Nestlégate: non-lieu annulé !

Nestlégate: non-lieu annulé !

Souvenons-nous : le 12 février 2009, le juge
d‘instruction du canton de Vaud, Jaques Antenen, rendait un
non-lieu dans Nestlégate en faveur de Nestlé et Securitas
SA. Attac déposait un recours contre cette décision
scandaleuse auprès du Tribunal d’accusation du canton de
Vaud (TAC). Alors que dans le cadre de la procédure, le
Ministère public constatait des lacunes dans
l’instruction, le TAC a rendu sa décision : il
annule le non-lieu et renvoie le dossier au juge Antenen pour
qu’il complète son instruction.

Une victoire d’étape pour Attac

Cette décision est une victoire pour Attac : elle
constitue la preuve que l’enquête à
été menée à décharge de
Nestlé et Securitas et démontre que le non-lieu au
pénal prononcé en février était bel et bien
un véritable déni de justice. Durant presque une
année maintenant, Nestlé et Securitas ont
minimisé, voire nié les faits, ne donnant pas ou fort peu
de renseignements sur l’ampleur, la durée, les
résultats de leurs activités d’espionnage ainsi que
les moyens techniques mis en œuvre. Il y avait pourtant
matière : cinq mois après la divulgation de la
première taupe par Temps Présent les médias
révélaient l’existence de deux nouvelles espionnes
dont la dernière œuvrait toujours dans le même
groupe de travail d’Attac jusqu’à que le pot aux
roses soit découvert en novembre 2008. En parallèle
à ses nouvelles révélations, Attac demandait au
juge que des mesures d’instruction nécessaires
(perquisitions, expertises, nouvelles auditions etc.) soient mises sur
pied pour que toute la vérité soit faite sur cette
affaire. Ces demandes sont restées en large partie lettres
mortes. Le juge d’instruction n’a jamais remis en cause la
« bonne foi » de Nestlé et Securitas,
ces deux entreprises manifestement plus dignes de confiance à
ses yeux que les victimes de leur espionnage. Quelques mois plus tard,
il rendait un non-lieu, observant que si sur le plan éthique les
opérations de surveillance de Nestlé et Securitas
étaient discutables, le droit pénal ne punissait pas ce
type d’activités (1). C’était donc
« tout bénéf’ » pour
Nestlé et Securitas qui exprimaient respectivement leur
satisfaction et leur soulagement à travers les médias.

Faire toute la lumière

Avec l’annulation du non-lieu et la poursuite de
l’enquête, il ne nous reste plus qu’à
souhaiter qu’à partir de maintenant la justice ne prendra
pas parti pris et mettra en œuvre les mesures d’instruction
nécessaires qui permettront de faire toute la lumière sur
cette affaire. Il est aussi à espérer que le juge
d’instruction saura voir cette fois-ci que ces activités
d’espionnage violent plusieurs dispositions du Code pénal
et ne sont pas seulement discutables sur un plan éthique. A cet
égard, le Ministère public a constaté que la
violation du Code pénal et de la protection des données
ne semble pas d’emblée exclue, contrairement à son
opinion. Sur le plan civil, le Président du Tribunal a
observé, le 9 avril dernier, qu’il y a eu
« violation de la sphère privée des membres
d’ATTAC-Suisse requérants et de l’association
elle-même (2) ». Il a affirmé encore que
l’espionnage de Securitas et de Nestlé est bel et bien
« illicite (3) ». Le Président du
Tribunal, a ajouté également que
« Nestlé ne peut se prévaloir, comme
justificatif de l’atteinte, d’un intérêt
prépondérant de nature privée à faire
organiser une certaine surveillance sur des personnes potentiellement
dangereuses ou hostiles, à rechercher des informations
concernant sa sécurité, y compris par
l’infiltration et l’espionnage (4) ». Une
audience préliminaire aura lieu le 3 juin.

Un danger pour la démocratie

Dernièrement d’autres affaires d’espionnage par des
entreprises privées ont été divulguées,
à l’exemple de l’espionnage d’Olivier
Besancenot et de sa famille (jusqu’à la
belle-mère !) par la société Taser France
et plus récemment celle de Greenpeace par EDF. Le géant
nucléaire est suspecté d’avoir espionné
Greenpeace en France et au Royaume Uni (5). Quant à Greenpeace
Suisse, il craint également d’avoir été pris
pour cible (6). Il est intéressant de noter que la
société Securewyse sous contrat  avec EDF,
basée à Lausanne, est soupçonnée
d’avoir participé aux missions d’espionnage de
Greenpeace. Les procédures juridiques sont en cours dans les
deux cas. Derrière la multiplication de ces pratiques
d’espionnage, ce sont des droits démocratiques essentiels
comme la liberté d’expression, de réunion et
d’opinion qui sont remis en question. L’activité des
ONG, syndicats, organisations politiques critiques est de plus en plus
criminalisée. Leurs opinions, campagnes, manifestations
pacifiques sont considérées par des entreprises
privées comme des menaces à leurs intérêts
qu’il faut à tout prix entraver. Des
sociétés qui bénéficient, malheureusement
souvent, pour mener leurs basses œuvres de la complicité
de l’Etat ou du moins de sa passivité. Ces multinationales
pensent ainsi pouvoir bafouer en toute impunité des droits
démocratiques fondamentaux qui touchent de près chaque
citoyen.ne. C’est dans ce sens que le combat est loin
d’être gagné et qu’il faut continuer de lutter
pour que Nestlégate comme toutes les autres affaires
d’espionnage soient démasquées,
démantelées et condamnées car elles constituent,
de fait, un grave danger pour la démocratie.

Isabelle Paccaud


1    Cf. 24heures, 14-15 février 2009
2    Motivations de l’ordonnance rendue par le
Tribunal Civil le 8 août 2008 notifiées aux conseils des
parties le 9 avril 2009
3    Idem
4    Idem
5    Voir notamment, Le Monde du 27 avril, 29 avril et 1er mai 2009, www.lemonde.fr
6    Cf. Tribune de Genève, le  23 avril 2009, www.tdg.ch