avortement à celle de l’homosexualité, la
caricature est moins naïve qu’elle paraît. Le
justificatif des jeunes UDC valaisans contre la journée contre
l’homophobie relève toute la problématique de la
procréation : « En effet, la nature de
l’homme est régie par des lois qu’une conscience
droite découvre sans difficulté. Une d’elles montre
que la différence des sexes a pour but principal la
procréation. C’est notamment par le respect de cet ordre
que les êtres humains trouvent leur
épanouissement. » N’ont-ils jamais
envisagé, pour reprendre le slogan de lesbiennes proclamé
au cours de la « Fierté homosexuelle »
de Paris en 2008, que leurs « seins sont pour leurs
amantes, mais non pour leurs enfants » ? La
naturalisation de l’attirance pour l’autre sexe –
hormis le potentiel destructeur sur celles-ceux qui ne peuvent pas
l’assumer – inscrit la complémentarité
biologique dans un canevas séculaire rassurant les
conservatismes : la reproduction, au double sens de classe
sociale et de descendance.

Famille et Patrie…

Aussi, il n’est pas étonnant que cette analyse soit
complétée par une mise en garde sur le devenir de la
famille : « Il est regrettable et scandaleux que
des institutions publiques, tout comme malheureusement la
majorité de la classe politique et l’Etat, se mettent
à promouvoir un choix de vie qui s’inscrit contre la
famille, lieu de perpétuation de la génération
humaine et donc de la survie d’une nation. »
Famille… principale cause du suicide des jeunes se
découvrant homosexuel-les, ou encore terreau d’une
inégalité structurale dans laquelle la venue d’un
enfant – potentiellement homosexuel-le – promeut
professionnellement le sexe masculin, alors que la maternité
confine les femmes au temps partiel ou au foyer, comme le
démontrent les statistiques helvétiques. Patrie…
avenir d’un pays sans structures natalistes expliqué par
une logique néoconservatrice voulant que
l’homosexualité soit un choix de vie – combien de
suicides de jeunes faudra-t-il pour comprendre que, pas plus que la
bisexualité ou l’hétérosexualité,
l’homosexualité n’est un choix ? – ou
encore vision d’une conformation des rôles
hétérosexuels valorisant un sexe féminin
reproducteur conformément aux lois, à la fois naturelles
et divines, de la complémentarité des sexes.

    L’attaque contre l’homosexualité
s’inscrit dans des conceptions sexistes et un projet de
société de négation des minorités et des
différences qui deviennent la cause de tous les maux sociaux.
Elle montre, en outre, la nécessité de ne jamais tenir
des droits et des libertés pour définitivement acquis.

Thierry Delessert